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Histoire de la médecine

Variole : la souche qui a permis de l’éradiquer viendrait du cheval

Par Audrey Vaugrente

La version bovine de la variole, la vaccine, a donné son nom à la vaccination. Mais la souche utilisée pour l’éradique proviendrait en fait du cheval.

Pan American Health Organization/Flickr
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Pendant des siècles, l’infection a terrorisé les foules. Laissant de lourdes cicatrices, quand elle ne tuait pas. C’est à la variole, aujourd’hui disparue, que la vaccination doit son nom. Mais après plus de 200 ans, le mythe s’effondre. Ce n’est pas la vaccine, version bovine de la maladie, qui a permis l’éradication du virus.

D’après une enquête médicale et historique, menée en partie par l’Institut Robert-Koch de Berlin (Allemagne), la souche utilisée dans les vaccins proviendrait en fait… du cheval. Une conclusion surprenante qu’expliquent les chercheurs dans le New England Journal of Medicine.

L’ombre d’un doute

A l’origine de ce mystère, une histoire que tout passionné de médecine connaît sur le bout des doigts. Edward Jenner, médecin britannique, recherche un traitement contre la variole qui tue alors par millions. Nous sommes en 1798.

Le scientifique anglais trouve alors une solution innovante. Il effectue un prélèvement sur le bras d’une trayeuse infectée par la vaccine, dont sont atteintes ses vaches. Puis il inocule le virus à un enfant de 8 ans. Celui-ci ne développera jamais de signe de la variole. Le vaccin est inventé.


Source : Pan American Health Organization


L’anecdote pourrait s’arrêter là. Mais dans les années 1930, un compatriote de Jenner note un détail perturbant. La souche utilisée dans les vaccins, produits à grande échelle, ne correspond pas tout à fait à la vaccine (cowpox virus). L’analyse des œufs de poule – utilisés pour la production – révèle la présence d’un autre virus. Inconnu au bataillon.

Le cheval en cause

Les vaccins contre la variole contiennent une souche dont l’hôte n’est pas connu. Et aucun échantillon analysé depuis ne confirme la présence de la vaccine. La mystérieuse souche est donc rebaptisée, vaccinia virus. Et l’enquête commence. Les théories se sont multipliées. La dernière en date semble la plus avancée : plusieurs souches ont été utilisées selon les contextes.

Les chercheurs de l’Institut Robert-Koch se sont appuyés sur un vaccin détenu par un collectionneur privé. La précieuse fiole date de 1902 ; elle a été produite par H.K. Mulford Co. de Philadelphie (USA) – qui deviendra par la suite Merck.


Source : Jose Esparza


L’analyse ne laisse aucun doute : c’est la variole équine (horsepox virus) qui a servi de base à la fabrication de ce vaccin. « Nous avons maintenant, pour la première fois, la preuve scientifique que le horsepox virus a été utilisé par le passé afin d’immuniser contre la variole », se félicite Andreas Nitsche.

Un mystère pesant

Loin d’être anodine, cette découverte confirme les travaux de Clarissa Damaso, chercheuse à l’université fédérale de Rio de Janeiro (Brésil). Publiés en août dernier dans le Lancet Infectious Diseases, ils suggèrent que les différents fabricants ont utilisé diverses souches, dont au moins une partie étaient d’origine équine.

Le groupe recherche maintenant d’autres échantillons historiques afin de confirmer son hypothèse. Car une inconnue demeure : quand est-on passé de la vaccine au virus nommé vaccinia ? Une substitution a forcément eu lieu.

Les recherches de Clarissa Damaso sont claires sur ce point : « Si le vaccinia virus avait été introduit de manière aléatoire lors de la production du vaccin aux XVIIIe et XIXe siècles, nous devrions trouver les deux souches », explique-t-elle. Ce n’est pas le cas. Seul le vaccinia virus est présent.