- L’ivermectine, utilisée comme antiparasitaire, est présentée à tort sur les réseaux sociaux comme un remède miracle contre de nombreuses maladies, dont le cancer ou certaines pathologies auto-immunes.
- Les experts rappellent que ces allégations sont infondées et que l’automédication peut être dangereuse.
- Il n’existe aucune preuve scientifique de ces usages détournés, et les effets secondaires peuvent être graves, voire mortels.
Sur les réseaux sociaux, l'ivermectine continue de faire parler d'elle. Présentée comme un traitement aux multiples vertus, cette molécule antiparasitaire est aujourd'hui au cœur d'une vague de désinformation. De nombreux internautes, relayant des messages viraux en France et dans toute l'Europe, lui attribuent des capacités hors normes : solution contre le cancer, régénération des nerfs, régulation de l'insuline et du cholestérol, traitement des maladies auto-immunes comme la maladie de Crohn... Pourtant, toutes ces affirmations sont infondées, voire dangereuses, expliquent des experts à l’AFP.
Un antiparasitaire détourné de son usage
Mise en lumière durant la crise du Covid-19, l'ivermectine a d'abord été testée sans succès contre le virus. Depuis, elle est devenue l’emblème de certaines théories complotistes selon lesquelles ses prétendus effets seraient dissimulés par les autorités sanitaires et l'industrie pharmaceutique (la "Big Pharma"). "L'utilisation de l'ivermectine n'est pas indiquée pour les affections mentionnées [sur les réseaux sociaux],", tranche le Dr Markus Zeitlinger, de l'Université de Vienne (Autriche). De fait, l'Agence européenne des médicaments (EMA) rappelle que ce traitement n'est approuvé que pour certaines parasitoses et affections cutanées, comme précisé sur le site de référence Vidal.
"Si l'ivermectine était réellement adaptée au traitement des maladies mentionnées, alors les essais cliniques correspondants existeraient et les préparations respectives auraient été approuvées", affirme Akos Heinemann, de l'Université de médecine de Graz (Autriche). "L'industrie pharmaceutique ne manquerait certainement pas cette opportunité."
Certaines publications vont jusqu'à recommander l'achat d'ivermectine auprès d’un cabinet vétérinaire pour se l’auto-administrer. Un geste potentiellement mortel, selon le gendarme américain de la santé, la FDA, qui met en garde contre les risques d’effets secondaires parfois graves : nausées, hypotension artérielle, allergies, convulsions, coma, voire décès. "Prescrire ou prendre de l'ivermectine en dehors de ses indications approuvées relève d'une négligence grave", avertit Akos Heinemann, pharmacologue à l'Université de Graz.
Des pistes de recherche, pas des preuves
Sur les réseaux sociaux, certains internautes affirment même que l'ivermectine tue "les cellules cancéreuses résistantes à la chimiothérapie" et "supprime la prolifération et les métastases des cellules cancéreuses". La molécule fait certes l'objet de quelques recherches in vitro sur le cancer, mais les résultats obtenus chez la souris ne peuvent être appliqués à l'humain, comme l'avait déjà expliqué l'AFP dans un récent article.
"Affirmer que l’ivermectine est efficace pour guérir les cancers est certes mensonger ou fantaisiste et ne s’appuie sur aucune donnée scientifique", selon le Pr Claude Linassier, de l’Institut national du cancer. "C’est dangereux, car ces fausses informations recommandent des posologies inhabituelles et donc toxiques", alerte le spécialiste. Il rappelle enfin que l'idée selon laquelle l'ivermectine bloquerait les effets des vaccins à ARNm est dénuée de fondement scientifique.