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308 appels téléphoniques en un an

Stress post-traumatique : un numéro pour libérer la parole des soldats

Par Bruno Martrette

Depuis le mois de janvier, 308 personnes ont appelé le numéro écoute défense. Parmi eux, une majorité de militaires. La plupart souffrent de troubles psychiques post-traumatiques.

Ed Andrieski/AP/SIPA

Des combats au corps à corps, des bombes qui explosent, des tirs de fusils, tous ces événements de la guerre restent à jamais gravés dans la mémoire des militaires. Dans le meilleur de cas, le soldat apprend à vivre avec ces images pour le moins traumatisantes. Mais parfois, ces scènes d'horreurs entraînent un état de stress post-traumatique. Troubles anxieux, cauchemars, conduites suicidaires, ou encore syndromes dépressifs, sont autant de symptômes de cet état. Et pour aider ces hommes en détresse, l'armée organise une prise en charge. Parmi les dispositifs mis à disposition des traumatisés, le numéro d'appel unique « Ecoute Défense  », lancé en janvier 2013 par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. A l'occasion du 2ème séminaire sur les traumatismes psychiques dans les armées qui s'est déroulé ce matin, pourquoidocteur a interviewé le Dr Patrick Devilllières, psychiatre, chef du service médico-psychologique des armées, en charge du dispositif. D'après lui, « ce numéro d'appel brise le tabou que constitue la souffrance de l'homme de combat, tout en préservant l'anonymat et la vie privée du militaire. »

Quand les premiers symptômes de stress post-traumatique apparaissent-ils ?
Dr Patrick Devilllières : « Bien souvent, ces troubles psychiques post-traumatiques sont différés dans le temps, c'est-à-dire qu'ils ne se manifestent pas forcément tout de suite après l'évènement. Ils ne vont pas non plus apparaître tout de suite après le retour du militaire à la vie civile. Parfois, ils surviennent des mois, voir même des années après la rencontre avec la mort. D'ou la nécessité de mettre en place une surveillance toute particulière, via un système de santé efficace, pour que ces personnes puissent venir à nous. Il ne faut surtout pas oublier ces héros de la guerre. D'autant que cette souffrance va au-delà de leur personne. »



La famille des soldats souffre-t-elle, elle aussi ?
Dr Patrick Devilllières« En effet, ces troubles psychiques post-traumatiques affectent les familles dans leur quotidien. Tout simplement parce que les militaires atteints par ces troubles vont par exemple avoir sans cesse des cauchemars de reviviscence de la scène d'horreur. Mais aussi des flashback à plusieurs moments de la journée. Cela peut être dans la rue lorsqu'ils entendent un détonation. Ces symptômes entraînent bien souvent un mal-être chez le militaire. Cet état à long terme conduit à des modifications de son caractère et des troubles de l'humeur qui y sont associés. Et tout cela termine bien souvent par une tendance au repli sur soi de la part de l'ancien soldat. Pour toutes ces raisons, la famille souffre de le voir souffrir. »



La ligne téléphonique, le 08 08 800 321, a-t-elle été créée pour briser un tabou ?
Dr Patrick Devilllières « Le 08 08 800 321 est un numéro gratuit, anonyme, et accessible à tous ceux qui sont confrontés à la difficulté d'exprimer leur souffrance ou sont témoins de celle d'une personne de leur entourage familial, amical ou professionnel. L'accueil téléphonique est assuré à tour de rôle par l'ensemble des psychologues du Service de santé des armées. Cette première prise de contact avec la personne en détresse nous permet d'orienter les gens vers un parcours de soins qui est constitué à partir de l'écoute et de l'information du patient. Ce clinicien psychiatre qui écoute ne fera évidemment pas une une psychotérapie par téléphone. Mais il reste au final le plus capable de pouvoir orienter. »



Libérer la parole des soldats a-t-il un effet positif ?
Dr Patrick Devilllières : « Une fois le patient redirigé vers une structure, une psychotérapie va être mise en place. Au travers de la parole, les militaires vont être apaisés. Le but c'est qu'ils retrouvent une sérénité par rapport à l'évènement traumatisant. Ces souvenirs qui le persécutent dans sa mémoire et qui reviennent sans cesse doivent redevenir des souvenirs et non plus des cauchemars ou des flashback. Depuis le mois de janvier de cette année, 308 personnes ont appelé ce numéro écoute défense. Parmi eux, une majorité de militaires. La plupart souffrent de troubles psychiques post-traumatiques. Et le retour des psychiatres sur le terrain est positif. La parole se libère tout d'abord par téléphone puis les militaires vont consulter dans des service de psychiatrie. Les valeurs de virilité très présentes dans l'armée restent mais le tabou de la souffrance se brise. Notre dernier moment d'émotion, c'est le coup de téléphone d'un ancien d'Algérie qui avait gardé ses souffrances pour lui depuis la fin du conflit. »