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Du soulagement à l’addiction

Cannabis thérapeutique : le sevrage peut être difficile

Par Mégane Fleury

Plus de la moitié des personnes qui utilisent du cannabis comme anti-douleur ressentent des symptômes de sevrage. 

Ivan-balvan/istock
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Bientôt autorisé en France à titre expérimental, le cannabis thérapeutique permet de traiter la douleur
Des chercheurs soulignent le risque de réactions de sevrage à l'arrêt de ces traitements

Soulager la douleur, lorsqu’elle persiste ou qu’elle est chronique, peut ressembler à un parcours du combattant : notamment si l’on veut éviter les opioïdes, pointés du doigt pour le risque élevé d’addiction qu’ils présentent, ou si l’on ne réagit pas bien aux traitements existants. À travers le monde, nombreux sont ceux qui choisissent de se tourner vers des médecines jugées plus douces, dont fait partie le cannabis thérapeutique. Dans une recherche parue dans la revue spécialisée Addiction, des chercheurs ont interrogé ce choix : est-ce que l’utilisation du cannabis thérapeutique peut conduire à des comportements addictifs ?

Des symptômes de sevrage largement présents

L’étude a suivi plus de 500 personnes, utilisant du cannabis thérapeutique. Les chercheurs leur ont demandé si elles avaient ressenti un symptôme, parmi une liste de 15, lorsqu’elles ont arrêté de prendre du cannabis pendant une certaine période. Les symptômes listés allaient des difficultés à dormir, aux nausées en passant par l’agressivité : tous sont caractéristiques du phénomène de sevrage. Un an puis deux ans après, ils ont posé les mêmes questions aux patients, afin d’analyser leur évolution. 41% des personnes interrogées ont ressenti des symptômes légers, 34% des symptômes modérés et pour 25% du groupe, ils étaient sévères. Pour une petite partie de l'échantillon, l'utilisation du cannabis a eu l'effet inverse de celui désiré : 10% des personnes ayant participé à l’étude ont ressenti une aggravation de leurs symptômes, qu’ils concernent leur sommeil, leur humeur, leur énergie ou leur état mental, alors qu’ils prenaient du cannabis pour les soulager. 

Des bénéfices reconnus, des risques méconnus 

"Il ne faut pas considérer le cannabis comme sans danger, explique l’autrice de l’étude, Lara Coughlin, il contient des substances, appelées cannabinoïdes, qui agissent sur le cerveau." Elle rappelle qu'ils peuvent  provoquer des réactions cérébrales lorsque le patient cesse d’y avoir recours. La scientifique reconnaît toutefois que "certaines personnes ressentent des bénéfices importants lorsqu’elles utilisent du cannabis médical." Mais elle appelle à faire davantage de prévention, en familiarisant les patients aux symptômes de sevrage. D’après elle, il est nécessaire qu’ils discutent du choix du cannabis médical avec leur médecin traitant, pour évoquer le dosage et le type de cannabis utilisé. "Certains produits pourraient augmenter le risque de symptômes de sevrage", souligne la chercheuse. Elle constate que les personnes fumant du cannabis ont des symptômes de sevrage plus sévères que les autres, et que ceux qui le vapotent ont des symptômes moins sévères mais plus persistants sur la durée. 

Un essai démarrera bientôt en France

En France, le cannabis thérapeutique a été autorisé dans le cadre d’une expérimentation, en octobre 2019. Rassemblant au moins 3000 patients, l’étude s'intéresse aux patients souffrant de douleurs chroniques, de sclérose en plaques ou encore d’effets secondaires de chimiothérapie. Les premiers essais cliniques doivent démarrer au premier trimestre 2021.