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Addiction

En 20 ans, le taux de substance psychotrope dans le cannabis a triplé !

Par Jean-Guillaume Bayard

Plusieurs agences régionales de santé alertent face à la hausse très significative des taux de THC, la molécule à l’origine des effets psychotropes, dans le cannabis et des produits de synthèse ces dernières années. Les risques de dépendance augmentent et le nombre d’hospitalisations est en hausse.

Nizam Ergil/iStock
Un cannabinoïde de synthèse, le MDMB-4en-Pinaca, est de plus en plus présent dans l'herbe des consommateurs et peut aller jusqu'à provoquer des hospitalisations, voire des décès.
À cause d’une négligence accrue des parents, de plus en plus d’enfants ingèrent des morceaux de résine de cannabis.

Le constat est saisissant. En vingt ans, le taux moyen de THC, pour tétrahydrocannabinol, dans la résine de cannabis a triplé. Cette molécule, à l’origine des effets psychotropes, était présente à des taux compris entre 6% et 8% au début des années 2000, selon les chiffres du service national de la police technique et scientifique (PTS). Il a ensuite progressé doucement jusqu’à l’année 2010, qui est une année charnière”, révèle au Monde Céline C., experte juridique en produits stupéfiants, ingénieure et chef de la section stupéfiants du laboratoire de police scientifique de Lyon. En 2019, la concentration de THC a atteint des sommets à 28%. Sous d’autres formes, il arrive même que ce taux grimpe jusqu’à 90%.

Des produits de synthèse surpuissants

Les produits de synthèse s’invitent également de plus en plus dans les pochons des consommateurs. Ces molécules synthétiques imitent et amplifient les effets de certains produits, et cela n’est pas sans conséquence. Des réactions inhabituelles ont été rapportées chez de nombreux fumeurs. À l’automne 2020, le centre d’addictovigilance de Marseille et de l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) a fait part de clients qui se sont retrouvés en sueur, fiévreux, pris de vertiges et de tremblements, de nausées, voire de vomissements. À Bordeaux, le centre d’addictovigilance et l’ARS Nouvelle-Aquitaine a témoigné des cas de mineurs qui ont dû être hospitalisés après avoir consommé ces substances de synthèse.

Des analyses de ces produits ont été menées et révélé la présence d'un cannabinoïde de synthèse, le MDMB-4en-Pinaca. Cette molécule, censée reproduire les effets du THC et qui se présente sous la forme de poudre, est pulvérisée sur les résidus végétaux pour augmenter la puissance psychotrope de la drogue. “Il s’agit de substances qui, pour des doses largement inférieures, sont beaucoup plus fortes. C’est le cannabis puissance 100”, dévoile Joëlle Micallef, présidente du Réseau français d’addictovigilance et directrice du centre PACA. Ce produit peut avoir des conséquences graves pour les clients, qui voient ce produit être ajouté à leur insu, pouvant causer malaise, vertige, tachycardie, bad trip, agressivité, voire, dans les cas les plus sévères, AVC, infarctus et même décès. En 2019 et 2020, douze personnes sont mortes en Europe suite à la consommation de MDMB-4en-Pinaca, selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies qui note que d’autres substances psychoactives ont été identifiées dans chacun des cas.

Derrière les hospitalisations, un grand nombre de cas

Les spécialistes alertent sur les risques que représentent ces nouvelles substances. S’il y a peu de cas graves, un nombre bien plus important de consommateurs passe sous les radars. “Quand on a cinq cas, c’est qu’en réalité on en a cinq cents, estime Joëlle Micallef. Ce qui nous alerte, c’est la tendance évolutive. Quand on voit que les cas augmentent, que le produit arrive dans différentes régions, qu’il touche tout type de public, c’est plus important qu’un chiffre. Pour nous, il ne manque rien pour faire une sensibilisation nationale sur le sujet.

De plus en plus d’intoxications pédiatriques

Par ailleurs, un nouveau phénomène est en plein expansion ces dix dernières années : les intoxications pédiatriques. À cause d’une négligence accrue des parents, de plus en plus d’enfants ingèrent des morceaux de résine de cannabis, dont la concentration en THC est plus élevée. Cette tendance s’observe depuis 2014, année où les urgences pédiatriques du CHU de Toulouse ont saisi l’agence régionale de santé (ARS) Midi-Pyrénées face à la multiplication de situations inhabituellement graves, avec des cas de coma et d’apnée justifiant une surveillance en soins continus ou en réanimation, note Le Monde. En tout, douze cas ont été rapportés cette année-là par l’hôpital, soit autant qu’entre 2007 et 2012.

Une étude pilotée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a révélé qu’en 2015, il y a eu 254 hospitalisations d’enfant de moins de 10 ans liées à la consommation de cannabis, dont 209 nourrissons ayant entre 1 mois et 2 ans. En comparaison, en 2010, ce sont 67 hospitalisations qui ont été répertoriées. Les données des dernières années confirment la tendance à la hausse. “Quand on mesure la concentration en THC dans le sang de ces enfants, ça correspond au niveau d’un adulte qui fumerait une dizaine de fois par jour, car ils avalent des bouts de résine entiers, révèle Maryse Lapeyre-Mestre, responsable du centre d’addictovigilance de Toulouse. On observe ces cas quand l’enfant commence à se déplacer, à attraper, à mettre à la bouche. Le plus souvent, ça se passe pendant des fêtes. Parfois, c’est la grand-mère qui gardait le petit qui a laissé traîner son shit ou chez la nounou. Les gens prennent plus de précautions pour ne pas laisser des cigarettes ou de l’alcool à côté des enfants, c’est moins le cas quand il s’agit du cannabis.”