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National Health Service

Royaume-Uni : le système de santé au bord de l'implosion

Par Audrey Vaugrente

Des délais d’attente qui s'allongent, des interventions annulées, le NHS traverse une crise profonde et durable. La qualité des soins est menacée.

Matt Dunham/AP/SIPA
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Le constat est sans appel : le système de santé britannique (NHS) prend l’eau. Plusieurs rapports ont rappelé que, malgré les efforts budgétaires, la situation s'aggravait de jour en jour : opérations annulées, allongement des délais d’attente, manque de lits, la liste est longue.  Des soins disponibles tout au long de la semaine. C’était pourtant une annonce phare de la ministre de la Santé, Jeremy Hunt. L’objectif était d’améliorer la prise en charge le week-end, période où les délais d’attente explosent tout comme les taux de mortalité. Mais le rêve d’une ouverture en continu du NHS pourrait tourner court à en croire un rapport dévoilé par les médias britanniques The Guardian et Channel 4.

10 % des effectifs en danger

Le Brexit risque de réduire d’un dixième les effectifs déjà serrés du système de santé. En effet, 55 000 de ses employés proviennent de l’Union européenne. L’Institute for Public Policy Research, un think tank britannique, a lui aussi averti la Première ministre Theresa May : la sortie de l’UE pourrait provoquer l’effondrement du NHS. Voilà qui devrait sonner le glas de cette mesure. 

Car la crise est plus ancienne que le Brexit. Chez les jeunes médecins, la colère gronde concernant les salaires et le manque de praticiens dans les différents établissements. Augmenter les horaires risque d’aggraver le problème, et non le résoudre, estiment-ils. Leur constat est simple : la mesure n’assurera pas la sécurité des patients et reste difficilement applicable.

L’attente s’allonge

Les faits ne peuvent que leur donner raison : notre voisin d’Outre-Manche est connu pour ses délais d’attente astronomiques. Au cours de l’année 2015, le problème s'est accentué. Feeling the Wait, un rapport de la Patients Association, souligne que 92 700 personnes ont attendu plus de 18 semaines avant une opération de routine. Par rapport à l’année précédente, ce nombre a explosé de 80 %. 

Des objectifs ont bien été fixés : les établissements du NHS ne doivent pas faire attendre leurs patients plus de 18 semaines pour une intervention classique et 62 jours pour un traitement contre le cancer. Mais les structures qui n'arrivent pas à tenir cet engagement   n’ont plus à payer d’amende depuis juillet. Un relâchement d’autant plus alarmant qu’en 2015,  753 interventions ont été annulées chaque jour à cause du manque d’équipement, de lits ou d’erreurs de calendrier.

Une tension permanente

Ces annulations risquent de se multiplier à l’approche de l’hiver, traditionnellement chargé pour le système de santé britannique. Un plan du gouvernement, destiné à limiter les tensions, prévoit l’annulation d’interventions chirurgicales afin de libérer des lits. Les médecins auront donc pour mission de renvoyer chez eux tous les patients qui le pourront. En outre, la campagne de vaccination contre la grippe sera étendue.

Mais le Collège Royal de Médecine d’Urgence a lui-même prévenu : le nombre de médecins et de lits est bien en-deçà des effectifs nécessaires. Le Royaume-Uni dispose du plus faible nombre de places par personne de l’Europe, faute de moyens. Le Dr Cliff Mann, président du Collège, illustre la situation dans les colonnes du Telegraph : « L’hiver dernier, le NHS a été soumis à une énorme pression malgré des températures clémentes et une grippe de faible ampleur. Il suffirait d’une large épidémie l’hiver prochain pour nous submerger. »

Des erreurs médicales en hausse

De plus en plus de patients consultés en toujours moins de temps. Le NHS veut remettre ses comptes à flots, mais le prix est élevé. D’après les données du système de santé, le nombre d’erreurs médicales a augmenté sur la période 2005-2015. Entailles, ponctions, perforations et hémorragies non intentionnelles sont 27 % plus fréquentes. Ce sont désormais plus de 6 000 patients qui en sont victimes. L’association Action Against Medical Accidents y voit la conséquence d’interventions plus complexes et d’un meilleur signalement des incidents.

Mais la pression que subissent les professionnels de santé, trop peu nombreux par rapport aux patients en demande, ne doit pas être écartée selon elle. Ce manque de temps, une expatriée en témoigne sur son blog Un sushi dans mon lit : « Je n’ai jamais passé plus de trois minutes avec un médecin », explique-t-elle. La bloggeuse souligne aussi le manque de coordination entre les différentes structures.