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Vers un diagnostic plus précoce

Maladies du foie : le cerveau atteint avant les premiers symptômes

Par Raphaëlle de Tappie

Des chercheurs ont découvert que chez des rats atteints d'encéphalopathie hépatique, des modifications cérébrales intervenaient avant même l'apparition des premiers symptômes. 

Ben-Schonewille/iStock

Le foie est capital pour l’organisme : il joue le rôle de filtre à raison d'environ 1,7 litre par minute. Aussi, quand il est malade, de nombreuses substances indésirables rentrent dans le corps humain et peuvent entraîner des troubles psychologiques, moteurs et neurocognitifs. Par exemple, quand le foie fonctionne mal, trop d’ammonium peut atteindre le cerveau, ce qui produit trop de production de glutamine et peut déclencher un œdème cérébral ou une encéphalopathie hépatique. Ce syndrome neuropsychiatrique peut aller jusqu’au coma.

Des chercheurs des universités suisses se sont intéressés au fonctionnement de cette maladie. D’après leur étude à paraître dans l’édition de septembre du Journal of Hepatology, elle atteindrait le cerveau avant même de toucher d’autres organes. A terme, cette découverte pourrait permettre de détecter une atteinte cérébrale liée aux maladies du foie par une analyse du cerveau et ce, avant même les premiers symptômes.  

Pendant huit semaines, les chercheurs ont observé des rats atteints d’une maladie chronique du foie. "Nous avons suivi chaque animal individuellement en le plaçant toutes les deux semaines dans une IRM à haut champ magnétique (9,4 Tesla) pour effectuer de la spectroscopie à haute résolution (SRM), nous permettant d'observer de manière très précise les altérations moléculaires du cerveau dès le début de la maladie du foie. Et nous avons effectué des observations inédites !", explique Dre. Cristina Cudalbu, chercheuse scientifique et responsable opérationnel du 9.4T MRI au Centre d'Imagerie Biomédicale à l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Moins de vitamine C et de créatine

Car les chercheurs ont découvert des changements moléculaires dans le cerveau des animaux dès la deuxième semaine de la maladie du foie. Soit avant même que les rats ne présentent des symptômes physiques. "Sur la base d'études antérieures, nous pensions qu'il fallait attendre environ six semaines pour voir un impact, soit le début de la dégradation de l'état de santé de l'animal", raconte Cristina Cudalbu.

Cette dégradation a finalement commencé à apparaître entre la quatrième et la huitième semaine. Les animaux ont alors présenté des états de jaunisse et de malnutrition, souffrant d’eau dans le ventre. "Dès ce moment, nous avons observé dans le cerveau qu'en plus d'un excès d'ammonium, le taux de deux autres molécules baisse soudainement: la vitamine C, un antioxydant, et la créatine, qui remplit de multiples fonctions notamment énergétiques", explique Olivier Braissant, professeur au Service de chimie clinique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et à la Faculté de biologie et médecine du Centre universitaire de Lausanne (UNIL).

C’est la première fois que des chercheurs démontrent l’intervention de ces deux molécules dans l'encéphalopathie hépatique. D’après eux, elles apparaissent après la montée d’ammonium dans le sang.

Voir si l’atteinte cérébrale des humains est similaire à celle des rats  

Ainsi, une analyse du cerveau par SRM pourrait permettre de détecter les manifestation neurologiques d’une maladie chronique du foie avant l’arrivée des premiers symptômes. Mais les chercheurs voudraient également déterminer s’il serait possible de protéger le cerveau de cette détérioration ou de la diminuer, en compensant par exemple le manque de créatine et de vitamine C par des suppléments ou des probiotiques. "Nous sommes également en train d'effectuer des observations semblables chez l'humain, afin de voir si l'atteinte cérébrale est similaire à celle des rats", concluent-ils. 

A l’heure actuelle, le diagnostic de l’encéphalopathie hépatique a lieu à partir des symptômes et des résultats d’examens (prises de sang, examen mental, électroencéphalographie…). Les manifestations de cette complication, qui survient à la suite d’une insuffisance hépatique aiguë ou d’une hépatite chronique, se traduisent surtout par la dégradation du fonctionnement cérébral du patient dont la conscience est perturbée. Au début, il peut présenter des variations de l’humeur et une altération des capacités de jugement. Il a de plus en plus de mal à dormir, devient déprimé, anxieux ou irritable et peut avoir du mal à se concentrer.

Un syndrome curable

Au fur et à mesure que l’affliction progresse, son haleine commencera à avoir une odeur douceâtre et de moisi. Puis, il peinera à maintenir les mains en position stable en tendant les bras et présentera des secousses musculaires involontaires. La parole se ralentit également et le malade est de plus en plus désorienté, agité, excité. Il arrive que la progression de l’encéphalopathie hépatique soit telle que la personne atteinte perde conscience et tombe dans un coma, qui entraîne généralement la mort. 

Mais fort heureusement, des traitements existent permettant de guérir de l’encéphalopathie hépatique. Le médecin tentera alors d’éliminer les substances toxiques des intestins du malade. Il pourra par exemple lui prescrire des antibiotiques, le soumettre à un régime alimentaire pauvre en viande et autres protéines animales et lui donner du lactulose. Ingéré, ce sucre synthétique agit comme un laxatif en accélérant le passage de la nourriture et diminue ainsi la quantité d’ammoniac absorbée par l’organisme.