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Transplantation

Isabelle Dinoire : décès de la première greffée du visage

Par Anne-Laure Lebrun

Isabelle Dinoire, première patiente au monde à bénéficier d'une greffe du visage, est décédée il y a quatre mois. Elle avait été défigurée par son chien dans son sommeil.

MICHEL SPINGLER/AP/SIPA

Isabelle Dinoire, la première patiente au monde à bénéficier d’une greffe de visage est décédée le 22 avril dernier à 49 ans, a annoncé ce mardi le CHU d’Amiens-Picardie, l’établissement où elle avait été opérée en 2005. « En accord avec la volonté de ses proches, aucun avis de décès n’avait alors été publié dans la presse, pour préserver leur légitime intimité en ces moments douloureux », indique l’hôpital dans un court communiqué de presse, ajoutant qu’elle « est décédée des suites d’une longue maladie. »

Grâce à cette première mondiale réalisée par les équipes du Pr Bernard Devauchelle, Isabelle Dinoire avait retrouvé un visage et une vie presque normale. Mais de nombreux obstacles se sont dressés au cours des 11 dernières années. L’hiver dernier, son corps rejette encore son nouveau visage, elle perd l’usage de ses lèvres. Ses lourds traitements anti-rejet auraient également favorisé le développement de deux cancers. La patiente savait que ces complications liées aux traitements pouvaient survenir.


Un exploit médical

Attaquée par sa chienne dans son sommeil alors qu’elle avait avalé une forte dose de somnifères, elle avait découvert son visage défiguré au réveil. Elle n’avait plus de nez ni de bouche, ne pouvait plus déglutir et s'alimentait avec une sonde. Elle n’osait plus sortir de sa chambre sans masque. « J’ai glissé dans un autre monde », confiera-t-elle. Alors, quand les chirurgiens lui proposent la greffe partielle de face, elle n’hésite pas.

« Le lendemain, j'ai demandé à voir mon visage. C'était merveilleux. Merveilleux de ne plus avoir un trou et d'avoir la forme d'un visage comme tout le monde », raconte-t-elle dans une vidéo publiée en 2014 (voir ci-dessous). La jeune femme doit alors réapprendre à parler, manger, boire, sourire.

Depuis son opération, plus d’une trentaine de personnes dans le monde ont pu bénéficier d’une greffe de visage.

Greffe de visage : un long parcours médicalisé

Les patients qui ont bénéficié d’une transplantation totale ou partielle de face seront confrontés toute leur vie aux conséquences de l’opération. Or certains d’entre eux ne sont pas prêts à faire face aux risques de rejet du greffon, aux effets secondaires potentiellement graves des traitements, ou au regard de l’autre, selon une étude française parue dans The Lancet.

Menés par le Dr Laurent Lantieri, chirurgien à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris), ces travaux ont été réalisés pendant en moyenne 6 ans auprès de 7 patients opérés entre 2005 et 2014. Au cours de l’étude, 2 d’entre eux sont décédés : l’un a succombé à une infection et l’autre s’est suicidé 3 ans après la greffe.
Chez les autres patients, les rejets de greffons ont été récurrents, justifiant les prescriptions à hautes doses de stéroïdes malgré les risques de troubles métaboliques comme le diabète qu’ils peuvent entraîner. Des troubles de la filtration glomérulaire, signe d’une insuffisance rénale, ont toutefois été observés. Les chercheurs soulignent également que l’amélioration de la qualité de vie n’a pas été la même chez les patients.

Pour les auteurs, ces résultats soulèvent l’importance de bien sélectionner les patients en s’assurant qu’ils comprennent les risques des traitements et ce qu’entraînera l’opération sur le long terme.