ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Couvre-feu : la mesure divise les scientifiques

Covid-19

Couvre-feu : la mesure divise les scientifiques

Par Mégane Fleury

Emmanuel Macron s’exprimera, mercredi 14 octobre au soir pour annoncer de nouvelles mesures contre le coronavirus. Depuis plusieurs jours, l’hypothèse d’un couvre-feu dans les grandes villes émerge. Une perspective qui divise. 

OnickzArtworks/ISTOCK
Des mesures de couvre-feu dans les secteurs les plus touchés par le rebond de l'épidémie pourraient être annoncées
Le couvre-feu a déjà été instauré en Guyane et dans le département de l'Oise
La mesure divise, certains jugeant trop anxiogène sa connotation "guerrière"

Un couvre-feu sera-t-il instauré dans les grandes villes françaises ? Cela fait partie des nouvelles mesures envisagées par l’exécutif français pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Le virus sera, en tous cas, l’objet de l’allocution d’Emmanuel Macron mercredi 14 octobre à 20 heures. Un couvre-feu dans les grandes villes signifie une interdiction totale de circuler dans les rues à certaines heures, sauf dérogation. En France, la mesure a déjà été mise en place en Guyane, dans l’Oise ou encore à Nice. Médecins et scientifiques ne sont toutefois pas d’accord sur l’efficacité de ce dispositif. 

L’exemple de la Guyane

Les partisans d’un couvre-feu dans les grandes villes françaises soulignent que cette stratégie a payé en Guyane. À partir du 25 mars, les habitants ne pouvaient plus sortir de chez eux entre 21 heures et 5 heures du matin, puis la mesure a été durcie en juin passant à une interdiction de sortie entre 17 heures à 5 heures. La directrice de l’Agence régionale de santé Guyane, Clara de Bort, explique que "cela a été très efficace" à BFM TV. "Combiné avec d’autres mesures, comme la fermeture des frontières et des limitations de déplacement, cela a permis d’abaisser le R de 1,7 à 1,1", ajoute Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur, dans un entretien accordé au Monde. Pour rappel, le R désigne le taux de reproduction du virus, soit le nombre de personne qu’un malade peut contaminer. 

Une option pour le Conseil scientifique

En Guyane, le couvre-feu est toujours en vigueur, mais il a été réduit à une interdiction de sortie de 23 heures à 5 heures à partir du mois de septembre. Pour la directrice de l’ARS, ce maintien de la mesure  a "permis de ne pas reconfiner et donc de maintenir l'activité économique et sociale en journée avec les mesures barrières mises en oeuvre". L’idée d’une application en métropole n’est pas nouvelle. Dans son avis du 22 septembre 2020, le Conseil scientifique évoque le couvre-feu à plusieurs reprises, comme une option dans la lutte contre le virus. "Il pourrait être envisagé de procéder à un couvre-feu pour une durée limitée par exemple de quinze jours dans un nombre limité de métropoles", expliquent les auteurs.  

Une décision extrême..

Pour l’épidémiologiste Martin Blachier, instaurer un couvre-feu dans les grandes villes, "ce serait aller trop loin, au regard de la situation actuelle". Il confie au Parisien, que les prévisions pour les prochaines semaines sont "alarmistes". Il estime qu’il est nécessaire d’attendre avant d’envisager une telle mesure : "Un couvre-feu, c'est extrêmement fort. Ça veut dire sortir avec une autorisation sous peine de sanction, des patrouilles dans la rue… Cela va créer un climat délétère dans le pays. Pourquoi cette logique de guerre ? Ne faisons pas le pas de trop."

.. Jugée insuffisante par d’autres 

À l’inverse, l’épidémiologiste Catherine Hill juge qu’un couvre-feu serait une "mesurette"."On prend cette épidémie complètement à l'envers. On laisse le virus circuler et on prend des mesures de confinement qui sont très préjudiciables à l'économie alors que tout le monde veut la même chose. (…) On pourrait tester facilement 10 ou 20 millions de personnes par semaine si on acceptait d'utiliser tous les outils à disposition", a-t-elle expliqué à France Info. Selon elle, le dépistage de masse est la meilleure technique pour lutter contre la propagation du virus, avec l’isolement des personnes contaminées. 
Pour Jean-François Mattéi, ancien ministre de la santé et président de l'Académie de médecine, si un couvre-feu semble "inévitable" dans les grandes villes, il est nécessaire que l'ensemble des décisions prises précédemment soient respectées. "
Je plaide aussi et surtout pour un meilleur contrôle des mesures existantes, a-t-il confié au Parisien. Rajouter, rajouter, rajouter, c'est bien gentil, mais il faut s'assurer que ce qui est mis en place est bien appliqué."