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Lanceur d'alerte

Prothèses mammaires : un autre modèle associé à un cancer rare et agressif

Par Dr Philippe Montereau

Le médecin qui avait lancé l'alerte sur le scandale des prothèses mammaires PIP, Christian Marinetti, accuse le modèle Biocell, de l'Américain Allergan, d'être aussi à l'origine d'un cancer rare et très agressif : le lymphome anaplasique à grande cellules. Des risques qui ne datent pas d'hier et qui pourraient être associés au silicone contenu dans ces prothèses et qui fuit à travers leur paroi. 

Rawpixel/istick

Après avoir fait émerger le scandale PIP, le Dr Christian Marinetti souligne des risques, très différents de ceux évoqués au moment de cette fraude, de survenue d'un cancer rare qui serait plus fréquent avec un modèle de prothèses mammaires de la marque Allergan. Sur France Info, ce chirurgien-plasticien et esthétique marseillais accuse le modèle de prothèses mammaires texturées "Biocell", de provoquer plus de lymphomes anaplasiques à grandes cellules.

Le lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC) est un lymphome non-Hodgkinien à cellules T périphériques. C’est un cancer rare, mais agressif, affectant les ganglions lymphatiques et les organes. Ce sur-risque associé aux implants mammaires est connu depuis de nombreuses années et a fait l'objet d'études approfondies des différentes agences de santé dans le monde.

50 cas et 5 décès en France sur près de 8 ans

Cinquante cas de lymphome anaplasique à grandes cellules associés aux implants mammaires (LAGC-AIM) ont été déclarés à l’ANSM entre 2011 et juillet 2018. Parmi ces 50 patientes, cinq sont décédées, dont trois en lien avec une progression du LAGC. Pour les deux autres patientes, l’imputabilité reste incertaine. La moyenne d’âge des patientes au moment du diagnostic était de 58,4 ans et la durée moyenne d’implantation avant le diagnostic du LAGC est de 7 ans. Dans ces conditions de rareté, difficile de pointer du doigt une prothèse en particulier.?

Les soupçons envers les produits de marque Allergan ne datent cependant pas d’hier. C’est en mars 2015 que l’Institut national du cancer (INCa) et l’ANSM ont pointé un risque. En juillet 2016, 29 cas de lymphomes associés aux implants mammaires avaient déjà été signalés en France. Au cours des 15 dernières années, des discussions et des travaux scientifiques ont été menés sur les cas de lymphomes chez les femmes ayant reçu des implants mammaires. L'Agence de régulation des médicaments et des produits de santé du Royaume-Unis, l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé en France, la Food and Drug Administration (ou FDA) aux Etats-Unis et l'Australian Therapeutic Goods Administration (TGA) ont continuellement évalué ces cas rapportés et les estiment très rares sur les 5 à 10 millions de femmes dans le monde qui ont reçu des implants mammaires.??

Sur la base de toutes les informations scientifiques disponibles, ces agences recommandent aux femmes porteuses d'implants mammaires d'effectuer un auto-examen des seins régulièrement et de consulter leur chirurgien si elles remarquent des changements.

Rôle des fuites de silicone à partir de la prothèse

Les prothèses mammaires contiennent soit de l'eau (une solution saline), soit des silicones. Or, avec le temps, elles ont tendance à laisser sortir un peu de leur contenu, même pour les meilleures prothèses. C'est la légère diffusion de silicone, en dehors de la prothèse, qui serait susceptible de provoquer des désordres immunologiques et des lymphomes. D'ailleurs, c'est ce que semble montrer une toute récente étude publiée dans Annals of Surgery qui indique que les femmes ayant des implants mammaires en silicone ont plus de risques de développer des maladies auto-immunes et des cancers de la peau que celles qui n'en ont pas ou qui ont des prothèses remplies de solution saline.

Dans ce très large registre, les chercheurs ont analysé les données médicales de près de 100 000 femmes. Plus de 80 000 ont reçu des implants en silicone ; les autres ont eu des implants remplis de solution saline stérile. Les femmes qui ont reçu des implants en silicone ont un risque plus élevé de développer des maladies auto-immunes : le syndrome de Gougerot-Sjögren (risque multiplié par 8), la sclérodermie (risque multiplié par 7) et la polyarthrite rhumatoïde (risque multiplié par 6). Le risque de mélanome, un type grave de cancer de la peau, est aussi presque quatre fois plus élevé, tout comme le risque de mortinatalité (4,5 fois plus élevé).

A noter, que ces maladies auto-immunes sont, elles-mêmes, classiquement associées à un sur-risque de lymphome puisqu'elles sont liées à un désordre du système immunitaire, et que le silicium qui est contenu dans le silicone des prothèses a été associé dans le passé au déclenchement de ces désordres auto-immuns.

Des complications locales

Comparativement aux implants remplis de solution saline, les implants en silicone sont également liés à un risque plus élevé de complications locales. Il s'agit notamment d'une rétraction capsulaire (cicatrice autour de l'implant), qui se produit avec 5% des implants en silicone, contre 2,8 % avec les implants remplis de solution saline. La rétraction capsulaire s'est produite dans 7,2% des cas d'augmentation mammaire primaire et a été la raison la plus courante de ré-intervention dans ce groupe.

Ce risque n'est bien sûr pas spécifiquement associé aux prothèses Allergan.

Choisir le type de prothèses et les surveiller

Christian Marinetti pointe cependant du doigt une prothèse d'Allergan: "Celle qui donne le plus de problèmes de lymphome, c'est la Biocelle d'Allergan". Son aspect granuleux, conçu pour mieux adhérer au sein, serait à l’origine des lymphomes, selon lui, en ignorant le rôle probable du silicone qui passe à travers l'enveloppe. "Elle a permit à des tas de femmes qui ont eu un cancer du sein, qui ont été amputées du sein, de retrouver une apparence physique normale", nuance cependant le lanceur d’alerte, qui n’envisage pas de proscrire ces implants mammaires. Ce sera aux chirurgiens "d'évaluer sur le terrain quels sont les avantages ou les inconvénients d'utiliser tel ou tel type d'implant dans l'intérêt du patient", précise-t-il.

"Surveillons, encore de plus près que les autres, les patientes ayant des Biocell. Comme pour un médicament, les prothèses ont des effets secondaires. Celui-là est grave, mais rare. Le risque est faible, mais maintenant que nous le connaissons, nous sommes obligés d'en tenir compte", estime Christian Marinetti. Une discussion qui peut inclure le choix du contenu de la prothèse : silicone ou solution saline.

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