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Particules fines, dioxyde d'azote, ozone

La pollution de l’air est responsable de 8,8 millions de décès par an dans le monde

Par Charlotte Arce

Une nouvelle étude européenne vient de réévaluer à la hausse le nombre de décès liés à la pollution atmosphérique. En 2015, 8,8 millions de personnes sont décédées dans le monde des conséquences de la pollution de l’air. 

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À l’échelle mondiale, ce ne sont pas 4,5 millions de personnes qui décèdent chaque année des conséquences de la pollution de l’air, mais près 8,8 millions.

C’est l’inquiétant constat émis par une nouvelle étude européenne publiée dans la revue European Heart Journal. Selon ses auteurs, les précédentes estimations des décès liés à la pollution atmosphériques sont non seulement erronées, mais aussi clairement sous-évaluées. "Le nombre de décès dus aux maladies cardiovasculaires attribuables à la pollution atmosphérique est beaucoup plus élevé que prévu. Rien qu'en Europe, le nombre de décès excédentaires est de près de 800 000 par an et chacun de ces décès représente une réduction moyenne de l'espérance de vie de plus de deux ans", s’alarme le professeur Thomas Münzel, co-auteur de l'étude et membre du département de cardiologie du centre médical universitaire de Mayence, en Allemagne.

"Pour mettre ça en perspective, cela signifie que la pollution de l'air cause plus de décès supplémentaires par an que le tabagisme, dont l'Organisation mondiale de la santé estime qu'il est responsable de 7,2 millions de décès supplémentaires en 2015. Fumer est évitable, mais la pollution de l'air ne l'est pas", poursuit le chercheur.

790 000 décès supplémentaires chaque année en Europe

En utilisant une nouvelle méthode de modélisation des effets des différentes sources de pollution de l’air extérieur sur les taux de mortalité, les chercheurs ont ainsi estimé que la pollution avait causé 790 000 décès supplémentaires dans toutes l’Europe en 2015, dont 659 000 dans les 28 États de l’Union européenne. Entre 40 et 80% de ces décès étaient dus à des maladies cardiovasculaires, telles que des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux. La pollution atmosphérique a causé deux fois plus de décès dus aux maladies cardiovasculaires que de maladies respiratoires.

C’est donc bien plus que les estimations faites en octobre dernier par l’Agence européenne de l’environnement (AEE). Dans son rapport annuel, celle-ci estimait que la pollution aux particules très fines (PM2,5), au dioxyde d’azote et à l’ozone était responsable de 518 000 décès en Europe, dont 480 000 dans les 28 pays de l’UE.

En utilisant cette nouvelle méthode de modélisation, les chiffres sont encore plus accablants. Les chercheurs ont ainsi constaté que la pollution de l’air était responsable de 120 décès supplémentaires par an pour 100 000 habitants. En Europe, ces chiffres sont encore plus élevés : le taux de mortalité excédentaire est estimé à 154 pour 100 000 habitants en Allemagne, à 136 en Italie, à 150 en Pologne, à 98 au Royaume-Uni et de 105 en France, avec une réduction de l’espérance de vie estimée à 1,6 an. "Le nombre élevé de décès supplémentaires causés par la pollution atmosphérique en Europe s'explique par la combinaison d'une mauvaise qualité de l'air et d'une population dense, ce qui conduit à une exposition qui est parmi les plus élevées au monde", analyse le professeur Jos Lelieveld, de l'Institut Max-Plank de chimie de Mayence et de l'Institut chypriote de Nicosie à Chypre.

De l’urgence d’une politique européenne contre la pollution de l’air

Pour les auteurs de l’étude, il est urgent que les gouvernements nationaux et les agences internationales agissent pour réduire la pollution de l’air. Ils estiment ainsi qu’il faut réévaluer la législation sur la qualité de l’air en abaissant les limites actuelles fixées par l’Union européenne.

C’est notamment le cas pour la pollution aux particules très fines PM2,5, considérées comme la principale cause des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Actuellement, la limite annuelle moyenne de PM2,5 dans l'UE est de 25 µg / m3 (microgrammes par mètre cube), ce qui est 2,5 fois plus élevé que la recommandation de l'OMS, qui préconise 10 µg / m3. Même à ce niveau, plusieurs pays européens dépassent régulièrement la limite.

Il est aussi urgent de "passer rapidement à d’autres sources de production d’énergie" que celle résultant de la combustion d’énergies fossiles. "Lorsque nous utilisons une énergie propre et renouvelable, nous ne faisons pas que remplir l’accord de Paris pour atténuer les effets du changement climatique, nous pourrions également réduire les taux de mortalité liés à la pollution atmosphérique en Europe jusqu’à 55%", insiste le Pr Lelieveld, qui milite aussi pour une limitation des émissions de particules fines liées à l’agriculture.