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ADN

Les violences subies pendant l'enfance ont des conséquences sur plusieurs générations

Par Mathilde Debry

Les violences subies pendant l'enfance laissent des stigmates qui peuvent se transmettre de génération en génération. L'ADN des victimes en est modifié. 

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Les violences subies pendant l’enfance auraient encore plus d’impact sur les victimes que ce que l’on pensait jusqu’ici. Elles laisseraient des stigmates sur l’ADN, selon une nouvelle étude, et pourraient influencer plusieurs générations. On parle ici d’agressions physiques, psychologiques et sexuelles. "Nous avons examiné l'association entre la violence subie pendant l'enfance et la méthylation de l'ADN dans le sperme humain", racontent les chercheurs. La méthylation est une modification chimique qui peut se positionner à des millions d’endroits sur la séquence de l’ADN.

Leur expérience a prouvé que les facteurs de stress environnementaux paternels peuvent affecter la méthylation de l'ADN du sperme et l'expression des gènes chez la progéniture. "Les mauvais traitements infligés aux enfants ont été associés à des marques épigénétiques dans le sang, la salive et les tissus cérébraux humains, et les différences de méthylation statistiquement significatives varient considérablement", affirment les scientifiques.

Comportement anxieux

Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe a analysé des échantillons de spermatozoïdes de 34 hommes. 22 d’entre eux avaient été victimes d’abus pendant leur enfance. 12 régions d'ADN méthylées de façon différentielle par les abus subis pendant l'enfance ont été identifiées. Elles étaient responsables de la fonction neuronale (MAPT, CLU), de la régulation des cellules graisseuses (PRDM16), et de la fonction immunitaire (SDK1).

Au vu de l’impact considérable de la maltraitance infantile sur le sperme des victimes, les descendants des personnes exposées à la violence pendant l'enfance courent un risque plus élevé d’avoir des soucis de santé physiques et neurologiques tout au long de leur vie. Concrètement, "un traumatisme affecte le comportement de la victime. Certaines deviennent dépressives ou sont en proie à un stress post-traumatique", expose le scientifique Andrea Roberts, directeur de l’étude. "Les facteurs de stress en début de vie affectent le sperme et par extension la santé de la descendance en créant notamment un comportement anxieux".

"Un outil potentiellement utile dans les enquêtes pénales"

L’impact d’une telle découverte pourrait aussi être juridique. "La méthylation commence à être considérée comme un outil potentiellement utile dans les enquêtes pénales - par exemple, en fournissant aux enquêteurs l'âge approximatif d'une personne qui aurait laissé une trace de son ADN", indique Michael Kobor, co-auteur de l’étude.

En 2016, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 53 270 plaintes de victimes mineures suite à des violences physiques. Dans 4 cas sur 10, ces violences sont perpétrées au sein de la sphère familiale, sur les filles comme sur les garçons. La même année, 19 700 plaintes de victimes mineures suite à des violences sexuelles ont été répertoriées. 7050 plaintes concernent des faits de viols et 12 650 des situations de harcèlement et d'agressions sexuelles. 78% des victimes sont des petites filles.