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Visite du cyclotron de Tours

Alzheimer : diagnostiquer plus tôt grâce à la médecine nucléaire

Par Audrey Vaugrente

Pour lutter contre l’évolution de la maladie d’Alzheimer, un diagnostic rapide est crucial. Au CHRU de Tours, des médicaments radioactifs permettent de repérer les plaques dans le cerveau.

La pièce clinique du cyclotron de Tours (Audrey Vaugrente/Pourquoi Docteur)

Injecter des médicaments radioactifs pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer : c’est ce que propose le CHRU de Tours (Indre-et-Loire). La médecine nucléaire, c’est son nom, est un des nouveaux outils grâce auxquels on peut observer l’action de cette maladie sur le cerveau. En partenariat avec l’hôpital, le cyclotron de Tours fabrique des médicaments radiopharmaceutiques, qui, grâce au PET-scan, mettent en évidence la présence de plaques amyloïdes. A l’occasion de la Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, pourquoidocteur a visité la structure.

 

Un médicament radioactif qui cible les plaques

Plusieurs outils permettent de poser un diagnostic quand on soupçonne une maladie d’Alzheimer. Ils relèvent principalement des médecins, qui interrogent le patient, réalisent un examen somatique (santé cardiovasculaire, nutrition, vue, ouïe) et neurologique, puis un bilan neuropsychologique. Dans les formes les plus complexes, des examens complémentaires peuvent être demandés : une ponction lombaire, qui mesure les niveaux de bêta-amyloïde, protéine qui s’agglutine dans le cerveau, et de protéine tau, qui se raréfie, une IRM ou un PET-scan.

 

Dans cette dernière indication, les médicaments radiopharmaceutiques sont de plus en plus utiles. Ils contiennent en effet des molécules radioactives qui sont censées se fixer sur un tissu particulier. A Tours, il s’agit de l’AV-45 (Amyvid), qui cible les plaques amyloïdes, une des caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.

 

Ecoutez le Pr Denis Guilloteau, directeur de l’unité INSERM 930 « Imagerie et cerveau » : « Injecté à l’homme, il est censé entrer dans le cerveau et aller se fixer de manière très spécifique sur les plaques. Avec nos PET-scan, on est capables de détecter cette radioactivité, et donc ces plaques, sur de nombreux patients. »

 

Des laboratoires très sécurisés

Au cyclotron de Tours, la sécurité est maximale. Avant d’entrer dans les lieux de production, blouse, charlotte et sabots stériles sont obligatoires. Au sol, des couleurs signalent le niveau de pollution de l’air. Dans chaque pièce, la radioactivité est enregistrée en continu, une alarme se déclenche en cas d’alerte. Chaque membre du personnel portent aussi des dosomètres : un au doigt, l’autre dans sa poche de poitrine. Pour sortir les produits des locaux, le protocole est aussi très strict : chaque flacon est enfermé hermétiquement dans une boîte en tungstène de 14 kg.

 

Deux zones sont rattachées au CHRU de Tours : une pièce clinique, dans laquelle sont élaborés les médicaments radiopharmaceutiques, et la zone de vérification, où l’on s’assure que les médicaments ne contiennent que le médicament prévu. La fabrication est automatisée et produit des doses injectables de 10 ml, qui contiennent un microgramme de principe actif. Ils sont produits sur demande des médecins nucléaires, et doivent être distribués rapidement : le fluor 18, utilisé dans l’AV-45, a une période active d’environ 110 minutes.

Au total, le cyclotron rattaché au CHRU produit 4 médicaments radiopharmaceutiques différents, dont 3 traceurs dédiés à la maladie d’Alzheimer et un à la neuro-inflammation et aux AVC.

 

Diagnostiquer vite pour prendre en charge tôt

Si la médecine nucléaire, plus particulièrement les biomarqueurs radioactifs, sont si importants, c’est parce qu’ils permettent notamment de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer à un stade précoce, lorsque les symptômes sont encore faibles. « Il est important de poser le diagnostic au minimum à l’apparition des premiers symptômes, les pertes de mémoire », souligne le Pr Caroline Hommet, gériatre et responsable du Centre Mémoire Ressources Recherche (CMRR) au CHRU de Tours. « Mais on sait que les lésions s’installent 15 à 20 ans avant ces symptômes, et c’est là que les biomarqueurs nous sont utiles. » Leur utilisation reste toutefois réservée aux cas complexes, et doit être combinée aux autres outils de diagnostic de la maladie.

 

Poser le diagnostic de manière sûre est très important. Car s’il n’existe pas encore de traitement, il est possible de prendre en charge les symptômes. « La maladie d’Alzheimer a toute une dimension clinique qui touche les sphères affectives, comportementales. Ce sont peut-être ces dimensions non-cognitives qui ont le plus d’impact sur la vie quotidienne des malades et de leur entourage », précise le Pr Vincent Camus, psychiatre au CHRU de Tours. « Ce sont plutôt les paramètres comportementaux qui prédisent le plus le risque d’entrée en institution. On pense aussi qu’ils peuvent être des signes précoces de la maladie. » C’est justement pour cela qu’il faut rapidement suivre les malades. Un panel très large de spécialités peuvent atténuer certains symptômes : l’orthophonie contre les troubles du langage, des médicaments contre la perte de mémoire… Un diagnostic rapide permet aussi d’éviter les erreurs médicamenteuses, ajoute le Pr Caroline Hommet, la prescription inutile de benzodiazépines notamment.

 

Sans compter l’impact d’un accompagnement précoce sur l’entourage, qui est en première ligne. Car on l’oublie souvent, si 850 000 Français sont atteints de la maladie d’Alzheimer, ils sont 3 millions à être indirectement touchés par celle-ci.