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Primaire de la droite

Alain Juppé : "Il faut accroître de 10 % les moyens pour la prévention"

Par Bruno Martrette

Les 7 candidats à la primaire de la droite et du centre répondent aux questions de Pourquoidocteur. Ce jeudi, c'est au tour de l'ex-Premier ministre, Alain Juppé.

KONRAD K./SIPA
MOTS-CLÉS :

Alors que la primaire de la droite et du centre pour l'élection présidentielle se déroulera les 20 et 27 novembre prochains, l’heure du premier des trois débats télévisuels approche à grands pas. D’une durée fleuve de 2h30, il aura lieu le 13 octobre sur TF1, RTL, Public Sénat et LCI. Il verra s’affronter les sept compétiteurs en lice sur les thèmes du chômage et de la sécurité. Et quid de la santé ?

Dans un récent sondage, 69 % des Français font de ce thème un élément majeur de la campagne. Et presque la même proportion des interrogés considère que les positions des candidats sur la politique de santé seront déterminantes dans leur choix.
Pour répondre aux attentes des futurs électeurs, la rédaction de Pourquoidocteur a interrogé tous les candidats en leur posant les mêmes questions. Ce jeudi, la série continue avec l'actuel maire de Bordeaux (Gironde), Alain Juppé. Celui qui domine les sondages depuis des mois sera reçu ce soir dans L'Émission politique de France 2 animée par David Pujadas et Léa Salamé. Mais avant, il nous a livré son programme sur des sujets aussi variés que la PMA, les déserts médicaux, le prix des médicaments innovants, etc.  

La collectivité ne pourra plus prendre en charge le coût des médicaments innovants. Doit-on consacrer un budget spécifique à la prise en charge de ces thérapies, et comment le financer ?
Alain Juppé
: Je commence par l’essentiel : l’arrivée de médicaments innovants est une excellente nouvelle. Cela ne remet pas en cause le principe d’un financement collectif de la dépense de santé: sinon, comment pourrait-on se soigner en cas de maladie grave ? Financer ces produits est possible. D’abord, en ne tolérant plus de gaspillages ni dépenses inutiles. Ensuite, je veux un pacte de mandature avec les industriels, en leur donnant visibilité et stabilité : c’est la clé pour la recherche et l’emploi. La négociation des prix devra être volontariste et s’appuyer sur une coopération internationale et européenne. Il faut aussi être beaucoup plus exigeant sur la réalité du service médical rendu, avec des experts indépendants. Enfin, je veux mettre en œuvre une politique de bon usage du médicament et nous mettre à niveau de nos voisins européens les plus performants.

 

Médicament
Il faut être beaucoup plus exigeant sur la réalité du service médical rendu.


Les complémentaires Santé s’engagent dans un modèle d’assurance à la carte. Faut-il encourager financièrement les assurés qui ont une bonne hygiène de vie (alimentation, activité physique, etc.) et/ou pénaliser ceux qui prennent des risques (alcool, tabac, etc.) ?
Alain Juppé : Je suis hostile à des remboursements en fonction des comportements : sinon, c’est la porte ouverte à toutes les discriminations. Mais il faut changer la donne et, surtout, passer aux actes en matière de prévention. Je veux accroître les moyens qui y sont consacrés de 10 % en cinq ans. Chaque année, un rapport sur l’état de santé des Français sera rendu public. Ensuite, je veux consacrer trois grands chantiers à des priorités majeures : la santé maternelle et celle des enfants et des jeunes, la lutte contre toutes les addictions, enfin les liens entre santé et environnement.
Il nous faut bâtir une politique de prévention mieux intégrée aux parcours de santé : cela passe par une évolution du programme des études des professionnels de santé et par le renforcement du rôle du médecin généraliste comme « conseil en prévention". L’assurance maladie doit aussi s’impliquer : au-delà de 50 ans, chaque assuré social recevra une invitation à consulter son médecin traitant pour une consultation médicale de prévention.

 

Prise en charge
Je suis hostile à des remboursements en fonction des comportements.


L’hôpital doit à la fois concilier l’excellence médicale avec ses missions sociales. Compte tenu des contraintes budgétaires, la tarification à l’activité (T2A) vous paraît-elle adaptée à cette double exigence ?
Alain Juppé : Faire reposer le financement de l’hôpital sur la tarification à l’activité est un bon principe, qui permet de mieux prendre en compte l’activité effective des établissements. Revenir à la dotation globale ou au prix de journée hospitalier, ne serait pas une bonne chose : il n’est pas pertinent de ne tenir compte que des résultats des années antérieures sans prendre en considération l’activité de l’année en cours : des rentes de situations ou des impasses de financement peuvent en résulter.
Mais il faut faire évoluer la T2A. C’est un système complexe, et, pour en garder les bénéfices, il faut sans cesse l’ajuster et l’améliorer, et cela, plus particulièrement dans des secteurs de soins ou pour des établissements où il se révèle moins adapté.

 

Hôpital
Il faut faire évoluer la T2A (...) Il faut sans cesse l'ajuster et l'améliorer.


Un généraliste sur quatre ne sera pas remplacé d’ici 2025. Comment comptez-vous lutter contre les déserts médicaux ?
Alain Juppé : Je n’aime pas cette appellation : comme s’il existait des territoires où il y aurait tous les services, sauf la santé. La réalité, ce sont des villes ou des villages qui souffrent, qui voient leur nombre d'habitants décliner avec des conséquences pour toutes les activités, pas seulement la médecine  ! Il faut redonner à tous les territoires de l’attractivité, faciliter les transports et en première priorité assurer enfin une couverture numérique très haut débit irréprochables. Je formule des propositions d'ensemble pour retrouver une dynamique de nos territoires. 
Au-delà, il faut garantir aux médecins de bonnes conditions d’exercice et de vie partout, en respectant la liberté d’installation. Je pense à l’attribution d’aides pour la disposition de locaux professionnels et de logements. A ce qui peut être fait pour favoriser l’installation de professionnels regroupés, comme le souhaite une partie des jeunes médecins. Il faudra aussi négocier avec les médecins la façon dont leur départ en retraite peut être mieux anticipé et organisé. Surtout, je crois aux initiatives des médecins, comme des associations de professionnels se déplaçant à tour de rôle, ou la proposition de consultations, remboursées de télémédecine.

 

Déserts médicaux
Il faut garantir aux médecins de bonnes conditions d'exercice et de vie partout, en respectant la liberté d'installation.


Dans un manifeste, des médecins français ont reconnu avoir aidé des couples lesbiens et des femmes seules à recourir à la PMA à l’étranger. Peut-on continuer à la réserver aux couples hétérosexuels ?

Alain Juppé : La loi réserve strictement la procréation médicalement assistée aux couples hétérosexuels, pour remédier à l'infertilité ou éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le recours à cette technique doit rester fondé ces critères. Et cela notamment parce qu’un élargissement ouvrirait inévitablement la porte à la gestation pour autrui : c’est une atteinte à la dignité humaine, un saut anthropologique qu’il ne faudra jamais franchir.

 

Procréation médicalement assistée 
Un élargissement ouvrirait inévitablement la porte à la gestation pour autrui : c'est une atteinte à la dignité humaine.


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