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Coronavirus

La Covid touche plus sévèrement ceux qui possèdent un gène de Neandertal

Par Jean-Guillaume Bayard

Les porteurs d’un fragment de chromosome identique à celui trouvé sur plusieurs fossiles néandertaliens ont un risque multiplié par trois de développer une forme grave d’infection à la Covid-19.

gorodenkoff/iStock
Entre 1 et 5% de notre ADN nous vient du Neandertal.
C'est le chromosome 3 qui a été découvert comme facteur de risque de développer une forme grave d'infection à la Covid-19.

Notre corps humain actuel est le fruit de siècles d’évolution et porte en lien des gènes issus de l’homme de Neandertal. Plusieurs assurent même qu’entre 1 et 5% de notre ADN nous provient de cet ancêtre. Dans la crise sanitaire actuelle, cet héritage apparaît plutôt comme une mauvaise nouvelle puisqu’un fragment chromosomique issu du Neandertal multiplierait par trois les risques de développer une forme sévère de détresse respiratoire. Ce fragment est présent dans 50 % de la population d’Asie du Sud, chez 16 % des Européens mais quasiment absent chez les populations africaines. Cette conclusion est le résultat d’une étude menée par des chercheurs allemands et suédois qui a été publiée le 30 septembre dans la revue Nature.

Le chromosome 3 concerné

Les chercheurs se sont fondés sur deux recherches précédentes qui ont étudié les facteurs de risques génétiques associés aux formes sévères de Covid-19. Dans la première étude, parue dans le New England Journal of Medicine, les chercheurs ont mis la lumière sur deux chromosomes, les numéros 3 et 9, qui sont plus présents chez les patients qui ont développé une forme sévère d’infection à la Covid-19. La seconde étude sur laquelle se sont appuyés les chercheurs est allée plus loin et a permis d’écarter la région du chromosome 9 et de confirmer le rôle du chromosome numéro 3 chez les cas graves d’infection au SARS-CoV-2. Celle-ci a été réalisée par la Covid-19 Host Genetics Initiative.

Les deux chercheurs qui ont mené la nouvelle étude, Svante Pääbo, qui travaille à l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste, et de son collègue Hugo Zeberg de l’Institut Karolinska, à Stockholm, se sont intéressés aux gènes de cette région du chromosome. Ils ont regardé et l’ont retrouvé en deux exemplaires dans le génome du fossile néandertalien Vindija 33.19, qui a vécu dans l’actuelle Croatie il y a 50 000 ans. Ils l’ont également trouvé chez deux autres Néandertaliens, Altai et Chagyrskaya, originaires tous deux du sud de la Sibérie et âgés respectivement de 120 000 et 50 000 ans.

Dix ans de plus que l’âge réel

Ce fragment de chromosome nous a bien été légué par le Neandertal mais à des degrés divers en fonction des populations. S’il est quasiment inexistant en Afrique, il touche un Asiatique sur deux et un Européen sur 2. Les plus concernés sont les habitants du Bangladesh où 63 % de la population possède au moins une copie du variant à risque et 13 % deux exemplaires sur la paire de chromosomes 3. Une réalité appuyée par une étude britannique qui a montré que les personnes originaires du Bangladesh en Grande-Bretagne ont un risque deux fois plus élevé de mourir de la Covid-19. 

Ces résultats montrent que d’autres facteurs que l’âge favorisent le développement de formes graves. “L’âge reste le facteur de risque principal de gravité du Covid-19, précise Svante Pääbo. Pour mettre les risques en perspective, si vous êtes porteur d’une copie du variant néandertalien, c’est un peu comme si vous aviez dix ans de plus que votre âge réel, et vingt ans de plus avec deux copies.