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Modélisation mathématique

Zika : l’épidémie s’épuisera d’elle-même d’ici trois ans

Par Audrey Vaugrente

L’épidémie de Zika qui fait rage en Amérique latine devrait s’interrompre d’elle-même d’ici deux à trois ans. L’immunité collective de la population la freinera avec le temps.

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Malformations fœtales, complications neurologiques sévères et pourtant, inaperçu chez 80 % des patients. Le virus Zika, réapparu au Brésil en février 2015, affole désormais la planète. L’OMS a déployé les grands moyens pour lutter contre ce virus transmis principalement par le moustique. Mais cette épidémie devrait s’éteindre d’elle-même sur le continent sud-américain, modère une équipe internationale de chercheurs dans la revue Science.

Pas d’épidémie avant 10 ans

Cet ensemble de scientifiques, dont des membres de l’Institut Pasteur à Paris, a rassemblé les données disponibles sur la transmission du virus Zika depuis sa découverte en 1947. Ils ont couplé ces observations à celles réalisées lors des épidémies de dengue et de chikungunya, deux virus cousins. Tout cela a permis de concevoir un modèle mathématique qui représente l’épidémie en cours en Amérique latine et les vagues à venir.

La circulation de Zika devrait ralentir d’elle-même d’ici deux à trois ans : voilà la conclusion de ces experts. Un phénomène simple va s’opposer au virus, l’immunité collective. En effet, il est impossible d’être infecté à deux reprises. Actuellement, trop peu de personnes sont protégées. Les mois passant, toutefois, trop peu 'individus auront été épargnés pour que la transmission se poursuive.

La prochaine épidémie d’ampleur équivalente ne devrait pas se produire avant une dizaine d’années, prédisent également les chercheurs. Cet intervalle correspond au délai nécessaire pour qu’une nouvelle génération non protégée se développe. Entre temps, des flambées de plus petite taille pourront encore se produire. Une situation « en miroir avec d’autres épidémies, comme le chikungunya, où nous avons observé des épidémies explosives suivies de longues périodes avec peu de cas », illustre le Pr Neil Ferguson, qui co-signe ces travaux.

Des questions, peu de réponses

L’équipe alerte sur les mesures de prévention déployées actuellement par les gouvernements et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le virus Zika est transmis principalement par le moustique Aedes aegypti, ce qui a motivé le lancement de campagnes de démoustication. Ces approches pourraient s’avérer délétères pour ce mécanisme de protection naturel, avertit la publication. Non seulement elles manquent d’efficacité, mais elles risquent aussi de ralentir la transmission… et ainsi prolonger l’épidémie. « La population mettra plus de temps à atteindre le niveau d’immunité collective qui permettra à la transmission de s’interrompre, estime le Pr Ferguson. Cela pourrait aussi signifier que les fenêtres entre les épidémies pourraient se raccourcir. »

Les chercheurs reconnaissent toutefois que le manque de connaissance sur ce virus, passé longtemps inaperçu, tempère la précision de cette projection. Les raisons d’une épidémie si massive sont par exemple mal expliquées. Neil Ferguson met en cause le climat modifié par le phénomène climatique El Niño et la dengue. Des travaux ont prouvé qu’une infection préalable favorisait des symptômes plus sévères. Une mutation du virus est possible, mais la littérature ne penche pas en faveur de cette hypothèse.

Si la transmission se ralentit bien, comme l’anticipent ces scientifiques, la recherche d’un vaccin s’en trouverait freinée. « Le temps que nous mettions au point des vaccins, il n’y aura peut-être plus assez de cas dans la communauté pour vérifier s’ils fonctionnent », présume l’article. L’option serait alors de sélectionner des sites dormants, où l’essai clinique serait lancé lors d’une flambée ultérieure. Le pire des scénarios, estime l’équipe, est celui d’un Zika endémique sur le continent sud-américain.

 

Regardez l'émission L'invité santé consacrée au virus Zika :