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Cerveau

Pourquoi éternue-t-on ?

Par Jean-Guillaume Bayard

Lorsqu’une substance particulière pénètre dans les voies aériennes supérieures, cela libère une molécule qui va se fixer sur des neurones qui donnent le signal d’éternuement.

sebarnes/iStock
La molécule neuromédine B, ou NMB, a été identifié comme étant responsable de la transmission de signaux d'éternuement aux cellules nerveuses.
En ciblant le NMB ou son récepteur, il serait alors possible de limiter la propagation chez les personnes infectées en limitant leurs éternuements.

Éternuer est un réflexe humain important qui permet d’expulser des particules, des agents irritants ou encore pathogènes. Il ne faut pas se retenir, notamment pour prévenir certaines maladies comme Alzheimer. Le mécanisme sous-jacent qui provoque l’éternuement reste mal compris. Pour le percer à jour, des chercheurs américains de la faculté de médecine de l’université de Washington à Saint-Louis ont étudié ce phénomène. Ils ont publié une étude le 15 juin dans la revue Cell dans laquelle ils décrivent le processus biologique qui mène à l'éternuement et mettent en évidence le rôle clé joué par une molécule spécifique.

La neuromédine B, molécule clé de l’éternuement

Les éternuements sont le moyen le plus puissant et le plus courant pour propager des gouttelettes infectieuses provenant d'infections respiratoires. “Mieux comprendre ce qui nous fait éternuer - en particulier comment les neurones se comportent en réponse aux allergènes et aux virus - peut indiquer des traitements capables de ralentir la propagation des maladies respiratoires infectieuses via les éternuements”, estime Qin Liu, professeur d’anesthésiologie et auteur principal de l’étude. La région du système nerveux central qui provoque l'éternuement a déjà été identifié mais le fonctionnement du réflexe d'éternuement au niveau cellulaire et moléculaire est, lui, resté mystérieux.

Les chercheurs ont mené des expériences sur des souris afin d’identifier le processus qui conduit à l’éternuement. Pour cela, ils les ont exposées à des gouttelettes en aérosol contenant soit de l'histamine soit de la capsaïcine, un composé piquant fabriqué à partir de piments. Sans surprise, les deux produits ont provoqué des éternuements chez les rongeurs. En examinant des cellules nerveuses déjà connues pour réagir à la capsaïcine, les scientifiques ont découvert une classe de petits neurones liés aux éternuements. Ils ont ensuite recherché des molécules, appelées neuropeptides, capables de transmettre des signaux d'éternuement à ces cellules nerveuses. Cela leur a permis de s’apercevoir du rôle clé joué par la molécule neuromédine B (NMB). Par ailleurs, en éliminant les neurones sensibles au NMB, ils ont constaté que cela bloquait le réflexe d'éternuement.

Une connexion avec les cellules de la respiration

Il est intéressant de noter qu'aucun de ces neurones provoquant des éternuements n’est logé dans l'une des régions connues du tronc cérébral liées à la respiration, s'est étonné Qin Liu. Bien que nous ayons découvert que les cellules provoquant des éternuements se trouvent dans une région du cerveau différente de celle qui contrôle la respiration, nous avons également constaté que les cellules de ces deux régions étaient directement connectées via leurs axones, le câblage des cellules nerveuses.”

Au cours de leurs expériences, les chercheurs ont également constaté qu’ils étaient capables de stimuler le réflexe d'éternuement en exposant une partie du cerveau de la souris au peptide NMB. Les souris se sont mises à éternuer bien qu’elles n’aient pas été exposées à la capsaïcine, l'histamine ou à d'autres allergènes.

Contrôler les éternuements pour limiter la propagation d’agents pathogènes

Pour les chercheurs, cette découverte n’est pas que symbolique et peut avoir des résonances en matière de prévention de santé. De nombreux virus et autres agents pathogènes, notamment le SARS-CoV-2, se propagent en partie par des gouttelettes en aérosol qui peuvent être expulsées par un éternuement. En ciblant le NMB ou son récepteur, il serait alors possible de limiter la propagation chez les personnes infectées. 

Un éternuement peut créer 20 000 gouttelettes contenant des virus qui peuvent rester dans l'air jusqu'à 10 minutes, assure le chercheur. En revanche, une toux produit plus de 3 000 gouttelettes, soit à peu près le même nombre produit en parlant pendant quelques minutes. Pour prévenir de futures épidémies virales et aider à traiter les éternuements pathologiques causés par des allergènes, il sera important de comprendre les voies qui provoquent les éternuements afin de les bloquer. En identifiant les neurones médiateurs du réflexe d'éternuement, ainsi que les neuropeptides qui activent ces neurones, nous avons découvert des cibles qui pourraient conduire à des traitements des éternuements pathologiques ou à des stratégies pour limiter la propagation des infections.”