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QUESTION D'ACTU

Nouvelle formule, intolérance

Lévothyrox : un professeur de thérapeutique met les pieds dans le plat

Dans le cadre de l’affaire de Levothyrox, le Pr Jean-François Bergmann, ancien responsable de l'agence du médicament (ANSM) analyse la polémique qui agite la société française depuis la mise à disposition de la nouvelle formulation.

Lévothyrox : un professeur de thérapeutique met les pieds dans le plat ALLILI MOURAD/SIPA




Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Professeur Jean-François Bergmann ne mâche pas ses mots dans une interview accordée à notre confrère Fréquence Médicale. Il s’agit d’une analyse plus que d’un travail pharmacologique, mais c’est une opinion qui compte dans le monde de la thérapeutique et de la pharmacologie clinique. Le Pr Bergmann est en effet un universitaire reconnu dans ce domaine, à l’hôpital Lariboisière et à l’université Paris-Diderot.

Pas d’argument de toxicité

Sur le plan pharmacologique d’abord : « Le mannitol et l’acide citrique qui ont remplacé le lactose ne peuvent entraîner les manifestations décrites. On les retrouve à des doses nettement plus élevées dans de nombreux aliments, notamment les bonbons et chewing-gums sans sucre, sous les noms de code E421 et E330, ainsi que dans de très nombreux autres médicaments sans qu’aucun effet indésirable n’ait été rapporté ». Par ailleurs, le professeur rappelle que ces « mêmes nouveaux comprimés de Lévothyrox » sont largement utilisés dans d’autres pays sans qu’aucun trouble n’ait été notifié. 

Pas d’argument au plan thérapeutique

Sur le plan physiopathologique ensuite, il rappelle que les « malades hypothyroïdiens même correctement traités, ont spontanément d’importantes variations symptomatiques ». « Lorsqu’un malade recevant 75 µg de Levothyrox est insuffisamment contrôlé, on passe à 100 µg, soit une augmentation de 33 % » et il n’y a pas de manifestations cliniques inopportunes, c’est dire s’il ne croit pas à un problème lié à une faible différence entre la dose efficace et la dose toxique.

Une épidémie liée aux réseaux sociaux

Sur le plan sociologique enfin, sans nier ou négliger les symptômes rapportés par certains malades, il rappelle que « tous les examens cliniques et complémentaires de ces patients sont normaux » et qu’il est « impossible qu’un peu de mannitol et d’acide citrique puissent entrainer tout ça ».
En revanche, il souligne que « l’effet nocebo, qui existe dans tout médicament, de façon indépendante de l’activité pharmacologique, est extrêmement sensible à l’environnement de la prise médicamenteuse. Un climat de confiance le fait disparaître, une angoisse médiatisée l’amplifie et l’acutise ».
Pour finir, s’il se déclare d’accord avec la décision de la Ministre de la Santé de remettre temporairement l'ancienne formule à disposition, il souligne qu’elle ne résoudra rien dans l’immédiat et qu’elle est « catastrophique pour l'avenir : la stigmatisation de la classe pharmacologique est officialisée, les troubles vont réapparaître lorsque l'ancienne formule va disparaître à nouveau, et les futurs génériques de Levothyrox vont eux aussi être accusés de tous les maux ».

Restons humbles

Le constat est sans appel : « Accuser le laboratoire, qui a été contraint par les agences sanitaires à ce changement de formulation pour faciliter le traitement des patients, est bien injuste ». Il ne s’agit en rien d’une affaire de gros sous : « Le prix du médicament reste inchangé à 9 centimes le comprimé ».
Enfin, « se répandre sur l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire est plus paranoïaque que constructif : ils gèrent la crise comme une administration sait gérer une crise… »
Au final, « des milliers d’euros vont être dépensés pour vérifier la qualité de la nouvelle formulation, pour refaire des études expérimentales chez l’animal et chez l’homme, pour colliger tous les effets indésirables déclarés et en faire l’analyse épidémiologique ».
Et cette conclusion terrible :« Quelle souffrance pour les patients, quel gâchis pour la science, quelle humilité pour notre savoir ! »

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