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Rapport norvégien

Cancer du sein : le dépistage organisé entaché par un surdiagnostic

Par Audrey Vaugrente

Pour chaque décès par cancer du sein évité, cinq femmes sont surdiagnostiquées. Un rapport norvégien rappelle les risques accompagnant le dépistage organisé.

SERGE POUZET/SIPA

Le dépistage organisé du cancer du sein est bien installé dans le monde. La majorité des pays occidentaux ont instauré des programmes, certains depuis les années 1970. Cela a permis d’améliorer la détection des cancers. Mais cet engagement de santé publique a un prix : celui du surdiagnostic. Certaines tumeurs sont traitées à tort de manière intensive. Le ministère norvégien de la Santé a commandé une évaluation du programme de dépistage organisé. Selon le rapport, pour chaque vie sauvée, 5 femmes sont surdiagnostiquées et donc traitées à mauvais escient.

 

Des tumeurs difficiles à cerner

Dans son rapport, le Pr Roar Johnsen passe en revue les études menées sur le dépistage du cancer du sein depuis 2008. Les conclusions manquent de consistance, souligne-t-il, mais il est clair que le programme norvégien entraîne 15 à 20 % de surdiagnostic. Autrement dit, pour 27 femmes qui ne mourront pas du cancer du sein, 142 souffriront d’un surdiagnostic et seront donc surtraitées.

Ce phénomène accompagne nécessairement le programme de dépistage organisé, selon le Dr Daniel Serin, cancérologue à l’Institut Sainte-Catherine (Avignon, Vaucluse) contacté par Pourquoidocteur. « Ce sont essentiellement des lésions frontières (entre les lésions bénignes et malignes, nldr) et des cancers in situ. On sait que certains vont évoluer, mais d’autres sont stables ou vont régresser, explique ce spécialiste en sénologie. Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables de déterminer lesquels avec une simple image au microscope. »

Une efficacité certaine

De nombreuses recherches tentent de définir des marqueurs biologiques ou génétiques qui aideraient à préciser le risque d’évolution d’une tumeur. Cela permettrait de définir quels cancers doivent être traités, et dans quelle mesure, ou simplement surveillés.

En Norvège, comme en France, le programme de dépistage du cancer du sein s’adresse à toutes les femmes de 50 à 74 ans. Il a été mis en place depuis 1996 avec pour objectif de réduire la mortalité par cancer du sein de 30 %. Selon certaines études suédoises, ce but pourrait être atteint : les essais menés dans les années 1970 estimaient la réduction de cancers mortels à 20-25 %. Mais ces résultats étaient sans doute faussés par des problèmes de méthode, si l’on en croit une revue parue dans le Journal of the Royal Society of Medicine.

Le dépistage organisé porte ses fruits

« Les premières études remontent aux années 1970-1980. A l’époque, on randomisait (sélectionner au hasard, ndlr) des femmes soumises ou non au dépistage, avec des appareils primitifs, explique Daniel Serin. Dans tous les pays européens où des campagnes identiques ont été créées, on n’a jamais trouvé une diminution entre 20 et 30 % de la mortalité. On a trouvé 2 à 3 fois moins, rappelle Daniel Serin. A l’évidence, il y avait un problème statistique sur la part de réduction des décès spécifiques, parce que les méthodes statistiques n’étaient pas correctes. » Cette étude conforte donc le succès du dépistage organisé.

Le ministère norvégien de la Santé continue d’estimer que le rapport coût-efficacité du dépistage systématique reste acceptable. En effet, de tels résultats ne risquent pas de remettre en cause le dépistage organisé. « Cette politique de santé publique porte ses fruits, tranche le Dr Serin. Quand on regarde l’incidence du cancer du sein dans le monde occidental, on voit qu’il est en discrète régression de 7 à 8 % sur 10 ans, et que la mortalité s’est stabilisée. »
Aux yeux de ce cancérologue, c’est la conséquence des efforts conjugués des thérapeutes et des méthodes de dépistage.