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Espoir

Coronavirus : la chloroquine pourrait-elle vraiment fonctionner?

Par Raphaëlle de Tappie

La chloroquine, molécule utilisée dans le traitement du paludisme, a donné des résultats encourageants lors d'études pour traiter le coronavirus. Il est toutefois encore un peu trop tôt pour s'emballer. 

Samara Heisz/iStock

“Finalement, c'est probablement l'infection respiratoire la plus facile et la moins chère à soigner de toutes les infections virales”. Alors qu’un premier Français est mort de l’épidémie de coronavirus, Didier Raoult, directeur de l’Institut Méditerranée infection, à Marseille, a publié une vidéo mardi 25 février où il vante les mérites de la chloroquine, un médicament traditionnellement utilisé pour le paludisme, afin de traiter ce nouveau virus. Visionnée plus de 210 000 fois en 24 heures, cette vidéo a immédiatement suscité l’espoir du monde entier. Toutefois, il est encore un peu tôt pour se réjouir. 

La chloroquine est une substance de la famille amino-4-quinoléines. On l’utilise pour soigner les personnes souffrant de polyarthrites rhumatoïdes, de lupus érythémateux, de lupus systémiques et de lucites, mais surtout du paludisme. Elle permet de tuer les schizontes, les organismes unicellulaires responsables de cette maladie. Autrefois très efficace contre cette dernière, la molécule a tellement été prescrite, sous forme de Nivaquine et de Savarine, qu’une forme résistante de paludisme a fini par se développer. “La chloroquine est désormais dénuée d'efficacité presque partout dans le monde (…) Entre 1999 et 2004, on a donné de la chloroquine à 95% des petits Africains souffrant de paludisme, alors même que le médicament ne guérit plus que la moitié des cas de paludisme dans de nombreux pays”, écrivait l’OMS en 2006. 

L’année d’avant, la chloroquine s’était toutefois révélée efficace contre le Syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) qui avait fait près de 800 morts en Asie du Sud-Est en 2002-2003. En 2013, elle avait par ailleurs fait ses preuves lors de tests réalisés sur des modèles animaux du virus H5N1. Cette année, des chercheurs ont démontré son efficacité dans contre le Covid-19 lors de test en laboratoire. “Nous avons constaté que le Remdesivir (antiviral développé dans l’objectif de traiter Ebola,NDLR) et la chloroquine sont très efficaces pour contrôler l'infection in vitro”, ont notamment écrit des chercheurs chinois dans une étude parue dans la revue Nature le 4 février.

Des capacités anti-virales et anti-inflammatoires 

Puis, le 19 février, des résultats d’essais cliniques parus sur le site de la revue BioScience Trends et menés sur 100 personnes réparties dans dix hôpitaux chinois depuis le début de l'épidémie de Covid-19 ont renforcé cet espoir. En effet, trois chercheurs de l'école de pharmacie de l'université et de l'hôpital de Qingdao (Chine) déclarent avoir mesuré “l'efficacité de la chloroquine sur le traitement de pneumonies associées au Covid-19”.

Les résultats obtenus jusqu'à présent sur plus de 100 patients ont démontré que le phosphate de chloroquine était plus efficace que le traitement reçu par le groupe comparatif pour contenir l'évolution de la pneumonie, pour améliorer l'état des poumons, pour que le patient redevienne négatif au virus et pour raccourcir la durée de la maladie (…) Les capacités antivirales et anti-inflammatoires de la chloroquine pourraient jouer dans son efficacité potentielle à traiter des patients atteints de pneumonies provoquées par le Covid-19”, écrivent les chercheurs. 

Pour le microbiologiste Didier Raoult, cette étude montre l'efficacité de la chloroquine contre le Covid-2019 qui, selon les dernières estimations en date, a fait 2 761 morts et infecté plus de 80 000 personnes dans le monde depuis son apparition en décembre. “On attendait qu'il y ait des essais cliniques qui rapportent l'efficacité que l'on préjugeait. Maintenant, c'est fait. On a tous les éléments. Il y aura peut-être des ajustements sur la dose qu'il faut donner et le temps pendant lequel il faut administrer le médicament”, a déclaré le spécialiste sur Franceinfo mardi 25 février.  

500 mg de chloroquine par jour pendant dix jours ?  

Tout comme cela avait été démontré pour le Sras à l'époque et oublié, la chloroquine est active in vitro contre les coronavirus (…) Avec 500mg de chloroquine deux fois par jour pendant dix jours, il y a une amélioration spectaculaire, et c'est recommandé pour tous les cas cliniquement positifs d'infection à un coronavirus chinois”, développe-t-il, assurant que les chercheurs chinois à l’origine de cette équipe font partie des “meilleures équipes de virologie au monde”.  

Si l’antiviral Remdesivir obtient également de bons résultats dans les tests pour venir à bout du coronavirus (des essais cliniques utilisant cet antiviral sont en cours, leurs résultats devraient être connus dans les prochaines semaines), la chloroquine serait plus complète. Que ce soit “pour contenir l’évolution de la pneumonie, pour améliorer l’état des poumons, pour que le patient redevienne négatif au virus et pour raccourcir la durée de la maladie”, explique l’étude. Qui plus est, “elle coûte moins cher et c’est un médicament qui existe depuis longtemps et qui a fait ses preuves, dont on sait qu’il est sûr au niveau de la balance bénéfice/risque.”

L’OMS ne s’est pas encore prononcé sur la question 

Si ces résultats sont enthousiasmant, il est encore trop tôt pour s’emballer. Sur BFMTV, le ministre de la Santé Olivier Véran a déclaré s’être entretenu avec Didier Raoult sur le sujet. “Il m'a fait part de ses observations et des études qu'il mettait en évidence, que j'ai fait remonter à la Direction générale de la santé, qui est en train de faire toutes les analyses. On sait qu'il y a des études intéressantes en effet sur un impact in vitro, mais les études sur le patient restent encore à déterminer.” 

En attendant d’en savoir plus sur les effets du Remdesvir et de la chloroquine, l’OMS ne se prononce pas et ses recommandations restent les mêmes. Pour se protéger contre le coronavirus, l’Organisation conseille de se laver fréquemment les mains, surtout après avoir pris le métro ou après s’être mouché, de se couvrir la bouche et le nez avec le pli du coude ou un mouchoir en cas de toux ou d’éternuement et d’éviter les contacts proches avec les personnes malades ainsi que de se toucher les yeux, le nez et la bouche.