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Myélome multiple

Myélome multiple : vers un réel espoir de guérison

Le myélome multiple est un cancer de la moelle osseuse où certains globules blancs, les plasmocytes, sécrètent une quantité anormale d’immunoglobuline. Les risques de fracture et d’infections sont au premier plan. Une révolution thérapeutique est en marche qui amène nombre de malades à décéder d'autre chose que de cette maladie autrefois rapidement mortelle.Par le Dr Jean-Paul Marre, rhumatologue, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris

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Quand faut-il penser à un myélome ?

Les douleurs osseuses et les « trous dans l’os » (« lacunes osseuses ») sur des radiographies sont donc les signes qui évoquent le plus souvent le diagnostic, mais le myélome peut être révélé par des signes cliniques très variables d’un malade à l’autre.
Parfois, le myélome est évoqué en présence de signes peu spécifiques (fatigue, anémie) qui conduisent à pratiquer des examens qui révèlent la (« protéine monoclonale » dans le sang.
Il peut aussi s’agir de la découverte fortuite de cette « protéine monoclonale » lors d'un examen de routine chez des personnes qui ne se plaignent de rien.
Quand les douleurs osseuses se manifestent au niveau du dos, elles sont généralement liées à une fracture d’une ou plusieurs vertèbres. Cette fracture survenant chez une personne le plus souvent âgée de plus de 60 ans, elle est souvent attribué à tort à une ostéoporose. Les douleurs peuvent aussi concerner des os comme les fémurs ou les côtes, et les examens radiographiques mettent souvent en évidence d’autres signes osseux (« lacunes osseuses » multiples ou masses d’aspect tumoral). Un myélome peut aussi être révélé par des infections du fait de l’étouffement des cellules de défenses dans la moelle.
Parfois, le diagnostic est fait devant une compression de la moelle épinière, liée à une fracture vertébrale, ou face à une augmentation du taux de calcium dans le sang (« hypercalcémie ») ou une insuffisance rénale aiguë. Il s’agit alors d’une urgence qui nécessite alors un traitement urgent. Dans tous les cas, le diagnostic devra être confirmé par des explorations d’imagerie et des examens de sang et de moelle osseuse.

Quels sont les signes du myélome ?

Conséquences de la prolifération des plasmocytes dans la moelle et de l’excès d’anticorps monoclonaux dans le sang, les signes du myélome sont très variés. Parmi ces manifestations, les douleurs osseuses, la fatigue et l'anémie dominent et conduisent le plus souvent au diagnostic.
• Les douleurs sont essentiellement osseuses et sont souvent associées à une fatigue. Elles sont souvent de type « inflammatoire », c’est-à-dire qu’elles sont permanentes, présentes jour et nuit, et non calmées par le repos. Elles sont plus spécifiquement localisées sur la colonne vertébrale, et sont liées à la fragilisation des vertèbres ou à leur fracture.
En effet, les cellules osseuses normales chargées de détruire l’os pour son renouvellement (d’autres cellules reconstruisent un os normal ensuite), sont stimulées de façon excessive par les plasmocytes malades et dépassent les capacités de reconstruction. Les destructions osseuses qui en découlent provoquent des trous dans l’os, appelés « géodes » ou « lacunes osseuses ». Quand ces lésions touchent les vertèbres, le risque de fracture vertébrale et de compression de la moelle épinière (qui est juste derrière le corps vertébral) est important.
Au-delà, la destruction osseuse exagérée peut conduire à un relargage de calcium de l’os dans le sang et à une augmentation du taux de « calcium sérique » (« hypercalcémie »). Cette hypercalcémie peut provoquer une augmentation du volume des urines, car le rein essaye de réguler le taux de calcium, ce qui peut aboutir à une déshydratation et à une insuffisance rénale. Ce sont les prises de sang qui vont permettre de rapporter ces douleurs à un myélome : on observe l’association d’un syndrome inflammatoire (liée à la protéine monoclonale), d’une élévation de la vitesse de sédimentation et d’une hypercalcémie.
L’anémie peut être plus ou moins importante et révéler la maladie. Le fonctionnement anormal de la moelle osseuse est, en effet, responsable d’une diminution de la fabrication des globules rouges.
• La fatigue peut être le premier signe du myélome. La fatigue est la conséquence de l’anémie et de l’augmentation des protéines dans le sang, donc de la viscosité du sang. En effet, l’anticorps fabriqué en grande quantité peut rendre le sang tellement visqueux qu’il ne circule plus correctement au niveau des petits vaisseaux du cerveau. Ce phénomène entraîne des problèmes neurologiques qui s'accompagnent d'un ralentissement de la pensée et d'une grande fatigue.
• Le taux de calcium dans le sang est normalement très stable aux environs de 2,4 mmol/litre. Le myélome entrainant une augmentation de la destruction de l’os, avec une « déminéralisation osseuse diffuse », il en résulte un afflux de calcium dans le sang, d'où une augmentation du taux de calcium dans le sang (la « calcémie »). Quand la calcémie est augmentée (« hypercalcémie »), des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, des signes de déshydratation, voire une confusion mentale, et des troubles du rythme cardiaque peuvent apparaître. Ces problèmes doivent être traités en urgence.
• Parfois, de véritables tumeurs remplies de plasmocytes prolifèrent dans la colonne vertébrale et peuvent venir comprimer la moelle épinière et être à l’origine de paralysies secondaires avec des difficultés pour marcher, pour uriner, ou des troubles de la sensibilité (« troubles neurologiques »). Les examens radiologiques permettront de visualiser les lésions et d'envisager une décompression chirurgicale.
• Les infections dans le myélome sont la conséquence d’un déficit de l’immunité normale. En effet, la fabrication des anticorps physiologiques qui protègent normalement contre les différentes infections est considérablement réduite du fait de la prolifération d’un clone de plasmocytes anormaux secrétant un seul anticorps sans relation avec les défenses infectieuses. Il n’y a donc pas assez d’anticorps normaux pour assurer leur rôle de protection. En outre, comme pour les globules rouges, la fabrication des globules blancs normaux, qui participent à la neutralisation des microbes, est altérée du fait de l’infiltration de la moelle par les plasmocytes en excès.
• Une insuffisance rénale peut également compliquer le myélome. L’anticorps, qui est une grosse protéine est éliminé sous forme de fractions dans les urines et certaines de ces fractions (les « chaines légères ») vont avoir tendance à se déposer au niveau des reins où elles peuvent provoquer une insuffisance rénale.

