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Plus de pollution atmosphérique ni sonore

Ville sans voiture : un "Paris" santé

Par Bruno Martrette

L’avenue des Champs-Élysées lors de la Journée "Paris sans voiture" du 27 septembre, J.E.E/SIPA
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ENQUÊTE – Et si demain Paris roulait en vélo ou au tout électrique. La Mairie en rêve mais d’autres villes en Europe l’ont déjà réalisé. L’enjeu est de taille, la réduction de la pollution, atmosphérique et sonore, se traduirait en gain d’espérance de vie. Mais pour protéger notre santé, il ne suffit pas d’ouvrir quelques pistes cyclables. Pourquoidocteur a rencontré les acteurs de cette révolution.


Nez qui coule, gorge qui gratte, yeux qui piquent. Cela fait 10 ans que j’habite à Paris, je me réveille tous les matins avec les mêmes symptômes. Sans doute des allergies, mais aussi les effets de la pollution, omniprésente sur la capitale. Mais ce matin, je vais mieux, car j’ai fait un rêve, j'habitais à Zermatt en Suisse.

Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’une petite commune de 6 000 habitants (canton du Valais) dans laquelle les gens marchent, respirent bien et sourient. Tous les habitants de cette station de ski huppée de la Confédération helvétique ne se déplacent qu’en calèches ou en voitures électriques. Tout autre véhicule polluant (voiture ou moto) est tout simplement interdit dans ce petit coin de paradis.

Imaginons maintenant ce scénario à Paris. L’histoire ressemble plutôt à une fiction tant la Ville Lumière est aujourd’hui le royaume des automobilistes qui polluent le quotidien de plus de 2 millions de Parisiens. Pourtant, cette idée d’un « Paris sans voiture » n’est pas qu’une utopie de bobos écolos loin du pouvoir. La maire de Paris, Anne Hidalgo, (soutenue par les écologistes) veut bannir les voitures polluantes de sa ville. L'enjeu est de taille, la pollution aux particules fines fait perdre 8 à 12 mois d'espérance de vie aux Parisiens
Primo, Anne Hidalgo a annoncé le 17 septembre 2015 son projet de fermeture totale à la circulation automobile de 3,3 km de la voie sur berge Georges-Pompidou (rive droite), et une « aire piétonne végétalisée de 4,5 ha » devrait être créée en bord de Seine, à l'instar de ce qui a été fait en 2012 rive gauche entre le pont Royal et le pont de l'Alma. A plusieurs occasions, l'édile a répété qu’elle voulait éradiquer le diesel à Paris d’ici 2020. Quelles seraient les conséquences sur la santé d'un Paris soulagé de la pollution routière ? Pourquoidocteur a mené l’enquête. 

 

« Paris sans voiture » un succès atmosphérique

Les médecins sont unanimes, diminuer la pollution aurait un effet bénéfique rapide : « Si demain on remplaçait tous les véhicules polluants de Paris par des voitures électriques, en quelques jours, les Parisiens sensibles à la pollution ne ressentiraient plus certains symptômes (yeux qui piquent, nez qui coule, gorge enrouée, etc.) L’effet serait immédiat pour eux. Mais au final, on respirerait tous mieux ! », confie le Dr Pierre Souvet, président de l'Association Santé Environnement France (ASEF).

Ecoutez...
Dr Pierre Souvet, président de l'ASEF : « Il y a des études qui montrent que si vous vous promenez dans un parc, par rapport à un bord de périphérique, votre capacité respiratoire est nettement meilleure. Les chiffres de la pollution qu'on vous donne... »

 

