- Les riches peuvent vivre jusqu'à 17 ans de plus que les plus pauvres en France, selon une étude de l’Insee.
- L'écart d'espérance de vie s'accroît, en raison de facteurs financiers, professionnels et géographiques.
- L'Insee appelle à prendre en compte ces inégalités sociales dans les politiques de santé.
Dans un pays comme la France, où l'accès aux soins est censé être universel, une question dérangeante persiste : pourquoi les inégalités sociales continuent-elles de déterminer notre espérance de vie ? Une récente étude de l’Institut national de la statistique et des études (Insee) révèle que cet écart entre riches et pauvres ne cesse de s'accentuer.
Des écarts qui font froid dans le dos
Selon l'Insee, entre 2020 et 2024, l'espérance de vie à la naissance diffère de 13 ans chez les hommes et de 8,7 ans chez les femmes entre les 5 % les plus modestes et les 5 % les plus aisés. Plus alarmant encore : un homme modeste de 50 ans (avec un niveau de vie à 497 euros par mois) a sept fois plus de risques de mourir dans l'année qu'un homme riche (6.427 euros par mois). Chez les femmes, qui vivent en moyenne plus longtemps, cette inégalité atteint son pic à 65 ans. Dernier écart parlant : les femmes les plus riches peuvent espérer vivre jusqu'à 88,7 ans, contre 72 ans pour les hommes les plus pauvres.
Ces différences peuvent s’expliquer d’abord par les difficultés financières qui peuvent limiter l’accès aux soins. À titre d'exemple, en 2023, 3,2 % des 20 % les plus modestes disent avoir renoncé à des examens médicaux (hors soins dentaires) pour des raisons financières, contre 1,8 % de l'ensemble de la population. L’autre raison est l’exposition aux risques professionnels (accidents, maladies, etc.), auxquels les ouvriers sont davantage exposés. Même chose pour les comportements à risque, comme le tabac : selon une enquête de Santé publique France publiée en 2023, 21 % des non-diplômés fument quotidiennement, contre seulement 13 % des diplômés du supérieur.
Vers une société à deux vitesses ?
L'Insee souligne également un élément culturel et géographique : à revenu égal, l'espérance de vie varie selon les régions. On vit plus longtemps dans les Pays de la Loire, l'Occitanie ou la Nouvelle-Aquitaine, souvent mieux dotées en équipements médicaux, qu'en Normandie ou dans les Hauts-de-France.
Même avec un niveau de vie plus faible, les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes aisés, sauf dans les 30 % les plus pauvres. Cette longévité s'explique notamment par "un meilleur suivi médical, en particulier pendant leur vie féconde ", et par leur "durée de travail (hebdomadaire ou tout au long de la vie) plus faible que celle des hommes, ce qui réduit ainsi leur exposition à des risques professionnels".
L’évolution entre les périodes 2012-2016 et 2020-2024 montre une stagnation générale de l'espérance de vie, mais surtout une aggravation des inégalités. Comme le souligne l'Insee, cette hausse des écarts signifie que "la part des causes de décès les plus inégalitaires socialement a augmenté [...] et/ou que certaines causes de décès sont devenues davantage marquées socialement". Il devient donc urgent de repenser les politiques de santé publique pour réduire la fracture dans la société.