Comment faire le diagnostic de myélome ?

Un même malade peut présenter tous les signes du myélome à la fois, mais généralement le diagnostic se fait, soit par le biais de la découverte de trous dans les os sur une radiographie, soit à l’occasion d’une fracture, soit par le biais de douleurs osseuses, soit lors d’un examen biologique qui montre une élévation de la vitesse de sédimentation ou une augmentation de la protéine monoclonale sur l’électrophorèse des protéines.
• La numération-formule-sanguine (NFS) permet d'évaluer la quantité et la qualité des globules blancs, des globules rouges et des plaquettes. Les cellules myélomateuses (plasmocytes anormaux) empêchent ces cellules sanguines de se développer normalement dans la moelle osseuse. La NFS est donc demandée pour savoir s'il y a un manque d’un de ces types de cellules dans le sang, ce qui risque d'engendrer : une anémie (= baisse du nombre de globules rouges), un affaiblissement du système immunitaire (causé par une baisse du nombre de globules blancs) et des saignements (causés par une baisse du nombre de plaquettes).
• Une analyse biochimique du sang permet d'évaluer le fonctionnement de certains organes et aussi de détecter des anomalies des protéines normales du sang. L'analyse biochimique sanguine aide également à diagnostiquer et à classer le myélome multiple.
Une hausse des protéines sériques totales peut indiquer la présence de protéines qu'on observe dans le cas du myélome multiple, comme la protéine monoclonale (« immunoglobuline monoclonale »), la bêta-2-microglobuline, la lactico-déshydrogénase (LDH) ou la protéine C-réactive.
Une hausse du taux de la créatinine et un taux anormal d’urée dans le sang témoigne d’un mauvais fonctionnement des reins.
Le taux d'albumine dans le sang peut être bas en cas de myélome multiple. L'albumine est une protéine nécessaire au maintien de la pression dans les vaisseaux sanguins afin qu'il n'y ait pas de liquide qui fuit du courant sanguin vers les tissus et les cavités du corps.
Le taux de calcium sérique peut être plus élevé que la normale quand le myélome multiple est de stade avancé. Un taux élevé de calcium sérique (« hypercalcémie ») peut témoigner d’une lésion osseuse (la destruction osseuse fait que le calcium quitte les os pour aller dans le sang). Chez certaines personnes atteintes d'un myélome multiple, le taux de phosphatases alcalines est élevé, ce qui peut révéler une lésion osseuse.
L'électrophorèse des protéines sériques ou urinaires est une méthode qui permet d’analyser les protéines du sang ou de l'urine. L'électrophorèse des protéines sériques est un test qui permet de savoir si des protéines sont anormales ou absentes et si les taux de protéines sont trop élevés ou trop bas : dans 70 % des cas, le taux d'IgG est élevé, dans 20 % des cas c’est celui des IgA qui est élevé et dans 5 à 10 % des cas, le myélome multiple produit seulement des chaînes légères d'immunoglobulines. L'électrophorèse des protéines urinaires permet de vérifier la présence d’une partie de la protéine monoclonale, appelée chaînes légères d'immunoglobulines (protéine de « « Bence-Jones).
L'immunoélectrophorèse est un type spécialisé d'électrophorèse qui permet d'identifier le type de la protéine monoclonale ou de chaînes légères d'immunoglobulines détectées lors d'une électrophorèse des protéines sériques ou urinaires.
• Les radiographies osseuses sont demandées pour vérifier s'il y a des os cassés ou avec des lacunes osseuses. Dans le myélome, on demande en priorité des radiographies du crâne, de la colonne vertébrale, du bassin, des jambes et des bras. D’autres radiographies peuvent être demandées en cas de douleurs localisées (côtes,...). Il est également possible de découvrir la présence d'un « plasmocytome » (amas de cellules myélomateuses en un seul endroit et qui forme une tumeur unique).
• Les plasmocytes, qui sont anormaux au cours du myélome multiple, sont fabriqués dans la moelle osseuse et la seule façon de confirmer un diagnostic est de les examiner. La ponction ou la biopsie de la moelle osseuse sont des examens au cours desquels on prélève une petite quantité de moelle osseuse et d'os en vue d'un examen au microscope (« myélogramme »). On peut les faire à la clinique ou à l'hôpital, avec ou sans hospitalisation.
• Un test cytogénétique (analyse des chromosomes) permet d'observer les chromosomes d'une personne. Le caryotypage et l'hybridation in situ en fluorescence (FISH), le séquençage génétique sont des tests cytogénétiques qui peuvent aider à évaluer le pronostic quand certains changements chromosomiques sont présents chez une personne atteinte d'un myélome multiple : translocation entre le chromosome 4 et le 14, c’est-à-dire t (4;14), absence du chromosome 13 (délétion), remaniement du chromosome 14 (translocation)…
• Lors d'une tomographie par émission de positrons (TEP), on emploie une matière radioactive pour détecter des changements dans l’activité métabolique des tissus du corps. Un ordinateur analyse les modèles de distribution de la radioactivité et produit des images en trois dimensions et en couleur de la région examinée. Elle peut être utilisée pour vérifier s'il y a des changements dans la moelle osseuse et détecter la présence de plasmocytomes.

