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Emotions

La tristesse influence la perception des couleurs

Par Anne-Laure Lebrun

Des chercheurs américains ont montré que la tristesse modifie notre perception des couleurs. En revanche, la joie ou une émotion neutre ne semble pas avoir d'impact.

Mark Schiefelbein/AP/SIPA

Broyer du noir, voir la vie en rose, avoir une peur bleue… Dans tous les esprits, les couleurs sont associées à un symbole, un sentiment ou une humeur. Et si ces expressions étaient justement liées à nos émotions ? C’est en tout cas ce que suggère une étude publiée fin août dans Psychological Science.

Des chercheurs en psychologie de l’université de Rochester (New York, États-Unis) ont en effet montré que les personnes tristes ne perçoivent pas les couleurs de la même manière qu’une personne joyeuse.

Des études précédentes ont mis en évidence un lien entre la dépression et une perte de sensibilité aux contrastes de couleurs. Une équipe allemande a notamment montré que les personnes dépressives percevaient une image teintée de gris, et plus la dépression est sévère, plus la perte de contraste est importante.

Seule la tristesse influence notre perception

En laboratoire, les psychologues américains ont divisé aléatoirement 127 participants en deux groupes. Le premier a été invité à regarder un film d’animation censé provoquer de la tristesse, et le second une comédie supposée les faire rire et les rendre joyeux. 
A l'issue de la projection, les volontaires ont rempli un questionnaire pour connaître leur état émotionnel et se sont ensuite pliés à un test. Les chercheurs leur ont présenté de manière consécutive 48 planches de couleurs désaturées, c’est-à-dire de couleurs pâles voire en nuances de gris. Les participants devaient indiquer la couleur de chaque planche (rouge, jaune, vert ou bleu).

Les résultats montrent que les personnes ayant regardé le film triste n’étaient pas aussi précises dans leurs réponses que celles ayant vu le film amusant. Plus précisément, les participants tristes se trompent particulièrement dans la gamme bleu-jaune.En revanche, aucune erreur n’a été observée quand il s’agissait du spectre rouge-vert.

Lors d’une seconde expérience, les chercheurs ont remplacé le film amusant par un film neutre. Là encore, les participants tristes étaient moins précis que les autres dans l’identification des planches du spectre bleu-jaune. « Ces résultats suggèrent que la tristesse est spécifiquement responsable des différences de perception des couleurs », notent les auteurs.

Un lien avec la dopamine ?

Ces observations ont beaucoup surpris les chercheurs. Ils ne s’attendaient pas à ce que la perception des couleurs soit affectée uniquement dans les nuances de bleu et de jaune. Pourtant, de précédents travaux ont fait le lien entre la perception de ces couleurs et la dopamine. Chez les personnes dépressives, la transmission de ce neurotransmetteur ne se fait pas correctement. 

« Nos travaux montrent que l’humeur et les émotions peuvent affecter notre manière de voir le monde qui nous entoure, conclut Christopher Thorstenson, psychologue à l’université de Rochester (États-Unis) et auteur principal. Ils font avancer les recherches sur la perception en mettant en évidence que la tristesse influence spécifiquement les processus visuels impliqués dans les perceptions des couleurs. »