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Croyances contre perception

Hallucinations : comment le cerveau tente de les déjouer

Par Antoine Costa

Chez les personnes souffrant de psychoses, ce mécanisme est moins performant, ce qui peut favoriser l’apparition d’hallucinations auditives.

Andreus/Epictura

Vous pensez percevoir le monde qui vous entoure tel qu’il est ? Détrompez-vous, car vos sens ne sont pas infaillibles. Et, même s’ils l’étaient, le cerveau est, lui aussi, loin d’être digne de confiance. Le terrain est favorable au développement d’hallucinations.

Mais nous sommes capables de faire la différence entre l’illusion et la réalité, confirme une étude parue ce vendredi dans la revue Science. Le cerveau enregistre les événements, et analyse et questionne ses propres attentes lorsqu’une perception peut s’avérer trompeuse. Il peut se laisser berner, mais sait aussi comment réagir.

Tous concernés

Qui n’a jamais été convaincu que son téléphone sonnait ou, plus fréquemment encore, vibrait, avant de s’apercevoir que, finalement, aucun appel ni message n’avait été reçu ? Ceci est une hallucination, et nous y somme tous sujets. Une expérience réalisée au 19e siècle à l’université de Yale (Etats-Unis) avait déjà montré que les hallucinations intervenaient lorsque le cerveau accorde plus de confiance à ses attentes qu’aux stimuli sensoriels qu’il reçoit, comme les signaux visuels ou auditifs.

Elle consistait à faire visionner une image de manière répétitive, à chaque fois associée à un son. Lorsque le son est supprimé, les sujets de l’expérience continuent à l’« entendre ». C’est en quelque sorte l’expérience de réflexe conditionné du chien de Pavlov : en habituant l’animal à entendre un son au moment de se nourrir, le réflexe de salivation intervient même sans la présence de nourriture. Le stimulus n’est plus là, mais le chien s’attend tout de même à recevoir sa pâtée.

Un tri dans les idées

Ici, les chercheurs ont reproduit l’expérience de Yale, en intégrant quatre types de participants. Ils ont combiné des personnes ayant ou non entendu des voix dans leur existence, avec le fait qu’ils puissent ou non souffrir de psychose. Ils les ont placées devant des images, avec un son spécifique. Lorsqu’ils pensaient entendre le son, il leur était demandé de presser un bouton ; plus ils étaient sûrs d’avoir entendu le son, plus ils devaient appuyer longtemps.

Et l’hypothèse que les chercheurs avaient émise s’est vérifiée : les personnes qui avaient déjà entendu des voix montraient bien plus de confiance lorsqu’ils pensaient entendre le son alors qu'il n’était pas diffusé, et qu’elles étaient donc victimes d’une hallucination. Les personnes saines et n’ayant jamais entendu des voix avaient, quand à elles, tendance à repérer les images sans son, de manière bien plus rapide. Suggérant ainsi que leur cerveau faisait un meilleur tri entre ses attentes, ses croyances sur le monde qui l’entoure, et la réalité.

Les schizophrènes sont moins dubitatifs

Les schizophrènes (du groupe de psychotiques ayant déjà entendu des voix) étaient quant à eux cinq fois plus susceptibles d’assurer avoir entendu un son alors qu’il n’y en avait pas. Et leur certitude, dans ces cas, était supérieure de 28 % à celle des autres victimes d’hallucinations.

Grâce à l’imagerie, les chercheurs ont également pu observer l' activité cérébrale des participants. Chez les personnes qui ont entendu des voix, et notamment chez les schizophrènes, ils ont enregistré une activité neuronale anormale dans différentes régions du cerveau, notamment celles en lien avec la formation des représentations de la réalité.

Plus les hallucinations étaient fortes, moins l’activité du cervelet était importante. Sachant que cette zone joue un rôle important dans l’anticipation et la coordination motrice en recevant des informations perceptives continues, ce manque d’activité semble alors traduire un délaissement des sens au profit de l’expérience.