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Entretien avec le Dr Gérald Kierzek

Hôtel-Dieu : les urgentistes en conflit avec leur nouvelle direction

Par Bruno Martrette

Le comité de défense de l'Hôtel-Dieu lance une campagne de votation citoyenne pour demander la réouverture de ce service. Selon eux, sa fermeture entraîne une saturation "extrême" des autres urgences de Paris.

AHMET / SIPA
MOTS-CLÉS :

L'Union syndicale CGT des hôpitaux de Paris (AP-HP) a lancé ce mercredi une campagne de « votation citoyenne » pour demander le maintien des urgences de l'Hôtel-Dieu. Cette initiative, soutenue par le comité de défense de ce service, "Hôtel-Dieu, Hôpital pour tous", consiste à distribuer à travers Paris des bulletins de vote qui seront ensuite déposés dans de petites urnes ou dans une grande urne d'environ 1,40 mètre de hauteur installée devant l'Hôtel-Dieu. 

Ce nouveau mode d'action "populaire" a été décidé au lendemain d'une première réunion de concertation sur le projet de modernisation de Hôtel-Dieu à laquelle les organisations syndicales avaient été convoquées par le nouveau directeur général de l'AP-HP, Martin Hirsch. A l'issue de ce comité de dialogue, l'Usap-CGT a fait part de sa déception et évoqué un « dialogue de sourds ». Alors qu'elle exigeait comme préalable la réouverture pleine et entière du service des urgences et des lits d'hospitalisation à l'Hôtel-Dieu, Martin Hirsch aurait simplement présenté un projet ficelé de fusion avec l'hospitalisation à domicile.

Pour le Dr Gérald Kierzek, ex-responsable de ce Smur, démis de ses fonctions l'an dernier par l'AP-HP, le constat est "amer". Contacté par Pourquoidocteur, l'urgentiste confie : « Il n'y a plus que le nom d'urgences, ce ne sont plus des Urgences ! Je ne sais pas comment appeler ça désormais, un dispensaire? Pour moi, c'est une coquille vide aujourd'hui ».


A quoi ressemblent les urgences de l'Hôtel-Dieu aujourd'hui ? 
Dr Gérald Kierzek : Il n'y a plus d'ambulances, plus de pompiers qui viennent, contrairement aux annonces d'Anne Hidalgo. Tous les jours, une petite cinquantaine de patients se perdent en venant à l'Hôtel-Dieu. Mais sans lits derrière, ni de service d'hospitalisation, les urgences ressemblent plus désormais a un dispensaire. Résultat, depuis l'arrivée de Martin Hirsch aux commandes de l'AP-HP, cela ressemble plus à une coquille vide alors que les locaux sont tous neufs. En fait, lorsque les patients arrivent chez nous, ils sont évalués, et en fonction de cette évaluation ils sont réorientés vers un autre établissement. L'Hôtel-Dieu est devenu une espèce de "gare de triage" des urgences parisiennes.


Martin Hirsch, votre nouveau président, a-t-il tenu ses promesses ? 
?Dr Gérald Kierzek 
: Martin Hirsch avait annoncé la réouverture de douze lits portes au mois de décembre. En fait, il a réouvert 4 lits qui ne sont même pas des lits portes prévus pour une hospitalisation courte, "mais des lits pour se reposer", je cite son communiqué. Ce ne sont absolument pas des lits médicaux comme nous l'attendions. Concernant la deuxième annonce, celle du recrutement de quatre infirmiers là encore nous sommes atterrés. Effectivement, quatre infirmières ont été recrutées mais pour une période de quatre mois en CDD. En gros, jusqu'aux élections municipales du mois de mars. C'est le timing parfait pour certains politiques. Conclusion, ce n'est pas une annonce pérenne. Il n'y a pas de feuille de route pour sauver les urgences de l'Hôtel-Dieu comme cela avait été promis.


Quelle est la conséquence de cette fermeture sur les autres urgences de Paris ?
Dr Gérald Kierzek
: Le 4 novembre 2013, les urgences de l'Hôtel-Dieu ont été fermées. A partir ce cette date-là, on voit des de sursaturations avec chaque semaine des niveaux de 200-250 % de saturation. Et de manière assez étonnante, ce sont les hôpitaux autour de l'Hôtel-Dieu (10ème-13ème) qui sont le plus saturés. Mais cela va même au delà de Paris si on regarde de près les chiffres. En fait, comme les ambulances ont été réorientées ailleurs, forcément ça bloque autre part qu'au sein de notre établissement. Malheureusement, là-bas, les urgentistes craquent. A Cochin par exemple il y a un préavis de grève. Autre cas similaire, celui de la Pitié-Salpétrière qui a déclenché le plan "Hôpital en tension". C'est juste avant le plan catastrophe ! Les urgences deviennent des couloirs de la honte.