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Opération ACIM

Afrique : 113 millions de médicaments contrefaits saisis

Par Audrey Vaugrente

900 millions de saisies en 4 ans. L'opération ACIM met au jour le trafic juteux de faux médicaments. Ils tueraient chaque année 700 000 personnes.

HADJ/SIPA

Le marché de la contrefaçon se porte bien. Mais il vient de subir un revers d’ampleur. L’Organisation mondiale des douanes et l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM) se sont coordonnés dans plusieurs ports africains. Les résultats de l’opération ACIM, réalisée début septembre, sont vertigineux. 113 millions de médicaments frauduleux ont été saisis dans 16 pays. Il s’agit de la 4e opération de ce type.

Pendant 10 jours, les équipes de l’OMD et de l’IRACM ont travaillé de concert dans les principaux ports africains. Avec succès. « Sur les 243 conteneurs maritimes inspectés, 150 contenaient des produits illicites ou contrefaits », explique dans un communiqué le Secrétaire général de l’OMD, Kunio Mikuriya. Quatre pays dominent en matière de saisies : le Nigéria, le Bénin, le Kenya et le Togo.

122 000 enfants tués

Ces chiffres ont de quoi inquiéter. Car les médicaments contrefaits sont, au mieux, peu efficaces, au pire, dangereux pour la santé. Or, les produits saisis sont, dans la majorité des cas, de première nécessité. Dans un quart des cas, les molécules sont vendues comme des antipaludéens. Une part similaire des saisies concernent des anti-inflammatoires frauduleux. Antibiotiques et analgésiques complètent cette tête de classement. Une tendance inquiétante s’amorce, souligne l’IRACM : 2 millions de doses d’anticancéreux ont été saisies.

Les conséquences de ce trafic sont bien connues. La vente de faux médicaments contre le paludisme a provoqué, en 2013, la mort de 122 000 enfants de moins de 5 ans sur le continent africain. Dans le monde, 700 000 personnes meurent chaque année à cause de ces produits de mauvaise qualité. C’est pourquoi le directeur de l’IRACM appelle les gouvernements à s’impliquer davantage. « « Le compteur tourne. Que ce soit celui des médicaments dangereux qui entrent dans le pays mais aussi a fortiori celui des victimes de ces mêmes médicaments », exhorte Bernard Leroy.

Un trafic lucratif

Le compteur s’affole, même : en quatre ans, 900 millions de saisies ont été réalisées en Afrique. Le continent est loin d’être isolé puisque 10 % des médicaments vendus dans le monde sont contrefaits. L’Europe est ainsi régulièrement visée par ce trafic, bien que les molécules n’aient pas le même profil. Pilules amaigrissantes, anabolisants, traitements de la dysfonction érectile figurent plus souvent parmi les saisies.

Mais les anticancéreux représentent un marché émergent dans le secteur de la contrefaçon. « On a trouvé en Allemagne, dans les hôpitaux, des versions trafiquées et diluées de l’Herceptin, un traitement du cancer du sein de Roche », indique ainsi Bernard Leroy au Figaro. En cause, selon le directeur de l’IRACM, le crime organisé italien.

Le trafic est pour le moins lucratif puisqu’il rapporte 20 fois plus que celui de l’héroïne, illustre l’IRACM. Lui couper les ressources est pour le moins difficile : la convention MediCrime adoptée par le Conseil de l’Europe en 2010 a été ratifiée par neuf pays seulement – dont la France. Un manque de coordination dommageable. Chaque année, le manque à gagner s’élève à plus de 10 milliards d’euros pour l’Europe.

 

Le commerce en ligne, un trafic bien rôdé

Si les saisies de médicaments contrefaits s’effectuent dans des zones bien identifiées, le commerce, lui, évolue. Afin d’informer les internautes, l’IRACM a lancé une campagne d’information sur les pharmacies en ligne. L’Institut livre quelques conseils précieux : l’envoi de spams, des fautes d’orthographe, ou encore des choix de mots étranges sont rédhibitoires. L’IRACM invite les internautes à chercher les anomalies dans le détail, car l’illusion est savamment travaillée. Se fier aux sites inscrits en France est une solution efficace pour les ressortissants français. Une liste est d’ailleurs disponible sur le site de l’Ordre des Pharmaciens. Les labels en évidence sur le site permettent aussi de distinguer les imposteurs des officines légales. A noter que moins d’un site proposant des médicaments sur 20 est légal.

Regardez l'émission L'Invité santé de Pourquoidocteur
avec Wilfrid Rogé (IRACM)
diffusée le 23/06/2016 :