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Controverse

Baclofène : l’Agence du médicament rend un avis défavorable à sa commercialisation

Par Charlotte Arce

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a rendu ce jeudi un avis défavorable pour la commercialisation du Baclofène comme traitement de l’alcoolisme. Le médicament pourra toutefois être encore prescrit, sous certaines conditions.

KatarzynaBialasiewicz/iStock

Face à la controverse qui entoure la commercialisation du Baclofène, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a tranché. Ce jeudi 5 juillet, une commission d’experts a rendu un avis défavorable pour la commercialisation du médicament du laboratoire Ethypharm dans le traitement de l’alcoolisme. Celui-ci pourra toutefois continuer à être utilisé par les alcoolo-dépendants, sous certaines conditions.

La décision finale d’accorder ou non l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du Baclofène revient toutefois à l’ANSM, qui a fait savoir qu’elle sera connue "au plus tôt à la rentrée".

De 300 à 80 mg par jour

Initialement prescrit comme relaxant musculaire dans le cadre d’un traitement contre la sclérose en plaques, le Baclofène a peu à peu été utilisé afin de traiter l’alcoolisme. En 2014, l’ANSM avait même émis une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) afin que le Baclofène puisse continuer à être prescrit aux personnes alcoolo-dépendantes. Cette autorisation reste valide jusqu’en mars 2019.

La controverse qui entoure l’utilisation du Baclofène comme traitement de l’alcoolisme a notamment commencé en juillet 2017, lorsque l’ANSM a publié une étude coréalisée par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) et l’Inserm, concluant que le niveau de sécurité du médicament est "préoccupant" lorsqu’il est utilisé à forte dose chez les personnes alcooliques. Dans la foulée, l’ANSM a réduit la dose de prescription à 80 mg par jour, contre 300 mg auparavant "compte tenu du risque accru d’hospitalisation et de décès".

C’est d’ailleurs dans le cadre de doses réduites que l’Agence du médicament propose de maintenir son autorisation d’utilisation du Baclofène. Elle l’envisage "après échec des thérapeutiques disponibles avec l'objectif d'une réduction de la consommation d'alcool jusqu'à un niveau de consommation à faible risque (inférieur ou égal à 40 g/j pour les hommes et inférieur ou égal à 20g/j pour les femmes). Le médicament pouvant être prescrit, par tout médecin jusqu'à la posologie de 80 mg/jour".

Au-delà de cette dose, "le prescripteur doit systématiquement proposer au patient une évaluation et une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée en addictologie, compte tenu notamment d’une augmentation de la fréquence des effets indésirables graves avec l’augmentation des doses", précisent les experts.

Un suivi psychothérapeutique indispensable

La commission d’experts se charge aussi de recommander à tout patient prenant du Baclofène de se tourner vers "une prise en charge psychothérapeutique et/ou psychocorporelle et/ou sociale, systématique". Il est aussi nécessaire d’orienter le patient pour avis ou suivi vers un médecin psychiatre s’il présente des troubles psychiatriques et ce, quelle que soit la dose de médicament prescrite.

Enfin, elle estime que la dose de Baclofène prescrite doit être "réévaluée régulièrement" et que sa prescription "doit être accompagnée d’un livret de suivi et de promotion du bon usage du Baclofène".

Un placebo ?

Ainsi encadrée, la mise sur le marché du Baclofène comme traitement de l’alcoolisme peut-elle vraiment soigner les personnes alcoolo-dépendantes ? Si la commission d’experts insiste sur l’importance de diminuer les doses et d’accompagner la prescription d’un suivi psychothérapeutique, d’autres experts insistent sur la relative efficacité de ce médicament.

En mai 2017, l’étude ALPADIR publiée dans Alcohol and Alcoholism a démontré que le Baclofène ne provoque pas de différence majeure par rapport à un placebo. 320 adultes alcooliques ont été recrutés dans les services d’addictologie français. Du Baclofène a été prescrit à la moitié d’entre eux, tandis que les autres volontaires ont reçu un placebo. Il a été observé après six mois de traitement que la molécule avait une faible efficacité : 12 % des patients sous médicament n’ont pas consommé d’alcool pendant 20 semaines consécutives, contre 10,5 % dans le groupe placebo.