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Entomophagie

Nutrition et environnement : « manger les insectes, ce n’est pas une solution miracle »

Par Mathilde Debry

Alors que la Commission européenne a autorisé pour cinq ans la mise d'insectes sur le marché alimentaire français, Monique Axelos, directrice scientifique Alimentation et Bioéconomie à l'INRAE, nous détaille les avantages et les inconvénients de la consommation de ces petits animaux. 

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- Mieux Vivre Santé : La Commission européenne vient de donner son feu vert à la mise sur le marché d’insectes comme aliments. De quels insectes s'agit-il ?

Monique Axelos - 4 espèces sont désormais autorisées en France : le ver de farine, le ver buffalo, le criquet migrateur et le grillon domestique.

On peut aujourd’hui les acheter et les consommer entiers ou sous forme de diverses farines.

- Est-ce obligatoire de mentionner leur présence dans la composition d’un aliment ?

Tout à fait, c’est obligatoire, tout comme il est également exigé par la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) d'indiquer que cela peut provoquer des allergies chez certaines personnes.

- Existe-t-il déjà des élevages d’insectes aujourd’hui en France ?

Oui, de petites sociétés s’y sont mises récemment, notamment pour nourrir les volailles ou les poissons.

- Quel goût les insectes ont-ils ?

Ils n’ont pas un goût prononcé et ne sentent rien de particulier, sauf quand on les assaisonne.

- Sont-ils intéressants d’un point de vue nutritif ?

Oui, car ce sont des aliments relativement riches, qui peuvent aider à combattre la dénutrition. D’abord parce qu’ils contiennent tous les acides aminés indispensables, alors que ce n’est pas le cas des céréales et des légumineuses.

Ensuite parce qu’ils apportent des lipides très intéressants pour l’organisme, comme l'acide linoléique, et des fibres insolubles excellentes pour la santé. Manger des insectes fournit également au corps des oligo-éléments essentiels (magnésium, zinc...) et beaucoup de protéines, ce qui peut aider à remplacer la viande.

Précisons tout de même que les apports nutritionnels varient en fonction des espèces et de leur alimentation.

- Et d’un point de vue environnemental ?

En élevage, les insectes consomment beaucoup moins d’eau que les autres animaux et génèrent moins de gaz à effet de serre.

Certaines espèces comme "les mouches soldats noires" permettent aussi de transformer les déchets organiques des villes en les mangeant. D’autres peuvent également attaquer certains parasites présents sur les plantes, donc permettre de se passer d’insecticides.

- En quelle quantité faut-il en manger ?

Pour avoir un réel impact nutritionnel, il faudrait que les insectes représentent 10 à 20% du régime alimentaire global, comme cela peut être déjà le cas dans certains pays africains ou asiatiques qui les consomment depuis très longtemps.

- Quels sont les freins à la consommation d’insectes en France ?

Cela ne fait tout simplement pas partie de nos habitudes culturelles. Parce qu’en soit, une crevette n’est pas plus appétissante qu’un insecte par exemple, mais nous la mangeons tout de même avec plaisir.  

- Peut-on parler d’une "solution miraculeuse" dans les domaines de la nutrition et de l’environnement ?

Non, car les insectes ne sont pas exempts de pathogènes potentiellement transmissibles à l’homme ou aux animaux, un risque sanitaire qui est encore mal connu aujourd’hui.

Et en matière de nutrition humaine, il faut avoir à l’esprit que les Français sont globalement déjà en excès de protéines aujourd’hui, donc que la plupart n’ont pas besoin d’en consommer davantage via les insectes.