Comment évaluer le pronostic du myélome ?

Les malades peuvent être classés en fonction de la masse de cellules tumorales dans leur moelle osseuse (« masse tumorale ») et cette masse peut être évaluée à partir de critères indirects comme : la calcémie, la fonction rénale, l’anémie, la quantité de protéine monoclonale, le nombre de lésions osseuses et l’évaluation de l’envahissement médullaire : il s’agit de la classification de Durie et Salmon qui est utilisée depuis de nombreuses années.
Stade I : Toutes les caractéristiques suivantes sont présentes :
- Le taux d’hémoglobine est supérieur à 10 g/dl.
- Le taux de calcium sanguin est inférieur à 12 mg/dl.
- Il n’y a pas de lésions osseuses ou bien il y a un plasmocytome osseux solitaire.
- Il existe une petite quantité de protéine monoclonale : taux d’IgG inférieur à 5 g/dl ou taux d’IgA inférieur à 3 g/dl ou taux urinaire des chaînes légères (protéine de Bence-Jones) inférieur à 4 g pour une collecte des urines de 24 heures.
Stade II : Les caractéristiques sont comprises entre celles du stade I et celles du stade III.
Stade III : Une ou plusieurs des caractéristiques suivantes sont présentes :
- Le taux d’hémoglobine est inférieur à 8,5 g/dl.
- Le taux de calcium sanguin est supérieur à 12 mg/dl.
- On observe plusieurs régions osseuses endommagées.
- On observe une grande quantité de protéine monoclonale : taux d’IgG supérieur à 7 g/dl ou taux d’IgA supérieur à 5 g/dl ou taux urinaire des chaînes légères (kappa ou lambda) supérieur à 12 g pour une collecte des urines de 24 heures.
Il existe aussi des sous-stades de la classification de Durie et Salmon en fonction du taux de créatinine dans le sang et de la qualité de fonctionnement des reins.
• Sous-stade A : Le taux sanguin de créatinine est inférieur à 2 mg/dl et les reins fonctionnent plutôt normalement.
• Sous-stade B : Le taux sanguin de créatinine est équivalent ou supérieur à 2 mg/dl et les reins ne fonctionnent pas normalement.

