- Pourquoi Docteur : Peut-on être à la fois fumeur et sportif ?
Herve Tarragano : Le sport et le tabagisme sont clairement antinomiques. Pour rappel, fumer nuit à la santé cardiovasculaire et respiratoire ainsi qu’à la performance physique. À l’âge de 18 ans, même si l’on fume, on peut fournir un effort intense et, par exemple, monter cinq étages sans difficultés. Mais, le tabac et le sport sont incompatibles pour les personnes âgées, par exemple, de 50 ans et ayant fumé pendant de nombreuses années, dont le risque cardiovasculaire est élevé et la capacité pour apporter de l’oxygène aux tissus est réduite.
Car oui, chez les fumeurs, le monoxyde de carbone prend la place de l’hémoglobine, la protéine qui assure l’oxygénation de l’ensemble de notre organisme. Dans le sang, il existe des chariots qui passe dans chaque tissu pour apporter de l’oxygène. Chez les adultes dépendants à la cigarette, c’est du monoxyde de carbone qui est apporté et non de l’oxygène. Problème : le monoxyde de carbone ne peut pas être utilisé par l’organisme. Étant donné que le corps n’a pas d’essence, ici l’oxygène, les tissus fonctionnent moins bien. Cela peut entraîner une vasoconstriction, à savoir une diminution de calibre d'un vaisseau sanguin par contraction des fibres musculaires présentes dans sa paroi, à l'origine d'une diminution de son débit.
"Le fait de fumer réduit la tolérance à l’effort et la récupération musculaire"
- Quels sont les effets du tabac sur la performance physique ?
Fumer avant de faire du sport induit une tachycardie, soit une augmentation anormale du rythme cardiaque, et une hausse de l’oxygénation des tissus. La tension artérielle accroît également. Le corps n’est donc pas dans de bonnes conditions avant de pratiquer une activité physique.
En général, les performances physiques des fumeurs sont moins bonnes que celles des personnes n’étant pas addictes la cigarette. Ces derniers sont plus rapidement fatigués, car ils présentent moins d’oxygène dans leurs muscles et leurs organes, comme le cœur ou les poumons. De plus, le fait de fumer réduit la tolérance à l’effort et la récupération musculaire. En parallèle, les risques de blessures et complications augmentent.
Ainsi, les fumeurs, en particulier âgés et qui n’ont jamais fait de sport depuis longtemps, ne doivent pas du jour au lendemain se mettre à faire de l’exercice, car cette reprise peut provoquer le développement des plaques d'athérome. Pour éviter cela, il convient de consulter un médecin qui va encadrer l’activité physique et accompagner le sevrage tabagique du patient.
- Est-il moins dangereux de fumer lorsque l'on fait du sport ?
Le sport ne protège pas des effets nocifs du tabac, car fumer reste traumatisant et dangereux pour le corps. En pratiquant une activité physique, on ne nettoie pas les poumons. Afin de diminuer, voire éliminer les effets du tabagisme qui font perdre 10 à 15 ans de vie, il faut plusieurs années. En général, il est possible de retrouver le goût et l’odorat 24 ou 48 heures après l’arrêt de la cigarette. Les patients doivent attendre plusieurs semaines à plusieurs mois avant que la toux, la fatigue du matin et l’essoufflement durant l’exercice disparaissent. On doit compter un an minimum pour que le risque d’infarctus soit similaire à celui d’un non-fumeur et environ 20 ans pour que les poumons redeviennent normaux cellulairement parlant.
"Retrouver la notion de plaisir" pour combattre l'addiction à la cigarette
- Afin de faire de l’exercice et de profiter de ses bienfaits, il convient donc d’arrêter la cigarette. Mais comment se sevrer ?
La première chose sur laquelle il faut insister, c’est qu’il ne faut jamais commencer à fumer. Mais si c’est le cas, la meilleure façon d’aider une personne à arrêter la cigarette est de lui rappeler qu’elle a appris à fumer. En général, cette dernière n’a pas directement aimé le faire. Au fur et à mesure du temps, elle a apprécié fumer et a associé cela à une situation de plaisir. C’est pour cela qu’en cas de manque de nicotine, son cerveau lui signale qu’elle a besoin de fumer et qu’elle se sent mieux après.
Dans le cadre d’un sevrage, qui doit être progressif, c’est la situation inverse qui permet de ne plus être dépendant à la cigarette, c’est-à-dire que tous les moments sans tabac doivent être associés à des situations de plaisir. Par exemple, on prend un café avec nos amis sans fumer, mais on partage un bon moment en rigolant avec eux. Le sport peut faciliter le sevrage. Par exemple, lorsque l’on fait du tennis avec un copain, on ne fume pas et pourtant on se sent bien.
Contrairement à d’autres, je pense que le sevrage tabagique n’est pas une histoire de volonté. Ici, on parle de volonté pour le côté décisionnel, c’est-à-dire "aujourd’hui, je n’achète plus de cigarettes", mais pour tenir dans le temps, il faut suivre une thérapie comportementale qui permet de retrouver la notion de plaisir et de se battre tous les jours contre cette addiction.
Pour arrêter de fumer, certains se tournent vers la cigarette électronique. Vapoter comporte-t-il des risques ?
Toutes les solutions thérapeutiques sont bonnes à partir du moment où elles fonctionnent pour les patients. Le plus important est d’adhérer à la thérapie. La cigarette électronique a moins d’effets délétères que la cigarette classique. Elle peut donc être une bonne alternative, mais, à ce jour, on n’a pas assez de recul pour le confirmer. Les sachets de nicotine, les puffs, les médicaments, les patchs… Tout peut fonctionner à condition que l’on ne fume pas en même temps et que chaque dispositif soit suivi et encadré par un professionnel de santé, car le sevrage, c’est un combat. Ce n’est pas facile.