Des paroles en l’air ? Loin de là ! En attestent les niveaux de pollution relevés dans les rues fermées à la circulation lors de la journée « Paris sans voiture » du 27 septembre 2015. « Les mesures effectuées par Airparif ce jour-là montrent très nettement un impact local significatif, mais très local, sur certains axes comme les Champs- Élysées, avec des baisses de 20 à 40 % des niveaux de dioxyde d’azote, en moyenne, par rapport à un dimanche similaire », raconte Karine Léger, adjointe au directeur d’Airparif.
Cette association composée de scientifiques (chimistes, géographes) a aussi mesuré une baisse importante de l’exposition des cyclistes. Et pour ceux qui doutent de ces résultats, l’ingénieure rappelle que le dioxyde d’azote est « très un bon traceur du trafic et de la pollution locale, car il est moins sensible aux transferts de pollution que l’ozone ou les particules qui voyagent facilement ». Bref, des preuves incontestables des bienfaits immédiats de limiter la circulation automobile. 

Ecoutez...
Karine Léger, adjointe au directeur d'Airparif : « Même si la qualité de l'air s'est améliorée sur Paris, nous avons toujours un contentieux avec l'Europe sur les particules et un autre à venir sur le dioxyde d'azote. 9 Parisiens sur 10 sont exposés...»

 

Un son de cloche qui ravit le Dr Souvet qui souligne que les résultats d’Airparif sont « très intéressants » car le dioxyde d’azote, émis par le diesel, est toxique pour le système respiratoire. « Il est aussi précurseur d’ozone, encore plus toxique et mortel », fait-il remarquer. Pour rappel, ces polluants sont connus pour favoriser les pathologies respiratoires. L’étude ISAAC (1) menée dans six villes françaises a montré que les enfants résidant depuis 8 ans dans des zones avec des pollutions élevées ont un surrisque de 50 % d'être asthmatique ! Une augmentation significative de ces pathologies a même été observée dans les zones où les niveaux de pollution atmosphérique sont proches des valeurs recommandées par l'OMS (voir encadré).

Les effets sur la santé de la pollution atmosphérique et sonore

On sait que L’étude Aphekom (2011) a montré que les Parisiens perdent 8-12 mois d’espérance de vie à cause de la pollution atmosphérique aux particules fines. Les pathologies liées à l’asthme, les cancers, etc. sont les principales causes de ces décès prématurés.
On pourrait découvrir à l’avenir : L'exposition à la pollution, en particulier aux particules fines, est suspectée de nuire au foie. Elle a entraîné récemment l'apparition d'une fibrose hépatique chez la souris. Autre suspicion, celle de chercheurs français qui ont étudié le risque de leucémie aiguë chez l’enfant proche des routes à fort trafic. Les résultats montrent que la fréquence des cas serait plus élevée chez eux.
Enfin, sept mois, c’est la durée de vie en bonne santé perdue par un Parisien. Le bruit routier (mais aussi ferroviaire et aérien) en est responsable.


Cette réussite « atmosphérique » du Paris sans voiture amène le Dr Bernard Jomier, maire-adjoint de la capitale chargé de la Santé, à lancer un appel pour organiser d’autres journées de ce type : « Il faut les répéter à des intervalles plus rapprochés et sur un périmètre plus étendu », a-t-il indiqué à la rédaction. La dernière n’incluait que certains quartiers dans le centre de Paris, regrette l'élu Europe Écologie Les Verts (EELV) du 19ème.

 

Ecoutez...
Dr Bernard Jomier, maire-adjoint de Paris chargé de la Santé : « On est à Paris dans une situation où il y a seulement quelques jours d'air pur par an. Cette pollution de fond est le phénomène majeur en terme de santé publique. Cela porte atteinte... »

 

Le répit des oreilles 

Klaxons, vroum-vroum des moteurs, freinage « strident », font partie de ce bruit de fond délétère pour la santé générale, car au-delà de la pollution atmosphérique, les Parisiens sont également victimes d'une importante pollution sonore. Du coup, un Paris sans voiture devrait faire du bien à nos oreilles. Ce que confirment les médecins interrogés.

