- La Haute Autorité de Santé estime qu’il est scientifiquement impossible de fonder l’aide à mourir sur un "pronostic vital engagé à moyen terme", trop incertain et mal défini.
- Elle propose de recentrer l’évaluation sur la qualité du reste à vivre, en tenant compte de la souffrance globale du patient.
- Ce changement de perspective alimente les débats parlementaires sur la fin de vie, qui doivent reprendre le 12 mai à l’Assemblée nationale.
C'est une petite phrase, mais lourde de sens : "Il est impossible de mettre en œuvre une logique de prédiction de la quantité de vie restante." Dans son avis très attendu publié le mardi 6 mai, la Haute autorité de santé (HAS) remet en question l'un des fondements même du débat sur la fin de vie : peut-on décider d’une aide à mourir en se basant sur "un pronostic vital engagé à moyen terme" ou sur une "phase terminale" de maladie ? La réponse est non, pour l'organisme, qui suggère plutôt de prendre en compte "la qualité du reste à vivre" du patient.
Des critères flous et inapplicables
Le concept de "pronostic vital engagé à moyen terme", présent dans un projet de loi avorté en 2024, a été abandonné car jugé trop vague. "Aucun pays européen n'a retenu un critère d'ordre temporel dans la définition du 'moyen terme'", note la HAS. Même le Québec y a renoncé, après une phase d'application. "On sait définir le court terme – ça a été fait pour la loi Leonetti [de 2016 qui donne de nouveaux droits aux patients en fin de vie] – mais au-delà, on ne peut pas", explique le Pr Lionel Collet, président de la HAS.
Actuellement, le pronostic vital dépend "de nombreux paramètres, souvent évolutifs" : les outils médicaux actuels sont d'une "fiabilité insuffisante" et les biais subjectifs – qu'ils soient médicaux, émotionnels ou personnels – trop prégnants. Etablir un pronostic individuel sur la base de cette incertitude serait donc "une erreur et reviendrait à nier les facteurs individuels et thérapeutiques qui le conditionnent", prévient l'autorité.
Changer de paradigme : place à la qualité du reste à vivre
Plutôt que de chercher à prévoir la durée de vie restante, la HAS propose un changement de perspective : anticiper la qualité du temps qu'il reste à vivre. Il s'agit de "reconnaître la dimension existentielle et sociale de la souffrance" et d'évaluer ce que le patient vit encore, ressent, espère ou redoute.
La "phase avancée" (ou terminale) d'une maladie, loin d'être une échéance de décès, signe "l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade, qui affecte sa qualité de vie". Ce qui importe dès lors, c’est l’accompagnement : un "processus continu de discussion" entre le patient, ses proches et les soignants – qui doivent donc être formés "à l’écoute et au dialogue" sur la fin de vie. Un espace de délibération, où chacun peut exprimer sa perception de la vie, de la dignité, de la souffrance.
Un débat parlementaire relancé
Ces conclusions arrivent alors que l'Assemblée nationale s'apprête à examiner, à partir du 12 mai, deux propositions de loi : l'une sur les soins palliatifs, l'autre sur l'aide active à mourir. Le texte du député Olivier Falorni (MoDem), déjà adopté en commission, prévoit notamment un "droit à l’aide à mourir" pour les patients atteints d'une "affection grave et incurable" en "phase avancée ou terminale" et souffrant de manière insupportable, avec la possibilité de recevoir ou de s’administrer une substance létale. "C'est vraiment au cas par cas qu'on doit examiner les questions", rappelle la HAS.