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Etude sur 15 000 femmes

Migraine : un marqueur de risque de maladie cardiovasculaire

Par Audrey Vaugrente avec le Dr Sophie Lemonier

ENTRETIEN - Les femmes qui souffrent de migraine sont légèrement plus à risque de maladies cardiovasculaires que les autres. Les explications du Pr Marie-Germaine Bousser.

Karuka/epictura

Quand le cerveau souffre, le cœur aussi. C’est ce que suggère une étude parue dans le British Medical Journal. Elle montre que les femmes migraineuses sont plus à risque de maladies cardiovasculaires que les autres. Un résultat qui doit cependant être pris avec pondération : des éléments précieux manquent afin d’apporter une conclusion ferme sur le sujet.

Deux fois plus de risque de décès

Cette étude s’appuie sur le suivi d’une cohorte d’infirmières américaines recrutées en 1989. Au total, 115 500 femmes, âgées de 25 à 42 ans et en bonne santé, ont été interrogées jusqu’en 2011. Parmi elles, 15 % ont signalé une migraine diagnostiquée. C’est environ la part de la population mondiale qui est touchée. Au cours de cette période, 1 300 cas de maladies cardiovasculaires – dont 223 mortelles – ont été signalés.

Par rapport aux femmes qui ne souffrent pas de migraines, celle qui ont reçu un diagnostic sont légèrement plus exposées aux complications cardiovasculaires. Le risque relatif de mortalité est accru de 50 %, celui d’infarctus de 39 % et celui d’AVC de 62 %. Des conclusions qui ne peuvent pas être étendues aux hommes.



La difficulté du diagnostic

Pour les auteurs de l’étude, la migraine pourrait constituer un marqueur de risque, même si elle n’est pas pour autant un facteur de risque. Marie-Germaine Bousser, ancienne chef du service de neurologie à l’hôpital Lariboisière (Paris), se montre prudente par rapport à ces résultats. Elle souligne une faiblesse majeure de cette étude : les femmes ont déclaré le diagnostic de migraine. Or, celui-ci est difficile à poser.

« Chacun sait décrire une crise de migraine, un migraineux peut dire quand il en souffre. Mais on ne dispose d’aucun test diagnostic certain sur la maladie migraineuse, et on la définit par un consensus », explique-t-elle. Sans compter que de nombreux patients n’accèdent jamais à ce diagnostic.

Ecoutez...
Marie-Germaine Bousser, neurologue : « En France, on sait très bien que beaucoup de migraineux ne parlent jamais à leurs médecins, surtout ceux qui souffrent d’une forme modérée. »

 

 

Pas de solutions

Au vu de la large population touchée par la migraine, les auteurs plaident pour une meilleure compréhension des processus biologiques. C’est effectivement un problème qui n’est pas soulevé par leurs travaux. Ils n’établissent notamment pas de distinction entre les migraines avec ou sans aura. « C’est une précision importante car dans les études précédentes, c’est surtout dans la migraine avec aura qu’il semblait y avoir un lien, souligne Marie-Germaine Bousser. Et on n’a aucune idée de la fréquence et la sévérité des crises. »

L’étude n’apporte pas non plus de piste sur les manières de réduire le risque cardiovasculaire au sein de ce public. Les auteurs soulignent que d’autres recherches devront évaluer l’impact des traitements antimigraineux. D’ici là, pour Marie-Germaine Bousser, les patients feraient mieux de prendre ces résultats avec toute la modération qu’il convient, même si une prévention des autres facteurs de risque reste bénéfice.

Ecoutez...
Marie-Germaine Bousser : « La migraineuse doit faire particulièrement attention aux autres facteurs de risque puisque de toute façon on n’a rien à proposer. »