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Loi de la jungle

Maladie de Lyme : les renards à la rescousse

Par Jonathan Herchkovitch

La maladie de Lyme a peut-être enfin rencontré sa némésis. La présence dans les forêts de renards réduirait le nombre de tiques infectées par la bactérie Borrelia burgdorferi.

MennoSchaefer/epictura

La maladie de Lyme progresse. À la lecture des chiffres de contaminations, sans doute largement sous-estimés, elle devient un problème de santé publique. Les agences sanitaires tentent de réagir face à cette infection bactérienne pas toujours évidente à soigner, en ayant maintenant à l’esprit que pour enrayer sa diffusion, il est nécessaire de faire de la prévention, et de s’intéresser aux tiques.

Par leur piqûre, ces arachnides sont le vecteur de la bactérie désignée comme responsable de la maladie, la Borrelia burgdorferi, ainsi que d’autres encore mal identifiées. Et leur population est en augmentation dans nos forêts. Mais ces tiques pourraient avoir trouvé leur ennemi : le renard.

Intervention humaine

Plus précisément, l’animal ferait baisser le nombre de tiques infectées. Des chercheurs néerlandais ont en effet montré que plus les renards sont nombreux dans les forêts, moins les tiques sont vectrices de la bactérie ; et inversement. La diminution n’est pas négligeable : dans les zones les plus peuplées en renards, les tiques infectées récoltées sur des rongeurs peuvent être jusqu’à 20 fois moins nombreuses.

Ces résultats ont été obtenus en comparant les taux d’infection des tiques dans une vingtaine de forêts des Pays-Bas. Certaines étaient des réserves naturelles, avec des populations de renards importantes. Pour d’autres, les canidés en ont été chassés soit involontairement, lorsque des bois ont été morcelés par des activités humaines, soit volontairement, et y sont désormais pratiquement inexistants.

Ce n’est pas la première fois que cette corrélation est observée, mais dans un article publié dans la revue Proceedings of the Royal Society, les scientifiques expliquent son mécanisme.

Le renard parti, les souris dansent avec les tiques

Pour arriver à un stade reproductif, les tiques doivent procéder à trois repas de sang, qui lui permettent en particulier d’évoluer du stade de larve à celui de nymphe, puis à sa forme adulte. En forêt, les larves, en principe dépourvues de toute infection, s’accrochent au premier animal venu qui, dans ces écosystèmes, sont souvent de petits mammifères : campagnols, souris, ou autres rongeurs. 

Or, ces espèces sont souvent porteuses de nombreux agents pathogènes, dont la Borrelia. Après la piqûre, les tiques sont infectées, et peuvent à leur tour ltransmettre la bactérie à d’autres animaux, et en particulier à l’homme. 

Mais lorsque les renards rôdent, les rongeurs se font plus discrets, et les arachnides se trouvent quelque peu dépourvus. Ils ne dégotent pas de victime, ou se rabattent sur d’autres espèces, parfois sur des oiseaux. Des espèces moins – ou pas du tout – porteuses de la bactérie. Ainsi, mécaniquement, le taux de tiques infectées baisse.

Réintroduction rusée

Le prédateur, au sommet de la chaîne alimentaire de ces forêts européennes après la disparition de ses concurrents carnivores comme le loup ou le lynx, n’est pas le seul facteur agissant sur cette proportion de tiques infectées. La même corrélation qu’avec le renard a été observée pour les fouines, qui s’attaquent elles aussi aux rongeurs.

La réintroduction de ces espèces pourrait donc être un moyen de lutter contre la maladie de Lyme, en réduisant le nombre de tiques infectées par la Borrelia. Certains écologues craignent que les renards induisent une baisse des populations murines, ce que les observations des chercheurs néerlandais ne confirment pas. 

L’hypothèse du Dr Tim Hofmeester, auteur principal de l’étude, formulée après avoir visionné des films issus de caméras placées dans les forêts : les rongeurs réduisent leurs mouvements lorsque les prédateurs sont actifs. Ils ne sont pas forcément moins nombreux, mais couvrent moins de terrain, et ramassent ainsi moins de tiques.

L’idée sera peut-être étudiée par le groupe de travail multidisciplinaire réuni par le ministère de la Santé français, qui planche actuellement sur la révision des protocoles de prévention et de soins autour de la maladie de Lyme. En attendant, les précautions pour les balades estivales sont de mise (voir encadré) !

Comment éviter les tiques cet été

C’est la période de prédilection pour les tiques. Elles sont sur le pied de guerre dans les forêts, mais pas seulement. Les études réalisées en Europe montrent en effet que 30 à 50 % des contaminations se font dans les jardins privatifs ou les parcs municipaux. Pour se protéger de la maladie de Lyme, les règles de base sont simples et efficaces.

Le ministère de la Santé a lancé une campagne de prévention pour aider les promeneurs. Un dépliant est disponible en ligne, et des spots sont diffusés à la radio, rappelant quatre mesures préventives.

En priorité, porter des vêtements couvrant les bras et les jambes, en rentrant le pantalon dans les chaussettes. Lorsque les tiques s’accrochent, elles vont naturellement monter. Avec cette astuce, celles accrochées aux chaussures ou aux chaussettes ne monteront pas sous les vêtements. Ensuite, il faut éviter les broussailles et les herbes hautes, où les tiques sont plus nombreuses. L’utilisation de répulsif est conseillée.

Enfin, au retour de balade, il est utile d’inspecter soigneusement l’ensemble du corps, notamment les zones de prédilection pour les tiques : aisselles, entre-jambes, face postérieure des genoux, pli des coudes et des seins pour les femmes, cuir chevelu et arrière des oreilles. Un tire-tique doit être utilisé pour retirer la tique proprement.

 

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Maladie de Lyme : le scandale silencieux