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Exposition précoce à la testostérone

Les femmes ayant un frère jumeau rencontrent plus de difficultés dans la vie

Par Raphaëlle de Tappie

Parce qu'elles ont été exposées à la testostérone de leur frère dans l'utérus de leur mère, les femmes ayant un jumeau connaissent plus de difficultés (financières, sentimentales ou académiques) que les autres en vieillissant. 

katrinaelena/iStock

Si vous êtes une femme et que avez un jumeau, cette étude va probablement vous faire froid dans le dos. Les femmes qui ont partagé l’utérus de leur mère avec un jumeau mâle auraient plus problèmes que les autres dans la vie. D’après une étude norvégienne parue dans la revue spécialisée Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) le 18 mars, ces difficultés seraient aussi bien académiques que financières et amoureuses.

Pour en arriver à cette triste conclusion, les chercheurs de l’Université du Nord et l’Ecole d’Economie de Norvège ont examiné les données concernant toutes naissances de jumeaux ayant eu lieu dans leur pays entre 1967 et 1978.

Conclusion : les femmes ayant partagé l’utérus de leur mère avec un jumeau mâle étaient moins susceptibles de finir le lycée (-15,2%), leurs études supérieures (-3,9%) ou même de se marier (-11,7%). Elles présentaient également un taux de fertilité plus bas (-5,8%) et des revenus inférieurs (-8,6%) à ceux des femmes ayant une jumelle. Contrairement aux filles, les jumeaux n’étaient pas impactés par le fait d’avoir partagé l’utérus de leur mère avec une jumelle.

La première étude d’une telle ampleur sur ce sujet  

"Personne n’avait encore été capable d’étudier comment les jumeaux mâles infectaient leur jumelle à une échelle aussi large", commente Krzysztof Karbownik, un économiste chercheur à la Northwestern University's Institute for Policy Research (IPR) ayant participé à ces travaux. "C’est la première étude à suivre les gens pendant plus de trente ans, de la naissance à l’âge adulte, pour montrer qu’être exposé dans l’utérus à un jumeau mâle quand on est une fille a une influence importante sur les revenus, les études et le taux de fertilité", poursuit-il.

Cette étude soutient donc l’hypothèse déjà avancée selon laquelle les femmes ayant partagé l’utérus de leur mère avec un frère jumeau sont exposées à plus de testostérone dans l’utérus via le liquide amniotique, ce qui aurait à terme des incidences sur leur comportement.

"C’est une histoire biologique de différences de sexe", explique David Figlio, doyen de l’Université qui a participé à l’étude. "Nous ne montrons pas que les femmes exposées sont nécessairement plus « comme des hommes", mais nos découvertes appuient l’idée qu’une exposition passive à de la testostérone pré-natale change l’éducation de la femme, son positionnement sur le marché du travail et ses taux de fertilité », poursuit-il.  

L’éducation joue bien évidemment aussi un rôle  Si de précédentes études, plus modestes, avaient déjà montré qu’une telle exposition à des hormones du sexe opposé pouvait engendrer des changements durables dans le comportement, il a également déjà été prouvé que les effets de la socialisation (être une fille élevée avec un frère jumeau) avaient un impact sur le long terme. Pour séparer les effets de la testostérone fœtale de l’éducation, les chercheurs ont donc réitéré leurs travaux en se concentrant uniquement sur les femmes dont le jumeau (fille ou garçon) était mort peu après la naissance et qui avaient donc été élevées seules. Cela ne faisait aucune différence. Preuve est-il donc que ces différences comportementales sont plus dues à une exposition pré-natale à la testostérone qu’à l’acquis.  

Des sociétés en pleines mutations   

Pas de panique toutefois Mesdames : il est possible que des effets positifs découlent également de cette exposition précoce à la testostérone, nuance l’étude. Par ailleurs, "toutes les femmes ne seront pas affectées de la même façon et certaines jumelles ne le seront pas du tout", est-il noté. Qui plus est, étant donné les bouleversements sur le genre actuellement en cours dans le monde, les impacts à long terme de cette hormone pourraient bientôt s’intégrer à de nouvelles normes sociétales.  

"Il est important d’insister sur le fait que nos découvertes s’appliquent à la société norvégienne au cours de l’époque de l’étude mais ne s’appliquent peut-être pas de la même manière dans d’autres sociétés ou pays", explique Christopher Kuzawa, co-auteur de ces travaux. Et de développer : "Par exemple, si les normes du genre changent selon les sociétés, l'acceptation d'un éventail plus large de comportements pourrait minimiser les effets ultérieurs sur des résultats tels que l'achèvement des études ou un mariage".  

Car en effet, le monde a bien changé depuis la fin de cette étude. Depuis 1980, le nombre de naissances de jumeaux a quasiment doublé du fait d’accouchements plus tardifs et d’un recours de plus en plus courant à la fécondation in vitro. Par conséquent, le nombre de femmes ayant été exposées à de la testostérone de leur jumeau dans l’utérus de leur mère a également augmenté. Malgré tout, "nous ne nous positionnons certainement pas contre l’usage de la FIV", note Krzysztof Karbownik, rappelant qu’il s’agit "d’un choix complexe décidé par de nombreux facteurs personnels".