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Les médicaments de l’obésité changent le regard sur l’arthrose

Longtemps vue comme une simple "usure" des articulations, l’arthrose révèle une dimension métabolique et inflammatoire. Les nouveaux traitements de l’obésité, comme le sémaglutide, ouvrent une piste inattendue pour soulager les patients.

Les médicaments de l’obésité changent le regard sur l’arthrose iStock/PORNCHAI SODA




L'ESSENTIEL
  • 10 millions de Français souffrent d'arthrose qui n'est pas seulement un problème mécanique dû à une usure du cartilage.
  • Mais l'arthrose est aussi une maladie métabolique et inflammatoire.
  • Les nouveaux médicaments de l'obésité, les GLP-1, pourraient devenir des traitements de fond de l'arthrose.

L’arthrose est la maladie articulaire la plus fréquente : environ 10 millions de Français en souffrent. On la décrit volontiers comme une conséquence inévitable du temps qui passe. Le cartilage s’use, l’os frotte, la douleur s’installe, et tôt ou tard vient l’heure de la prothèse de hanche ou de genou.

Mais cette vision est trop réductrice. L’arthrose n’est pas seulement un problème mécanique. C’est aussi une maladie métabolique et inflammatoire, influencée par le surpoids, l’alimentation et l’inflammation chronique de bas grade. Et c’est précisément dans ce champ qu’un nouveau type de médicaments change la donne.

Trois décennies sans vraie avancée

Depuis plus de trente ans, aucun médicament n’a réellement modifié l’histoire naturelle de l’arthrose. Les antalgiques comme le paracétamol et les anti-inflammatoires se contentent de calmer la douleur. Les infiltrations de corticoïdes ou d’acide hyaluronique apportent un soulagement provisoire. Quant aux molécules testées comme traitements de fond -le sprifermin, les anticorps anti-NGF, les modulateurs de la voie Wnt- elles n’ont pas réussi à convaincre, échouant sur l’efficacité clinique ou sur la sécurité d’emploi.

Résultat : pour des millions de patients, la seule perspective restait la chirurgie prothétique.

L’essai qui a surpris tout le monde

En 2024, un article du New England Journal of Medicine a bouleversé les certitudes. L’essai STEP-9 a suivi plus de 400 patients obèses atteints d’arthrose du genou. Ils ont reçu, pendant plus d’un an, soit du sémaglutide -connu sous les noms d’Ozempic ou de Wegovy- soit un placebo.

Les résultats ont été frappants. Les patients traités ont perdu en moyenne près de 14 % de leur poids corporel, contre seulement 3 % dans le groupe placebo. Mais au-delà de la perte de poids, leur douleur a nettement diminué : −41,7 points sur l’échelle WOMAC, contre −27,5 sous placebo. Leur mobilité et leur qualité de vie se sont améliorées de façon significative.

En résumé : moins de kilos, moins de douleur, plus de mouvement.

Une simple question de mécanique ?

Un kilo de perdu, c’est environ quatre kilos de pression en moins sur les genoux. La mécanique explique donc une bonne partie de l’amélioration. Mais la puissance de l’effet analgésique intrigue les spécialistes.

Le Pr Francis Berenbaum, chef du service de rhumatologie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, avance une autre explication : les agonistes du GLP-1 comme le sémaglutide n’agissent pas seulement sur la balance. Ils pourraient aussi moduler l’inflammation qui abîme le cartilage et entretient la douleur.

Le tissu adipeux, en particulier la graisse abdominale, produit en effet des molécules inflammatoires appelées adipokines. Ces substances accélèrent la dégradation du cartilage et sensibilisent les nerfs de l’articulation. Des études montrent que les récepteurs du GLP-1 existent dans les cellules du cartilage et de la membrane synoviale. Leur activation pourrait calmer l’inflammation locale.

Vers une « arthrose métabolique »

C’est une petite révolution conceptuelle. L’arthrose n’apparaît plus seulement comme une usure mécanique, mais comme une maladie métabolique liée au surpoids, au diabète, à la graisse viscérale et à l’inflammation chronique de bas grade.

Dans ce cadre, les médicaments de l’obésité -sémaglutide et tirzépatid- trouvent une place nouvelle. Ils font maigrir, ils améliorent le profil métabolique, et ils pourraient aussi calmer l’inflammation dans l’articulation.

Et demain ?

La recherche continue. L’essai STOP KNEE-OA, avec le tirzépatide, s’attaque à une question radicale : un médicament peut-il réduire ou retarder le recours à la prothèse totale de genou ? Les résultats sont attendus en 2026.

S’ils sont positifs, ce sera un tournant majeur : pour la première fois, un traitement pourrait non seulement soulager la douleur, mais aussi modifier le destin naturel de la maladie.

Ce qu’il faut retenir aujourd’hui

Les médicaments de l’obésité apportent un bénéfice clair aux patients obèses souffrant d’arthrose : perte de poids, diminution de la douleur, amélioration de la mobilité. On ne sait pas encore s’ils ralentissent la progression de la maladie ni s’ils permettront d’éviter les prothèses. Ils ne sont pas officiellement indiqués pour l’arthrose, mais ils ouvrent une piste passionnante, qui pourrait transformer le regard porté sur cette pathologie.

La parole aux experts

Pour Francis Berenbaum, il est temps de changer de paradigme : "L’arthrose doit être considérée comme une maladie métabolique. Les GLP-1 pourraient devenir les premiers traitements de fond, en modulant l’inflammation au-delà de la perte de poids."

L’arthrose n’est plus seulement une fatalité mécanique. Elle apparaît aussi comme une maladie du métabolisme, de la graisse et de l’inflammation. Et pour la première fois, des médicaments conçus pour l’obésité semblent capables de redonner espoir aux patients.

Ce n’est pas encore une guérison, ni une solution miracle. Mais c’est déjà une perspective nouvelle : et si perdre du poids, aidé par un traitement, c’était aussi une manière de redonner vie à ses articulations ?

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