- L’hypertension se contrôle : dans la majorité des cas, les traitements existants et une bonne hygiène de vie permettent de revenir à des chiffres corrects et de réduire le risque d’accident.
- L’hypertension résistante est rare mais grave : environ 1 patient hypertendu sur 10 ne répond pas bien aux traitements actuels. Ces patients restent exposés à un risque important d’AVC, d’infarctus ou d’insuffisance rénale.
- Le baxdrostat ouvre une nouvelle voie : ce médicament expérimental a montré qu’il pouvait faire baisser la tension chez ces patients résistants. Il n’est pas encore disponible, mais représente un espoir réel à confirmer par de nouvelles études.
C’est une annonce faite à Madrid, lors du congrès européen de cardiologie 2025, qui a résonné comme un signal d’espoir. L’étude KARDIA-3 a testé, chez environ 400 patients hypertendus résistants, un nouveau venu : le baxdrostat, un inhibiteur sélectif de l’aldostérone synthase.
Pour la première fois, cette stratégie a tenu ses promesses. En moyenne, la pression systolique a baissé de neuf à dix millimètres de mercure par rapport au placebo. Un chiffre qui peut paraître abstrait, mais qui en pratique est énorme : chaque millimètre gagné, c’est un risque réduit d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus.
Le professeur George Bakris, de l’Université de Chicago, qui présentait l’étude, l’a rappelé : "Pour ces patients, chaque millimètre de pression artérielle gagné compte. Avec le baxdrostat, nous observons une baisse significative qui s’ajoute au traitement de fond".
Pourquoi cette innovation est importante
Ce résultat ne change pas seulement les chiffres sur le tensiomètre. Il change le récit médical. Pour la première fois, un médicament bloque sélectivement la fabrication d’aldostérone, sans toucher au cortisol, une autre hormone essentielle. C’était l’écueil qui avait fait échouer toutes les tentatives précédentes.
Le docteur Luis Ruilope, cardiologue à Madrid, n’a pas caché son enthousiasme : "C’est la première fois que nous disposons d’une molécule qui inhibe l’aldostérone sans interférer avec le cortisol".
En clair, le baxdrostat réussit là où d’autres ont échoué.
Un enthousiasme mesuré
Pour autant, les experts appellent à la prudence. L’étude KARDIA-3 reste limitée : elle montre une baisse de la tension, mais elle ne dit pas encore si cela se traduira par moins d’AVC, moins d’infarctus, moins de décès. Le suivi est encore trop court pour juger de la sécurité endocrinienne à long terme.
Et l’hyperkaliémie (excès de potassium) n’a pas disparu, même si elle semble moins fréquente qu’avec la spironolactone.
Le professeur Michel Azizi, de l’Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris, a mis des mots justes sur cette situation : "Il est encore trop tôt pour parler de révolution. Mais c’est clairement la piste la plus solide depuis vingt ans dans l’hypertension résistante".
Pour les patients hypertendus, le message est double. La grande majorité peut être équilibrée avec les médicaments déjà disponibles, à condition de bien les prendre et d’adopter une hygiène de vie adaptée : alimentation moins salée, activité physique régulière, arrêt du tabac, modération de l’alcool.
Mais pour les 10 % qui restent en hypertension résistante, l’annonce de Madrid représente un vrai motif d’espoir. Le baxdrostat ne sera pas disponible tout de suite : il faudra attendre de nouvelles études, plus longues, qui vérifieront son efficacité sur les accidents cardiovasculaires et sa sécurité sur plusieurs années. Si tout se passe bien, une autorisation pourrait être envisagée vers 2026.
En attendant, la spironolactone reste utilisée, sous surveillance médicale étroite. Mais désormais, l’avenir semble moins bouché.
L'hypertension, une maladie silencieuse mais implacable
L’hypertension artérielle est souvent qualifiée de "tueur silencieux". Pourquoi ? Parce qu’elle s’installe sans bruit, sans symptômes spectaculaires, mais qu’elle ronge peu à peu les organes vitaux. Des chiffres trop élevés, jour après jour, usent les artères, fatiguent le cœur, abîment le cerveau et les reins. Résultat : plus d’accidents vasculaires cérébraux, plus d’infarctus, plus d’insuffisance cardiaque.