Y a-t-il des signes de gravité pour un myélome ?

Certains myélomes sont considérés comme plus graves que d’autres en fonction de critères qui sont aujourd’hui recherchés au moment du diagnostic de la maladie, car ils influencent le pronostic et donc le choix du traitement :
• La « masse tumorale » : elle représente l’ensemble des cellules tumorales et plus elle est importante, plus la maladie est potentiellement grave.
• Le fonctionnement du rein (la « fonction rénale ») au moment du diagnostic : si elle est altérée, le risque est plus important, car les médicaments que l’on va utiliser sont généralement éliminés par les reins. Si ceux-ci ne fonctionnent pas bien, le traitement sera plus compliqué.
• Le taux de béta2-microglobuline dans le sang : c’est le paramètre sanguin le plus important, les taux les plus élevés étant associés à une survie plus courte. Cette protéine est synthétisée par de nombreuses cellules dont les plasmocytes. Ce taux est en quelque sorte un reflet de la masse tumorale, et elle est également augmentée en cas d’insuffisance rénale.
• L’existence de certaines anomalies cytogénétiques, c’est-à-dire des anomalies génétiques dans les chromosomes à l’intérieur des noyaux des plasmocytes anormaux. Les noyaux contiennent le matériel génétique des cellules, ou ADN, et sont étudiés grâce au caryotype.
Le matériel génétique est normalement identique dans toutes les cellules saines de l’organisme. Comme dans tout cancer, des anomalies dans les cellules du myélome ont été acquises par la cellule malade et ont conduit à l’apparition de la maladie. Ce ne sont en aucun cas des anomalies génétiques transmissibles par hérédité, des parents aux enfants.
Parmi ces anomalies, on peut trouver par exemple, une translocation entre le chromosome 4 et le 14, c’est-à-dire t (4;14), ou une délétion du chromosome 13 (fragment de chromosome qui a disparu) ou la délétion du bras court du chromosome 17.

Le séquençage génétique de nouvelle génération

Les malades du myélome qui obtiennent une négativité d’un nouveau critère, la « maladie résiduelle minime », avec une méthode ultrasensible (séquençage génétique de nouvelle génération ou NGS), obtiennent de meilleurs résultats thérapeutiques, avec un allongement significatif de la survie globale et de la survie sans progression de la maladie. Surtout, ce résultat est obtenu quel que soit le traitement suivi, les facteurs de risque (cytogénétique) existants et le stade de la maladie.
Avec le séquençage génétique de nouvelle génération, qui définit la maladie résiduelle minime comme étant la présence de moins d’une cellule maligne sur 1 million de cellules de la moelle (ou 10-6), ce critère apparaît comme le facteur pronostique le plus puissant parmi tous les facteurs de risque. Une autre technique existe, la cytométrie de flux, qui est intéressante par certains aspect mais nécessite des moyens plus lourds d'analyse ce qui conduit à l'évaluer seulement sur une cellule maligne sur 100 000 cellules de la moelle osseuse (ou 10-5).
La maladie résiduelle minime (MDR) est un nouveau critère qui est désormais pris en compte par les autorités de régulation américaine (FDA) et européenne (EMEA) comme critère clinique, et on l’espère bientôt, comme critère de substitution, ce qui va permettre de transformer la recherche sur cette maladie, en raccourcissant les délais d’évaluation et en individualisant la stratégie de traitement.
Il existe 2 méthodes qui évaluent cette MDR sur des prélèvement de moelle : la « cytométrie de flux multiparamétrique » qui permet de détecter jusqu’à une cellule maligne sur 10 000 à 100 000 cellules de la moelle et le « séquençage génétique de nouvelle génération » (NGS) qui permet de détecter une cellule maligne sur 100 000 ou 1 million de cellules de la moelle. Le séquençage réalisé dans cette étude utilise la technologie Adaptative qui permet de détecter une cellule maligne sur 1 million de cellules de la moelle, ce qui est extrêmement sensible.
Il sera bientôt possible d'avoir la MDR comme critère par rapport à la survie sans progression ou la survie globale, ce qui va économiser du temps et de l'argent et permettre une accélération de la recherche pour trouver les protocoles les plus intéressants. Dans la pratique, cela devrait permettre de proposer une intensification du traitement chez les malades à haut risque cytogénétique qui n'atteignent pas la rémission ou un allongement du traitement d’entretien en cas de persistance d’une MDR, d’alléger le traitement en cas d’obtention rapide d’une MDR et, pourquoi pas, de reprendre le traitement dès que la MDR se repositivera.