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L'entretien du week-end

Essoufflement, fatigue, fibrose, perte de l'odorat... : "Tout le monde peut être atteint de séquelles à long terme de la Covid-19"

Par Mathilde Debry

Le pneumologue Didier Debieuvre, chef de service à l’hôpital Émile Muller de Mulhouse, nous livre ses connaissances sur les séquelles à long terme de la Covid-19, et conseille les personnes qui en souffrent.

Biserka Stojanovic / istock.

Pourquoi docteur - Constatez-vous des séquelles pulmonaires à long terme de la Covid-19, et si oui lesquelles ? 

Didier Debieuvre - Effectivement, nous avons constaté des séquelles pulmonaires à moyen et long terme de la Covid-19, lors du suivi effectué à 3 et 6 mois après l’épisode aigu et la sortie de l’hôpital. On constate des évolutions vers des fibroses pulmonaires, mais surtout des déficits ventilatoires, avec des patients qui restent essoufflés rapidement pendant l’effort, et des désadaptations à l’effort, avec altération des échanges gazeux pulmonaires*.

Quelles sont les évolutions de ces séquelles ? 

Pour l’instant, nous n’avons pas analysé toutes les données de notre étude de suivi SISCOVID. L’état des patients a tendance en général à s’améliorer au fil du temps, mais la persistance de séquelles à très long terme (au-delà d’un an) est inconnue. Certains patients mettent du temps à récupérer sur le plan respiratoire et nécessitent un suivi plus long. Le risque de séquelle définitive existe, avec handicap respiratoire.

Y a-t-il des profils plus concernés que d’autres par les séquelles pulmonaires à long terme ? 

Au cours de mes consultations, je n’ai pas noté de profil particulier de patients qui avaient plus de séquelles pulmonaires que d’autres. Il y a des personnes qui sont obèses et qui récupèrent très vite de la Covid-19, et d’autres qui n’ont pas de problème de poids mais pourtant des difficultés respiratoires persistantes à long terme. Cependant, la durée de séjour en réanimation est un facteur de risque indiscutable de séquelle à long terme respiratoire et neuromusculaire.

Découvrez-vous d’autres types de séquelles à long terme laissées par la Covid-19 ?

Tout à fait. Il y a d’abord la fatigue ou faiblesse musculaire, qui peut persister pendant des mois alors que les explorations fonctionnelles respiratoires sont strictement normales, et que le test de marche ne montre pas de désaturation à l’effort. Elle témoigne souvent d’une fonte musculaire et d’une désadaptation à l’effort.

La perte et la modification du goût et surtout de l’odorat reviennent également très souvent chez mes patients, avec parfois des fluctuations dans le temps. La sensation de sentir des odeurs désagréables m’a aussi été rapportée.

Concernant le brouillard intellectuel persistant et les pertes de mémoire, je n’ai pas vu de patients qui m’en ont parlé, mais ces séquelles ont été notées par d’autres collègues.

Psychologiquement enfin, c’est difficile, surtout pour ceux qui sont limités dans les efforts et ne peuvent plus faire les mêmes activités qu’avant.

Tous ceux qui ont attrapé la covid-19 peuvent-ils avoir des séquelles à long terme ? 
Oui, on voit par exemple des patients qui ont été peu atteints par la Covid-19, sans séjour en réanimation ou besoin d’oxygène, et qui gardent une fatigabilité très longtemps après avoir contracté le Sars-CoV-2.

Ces séquelles sont-elles handicapantes dans la vie de tous les jours ?

C’est handicapant au quotidien, notamment la fatigue, qui empêche parfois une reprise du travail, surtout chez les professions avec des efforts physiques à réaliser.

Qu’est-ce que vous proposez aux patients qui souffrent de séquelles à long terme de la Covid-19 ?

Les pneumologues leur proposent une réhabilitation à l’effort, avec des exercices conduits par des kinés et des éducateurs sportifs, ainsi qu’une prise en charge psychologique et nutritionnelle si nécessaire, car on constate parfois une fonte musculaire importante (sarcopénie).

Que conseillez-vous aux personnes qui souffrent de séquelles à long terme de la Covid-19 ? 

Ils ne doivent pas rester avec leur mal-être et être suivis, soit par leur médecin, soit par un spécialiste. Si, au bout de huit semaines, la fatigue, la gêne respiratoire ou la perte de mémoire, du goût et de l’odorat persistent, il faut consulter. Tout essoufflement qui persiste à 3 mois de l’infection Covid-19 doit conduire à une consultation vers un pneumologue pour une évaluation respiratoire.

Avec le recul, pensez-vous que la Covid-19 est une maladie essentiellement respiratoire ?

Le Sars-CoV-2 est un virus à tropisme respiratoire, avec une phase aiguë avant tout respiratoire, et une détresse respiratoire amenant au décès. La Covid-19 est donc bien une maladie infectieuse respiratoire, avec des séquelles respiratoires, mais pas que. Elles peuvent aussi être musculaires, neurologiques, cardiaques, etc… et nécessitent des investigations.
 
Le nouveau variant britannique du Sars-CoV-2 vous inquiète-t-il ? 

C’est inquiétant, parce que les informations qui nous viennent de Grande-Bretagne disent que ce variant est beaucoup plus contagieux, et donc que la transmission se fait de manière plus importante qu’avec le virus initial. Il y a donc un risque majoré de cas graves et de saturations des hôpitaux, qu’il faut contrer avec les gestes barrières et la vaccination, a priori efficace contre le variant britannique. Personnellement, je me suis fait vacciner hier matin, même si j’ai fait la Covid-19 au mois de mars. Les soignants, particulièrement les médecins, doivent être un exemple pour aider à tordre le cou aux complotistes et aux antivaccins, et montrer à la population l’innocuité de ce vaccin. La vaccination est le seul moyen de pouvoir retrouver rapidement une vie normale sans confinement ou couvre-feu.

Il faut rester vigilant au regard de ce qui se passe en Grande-Bretagne, et ne pas faire la même erreur que lors de la première vague, où l’on est resté longtemps sans rien faire, pensant être meilleurs que les Italiens. Nous n’échapperons sans doute pas à un nouveau confinement.

* Plus de résultats seront présentés lors du CPLF 2021