En France, plus de douze millions de personnes vivent avec une hypertension. Beaucoup ne le savent pas encore. D’autres, malgré le diagnostic, ne suivent pas correctement leur traitement, par oubli ou par découragement. Et pourtant, l’hypertension reste l’un des principaux facteurs de risque cardiovasculaire, responsable de milliers de décès prématurés chaque année.
Pourquoi la tension monte-t-elle ?
La tension artérielle n’est rien d’autre que la pression du sang sur la paroi des artères. Mais cette pression est le résultat d’un équilibre subtil : le volume de sang, la souplesse des artères, l’action de plusieurs hormones qui régulent sel et eau dans le corps. Dès qu’un des rouages s’enraye, la pression grimpe.
Chez certains, c’est une question de génétique : dans la famille, tout le monde est hypertendu. Chez d’autres, c’est le poids, le sel, la sédentarité, le stress ou simplement l’âge qui rend les vaisseaux plus rigides. Souvent, c’est un mélange de tout cela.
Des traitements qui ont changé la vie
Heureusement, depuis les années 1970, les traitements anti-hypertenseurs ont transformé la prise en charge. Grâce à plusieurs familles de médicaments, la majorité des patients voient leur tension se normaliser.
Les diurétiques éliminent l’excès de sel et d’eau. Les IEC et les ARA2 bloquent les hormones qui entretiennent la tension. Les inhibiteurs calciques relâchent les artères. Les bêtabloquants ralentissent le cœur. Souvent, il faut en associer deux ou trois, mais les résultats sont là : des millions de personnes ont gagné des années de vie grâce à ces comprimés quotidiens.
Mais il reste une impasse : l’hypertension résistante
Et pourtant, malgré tous ces progrès, un noyau dur d’environ un hypertendu sur dix reste hors de portée. Même avec trois médicaments différents, bien dosés, pris correctement, la tension demeure trop élevée. On parle alors d’hypertension résistante.
Ces patients-là cumulent les ennuis : obésité, diabète, insuffisance rénale. Ils sont exposés à un risque particulièrement élevé d’accident cardiovasculaire. Pour eux, chaque millimètre de pression en trop compte.
Jusqu’ici, une seule arme s’était révélée efficace : la spironolactone. Un vieux médicament, utilisé depuis des décennies, qui agit en bloquant l’action de l’aldostérone, une hormone qui pousse l’organisme à retenir sel et eau. Oui, la spironolactone marche. Mais elle est loin d’être parfaite. L’excès de potassium qu’elle peut provoquer inquiète, surtout chez les patients aux reins fragiles. Et ses effets hormonaux – gynécomastie (augmentation du volume des seins) chez l’homme, troubles menstruels chez la femme – sont souvent mal tolérés.
Depuis vingt ans, les chercheurs rêvent d’aller plus loin : bloquer non pas l’action de l’aldostérone, mais sa fabrication. Mais tous les essais se sont soldés par des échecs : molécules trop toxiques, pas assez spécifiques, ou décevantes sur la baisse de tension.
Un quart d’heure d’avance pour l’hypertension
L’étude KARDIA-3 restera comme l’un des temps forts de l’ESC 2025. Elle redonne une perspective à une catégorie de patients qui se sentaient condamnés à l’échec thérapeutique.
Le baxdrostat n’est pas encore une révolution. Mais il marque un tournant : la preuve qu’il est possible de cibler l’aldostérone synthase de façon efficace et tolérable.
Pour les patients, cela veut dire qu’un nouveau traitement pourrait bientôt rejoindre l’arsenal contre l’hypertension résistante. Et pour tous les autres, c’est un rappel précieux : l’hypertension se contrôle, chaque millimètre de mercure compte, et les progrès de la recherche continuent de tracer des chemins d’espoir.


