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Nouvelle cible thérapeutique

Alzheimer : la baisse du débit sanguin dans le cerveau pourrait (enfin) expliquer la maladie

Par Charlotte Arce

La baisse du débit sanguin pourrait expliquer les premières phases du développement de la maladie d’Alzheimer. En cause : le dépôt de globules blancs sur la paroi de très petits vaisseaux sanguins.

selvanegra/iStock

Première maladie neurodégénérative la plus fréquente du système nerveux, la maladie d’Alzheimer touche aujourd’hui environ 900 000 personnes en France. Toujours incurable malgré les progrès faits par la recherche, elle se caractérise par une perte de mémoire, mais aussi par une diminution des capacités fonctionnelles.

Si jusqu’ici, la communauté scientifique s’entend pour imputer aux plaques amyloïdes qui s’accumulent au niveau des neurones d'être responsables de l’altération des fonctions mentales des malades, de nouveaux travaux ont une nouvelle approche.

Menés par des chercheurs de l’Institut de mécanique des fluides (CNRS-Université Paul Sabatien-INP) à Toulouse et de l’Université de Cornell aux États-Unis, ces nouveaux travaux mettent en lumière le rôle du débit sanguin cérébral dans le développement de la maladie d’Alzheimer.

Les neutrophiles impliqués dans le développement de la maladie

Réunis au sein du projet BrainMicroFlow, les chercheurs, dirigés par les Pr Nozomi Nishimura et Chris Schaffer ont analysé sur un modèle d'expérimentation animale le débit sanguin cérébral. "Nous avons recherché la cause de la baisse de débit sanguin chez des souris en scrutant leur vascularisation cérébrale à l’aide d’une technique d'imagerie cellulaire (la microscopie par excitation à deux photons) qui permet de distinguer in vivo le flux sanguin jusque dans les petits capillaires (les plus fins et plus petits vaisseaux sanguins , NDLR) et ce, sur toute l’épaisseur du cortex", explique Sylvie Lorthois, directrice de recherche du CNRS à l’institut de mécanique des fluides de Toulouse et co-auteure de l’étude.

Les chercheurs ont alors constaté que chez les souris souffrant de la maladie d’Alzheimer, le flux sanguin était interrompu dans de nombreux capillaires du cortex cérébral, comparativement aux souris saines. Ce débit sanguin plus faible s’explique par le dépôt sur les capillaires, de globules blancs appelés neutrophiles. Les plaques amyloïdes n’étaient en revanche pas concentrées au niveau des capillaires et apparaissent plus tard dans le développement de la maladie.

Une nouvelle approche thérapeutique

Les scientifiques ont poursuivi leurs travaux en laboratoire et ont découvert que l’injection d’anticorps spécifiques des neutrophiles permettait non seulement de déboucher les capillaires, mais aussi de faire disparaître ces agrégats de globules blancs, permettant ainsi d’augmenter le flux sanguin dans le cortex cérébral.

"Nous n’avons pas détruit les neutrophiles, mais nous les avons empêchés de s’accrocher aux parois. Cela a permis aux souris de retrouver très vite leur capacité", explique à 20 Minutes Sylvie Lorthois. En effet, l’injection d’anticorps spécifiques a permis d’améliorer significativement les capacités cognitives des souris modèles, notamment la mémorisation spatiale à court terme. Après administration de l’anticorps tous les trois jours pendant trois mois, les neutrophiles avaient disparu et les souris présentaient les mêmes capacités cognitives que les souris saines.

Cette découverte ouvre désormais la voie à une autre approche thérapeutique de la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs poursuivent leurs travaux pour empêcher l’adhérence des neutrophiles aux capillaires du cortex cérébral et ainsi empêcher le développement d’autres maladies neurodégénératives comme Parkinson. "L’idée est aussi de voir quels sont les signaux microscopiques lorsque ces capillaires sont bloqués, que nous pourrions identifier comme une signature. Si on découvre quels sont les phénomènes précoces existants, cela permettra de faire un traitement plus efficace plus tôt", conclut Sylvie Lorthois.