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Témoignages

Réseaux sociaux : les médecins victimes de la rumeur

Par Bruno Martrette

Erikj57/epictura

ENQUÊTE - L’utilisation massive des réseaux sociaux multiplie les risques d’atteinte à l’image et la réputation. Des médecins twittos en ont fait les frais, victimes de la rumeur.

Bien évidemment les médecins ne sont pas d’horribles professionnels de santé dénués de tous sentiments face aux maux de la société. Et comme les autres, ils sont blessés par les bad buzz qu’ils suscitent parfois. Mais le pire pour eux, comme pour les autres, c’est quand ils sont victimes de la rumeur.

Très présents sur la Toile, et au contact des patients, ils sont devenus des cibles de premier choix pour les internautes malveillants. La liste des fausses accusations est longue et pourrait refroidir plus d’un praticien à aller s’aventurer sur les réseaux sociaux.

Des diffamations graves

Le Dr Baptiste Beaulieu en a fait l’amère expérience. Actif sur Twitter (depuis 2013) et auteur d’un blog à succès (1), il raconte cette fois où une patiente lui a demandé de l’aide parce qu’elle avait été violée. Dans son mot au jeune généraliste, elle accusait du délit un praticien (nommé) ainsi qu’un kinésithérapeute et une infirmière (également nommés).

Médecin et non pas magistrat, ce dernier l’a renvoyé très gentiment vers la justice, en lui conseillant de porter plainte. Enervée, la patiente l’a dès le lendemain ajouté à sa liste de violeurs présumés dans un message sur sur blog. « Je ne l’avais jamais rencontré, je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam. Elle vivait à Lille et moi dans le Sud de la France ».

Sueurs froides, colère, Baptiste Beaulieu avoue être passé par tous les sentiments. Mais lors d’un coup de téléphone au médecin de l’accusatrice, il apprend que celle-ci est une patiente psychiatrique et qu’elle multiplie les séjours hospitaliers. La polémique s’éteint. « Reste que ça fait un drôle d’effet. Ca fait mal. C’est très très blessant », lâche Baptiste Beaulieu.

Des représailles entre confrères 

Mais les cyber-mésaventures de ce médecin de famille en Midi-Pyrénées ne se sont pas arrêtées là. Écrivain à succès, il attire désormais les jalousies de certains confrères. Et ceux-là essayent de le décrédibiliser. En affirmant par exemple qu’ils avaient entendu « de source sûre qu'il n'avait pas fait ses stages en médecine lorsqu’il était externe ». Baptiste Beaulieu serait donc un médecin usurpateur... Très touché par ces mensonges, ce denier rectifie : « J’ai plein de défauts mais j’ai une qualité, c'est que j’ai toujours été un peu maniaque donc quand j’étais en faculté de médecine je suis allé à tous mes stages. De voir ce tweet relayé, cela m’a mis hors de moi. C’est de l’injustice et l’injustice ça me rend fou », conclut-il.

Ecoutez...
Baptiste Beaulieu, médecin généraliste : « Je ne donne pas un à deux ans avant qu'un internaute crée un TripAdvisor des médecins...»

 

Face à ces attaques gravissimes, le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) ne reste pas impassible. Le Dr Jacques Lucas, en charge de la déontologie médicale à l’Ordre, interpelle même ses confrères. « Si vous êtes victime d’une calomnie ou d’une rumeur, si vraiment celle-ci est parfaitement diffamatoire, vous pouvez saisir les autorités judiciaires qui sont chargées de la réparation de cette diffamation ».

Les moyens de défense des médecins

« Nous avons l’exemple d’une gynécologue-obstétricienne diffamée sur des sites de notations et d’avis des praticiens. Elle a portée plainte et la personne a été condamnée par les juridictions du droit commun. La coupable a même été condamnée en appel, avec une amende », raconte le Dr Lucas. Pour aller encore plus loin dans les moyens de défense des praticiens, il propose que les assureurs en responsabilité civile des médecins mettent en place une assistance juridique qui serait déclenchée dès lors que ces derniers sont victimes de la rumeur.  

De son côté, la Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) rappelle que les professionnels de santé peuvent aussi demander la suppression du message diffamatoire au directeur de la publication ou à l’éditeur du site internet. Elle indique qu'ils peuvent également faire usage de leur droit d’opposition. La personne visée par un message dénigrant devra ainsi demander la suppression de son nom (et données personnelles) au titre de la Loi Informatique et Liberté. De quoi peut-être redonner confiance aux médecins dans la e-tourmente...

(1) « Alors voilà. Journal de soignés/soignants réconciliés »