Des études récentes ont montré que le bruit augmente le taux d’hypertension artérielle et d’infarctus, rappelle le Dr Souvet. La pollution sonore favorise aussi le stress psychique et donc accroît les médications anxiolytiques. Enfin, comme le bruit n’épargne personne, il est accusé de retarder de six mois l’apprentissage chez l’enfant (Etude Bistrup, 2003). Pour éviter ces désagréments, le Dr Jomier souligne une fois de plus l’atout des voitures hybrides et électriques « moins bruyantes ».

Les Parisiens attendront   

Mais le miracle d'un Paris sans voiture polluante ne se fera pas en un jour, la mairie de Paris veut y arriver par étape. D'abord, le Dr Jomier appelle ses concitoyens à avoir « la culture du vélo et des transports en commun ». Un appel du pied auquel beaucoup de Parisiens, moi le 1er, rétorqueront aussitôt que « le vélo c’est bien, mais au milieu des bus et des voitures ça donne moins envie ».

Cette voirie sous le feu des critiques fait réagir l’élu qui indique que la mairie de Paris a adopté un plan vélo pour les 5 prochaines années. « Nous allons créer des itinéraires entiers sécurisés afin de permettre aux cyclistes de traverser tout Paris ». « Actuellement, ce n’est pas possible. Il y a trop de ruptures », concède-t-il.

Pour tenter de convaincre une dernière fois les sceptiques, il indique que le marche et le vélo sont aussi « d'excellent améliorateurs des indicateurs de la santé des citoyens ». Des études menées à Amsterdam, la capitale mondiale du vélo, l’ont en effet déjà prouvé.

Les conducteurs resteront sur le quai du métro

Dans l’attente de pistes cyclables, le Dr Jomier propose une autre solution, celle des transports en commun (tramway, bus, etc.) « moins polluants que les voitures ». Là encore, il faudra réussir à convaincre les automobilistes car les habitués du RER A ou de la ligne 1, 2, 3, etc. (bref tout le métro parisien), freineront sans doute les ardeurs des non-initiés.

Du coup, même s’il reconnaît ce problème de « la saturation des lignes », le Dr Jomier reste optimiste : « Il faut des investissements et repenser la ville, l’urbanisme. Je vous donne un exemple : en mettant les emplois à l’ouest et les habitants à l’est on crée des mouvement de population qui ont des conséquence sur la santé ». Des concepts à oublier, selon lui.

Ainsi, la réponse, « à moyen terme » devra passer par des pôles d’activités et de logements d’habitation autour d’un maillage de nouveaux transports en commun. Celui-ci est censé arriver avec le futur métro du « Grand Paris », un projet de réseau composé de quatre nouvelles lignes de métro automatiques autour de la capitale (15, 16, 17, 18), et de l'extension de deux lignes existantes.
Ce projet d'une ville sans voiture polluante, certains pays l'ont déjà tenté avec succès, comme nous le prouve le modèle suédois et ses villes vertes comme Stockholm et Göteborg (la suite de notre enquête).
Enfin, pour ceux que cet article n'aurait toujours pas convaincu et qui voudraient quand même conserver leur voiture, vous l'avez compris, la mairie de Paris n’est pas contre les véhicules non polluants, comme les hybrides et les électriques. Pas sûr toutefois qu' il s'agisse d'une bonne nouvelle pour le portefeuille des consommateurs au vu du prix d'achat et d'entretien de ces voitures. Aux constructeurs maintenant d'apporter leur contribution à la lutte contre la pollution !

De mon côté, je viens de terminer ma journée de travail. Je suis sur le quai à attendre ce satané RER A depuis 20 minutes. Dans mon sac, je tombe sur un ancien journal gratuit. A la première page, je lis que le métro serait encore plus pollué que le périphérique parisien, d'après des mesures récentes effectuées par la RATP. Cette pollution aux particules fines inquiète les personnels de la Régie. Mon rêve d'une ville où tout le monde se déplace sainement en transports en commun s'éloigne à nouveau...

Lire la suite de notre enquête : 

Ville sans voiture : les Scandinaves ont relevé le défi