ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > La perte du chromosome Y impliquée dans certains cancers chez le fumeur

Publiée dans Science

La perte du chromosome Y impliquée dans certains cancers chez le fumeur

Par la rédaction

Dans une étude suédoise, des chercheurs montrent une association entre le tabagisme et la perte du chromosome Y dans les cellules du sang. Ces pertes pourraient être liées à certains cancers du fumeur.

Andres Kudacki/AP/SIPA

Certains cancers chez les hommes ont-ils une explication génétique ? D’après une nouvelle étude, le chromosome sexuel mâle (Y) peut en effet disparaître de certaines cellules sous l’effet de la cigarette. Ce processus serait lié à l’apparition de certains cancers du fumeur. Des résultats inédits publiés dans la revue Science.

Une anomie plus fréquente chez les fumeurs
Pour parvenir à cette conclusion, des chercheurs suédois ont étudié le bagage génétique des cellules sanguines de 6 014 hommes appartenant à trois « cohortes ». Pour chacun d’entre eux, des informations liées à l’âge, à l’état de santé (diabète, surpoids, hypertension, etc.) et au mode de vie (quantité d’exercice physique effectué, fumeur ou pas, etc.) étaient disponibles.
Résultat, les deux facteurs les plus fortement liés à la perte de chromosomes Y sont l’âge (plus on est âgé, plus on a de risque de perdre ses chromosomes) et le fait de fumer.
« Dans l’échantillon que nous avons étudié, environ 15 % des hommes âgés de plus de 70 ans étaient porteurs de cette anomalie, les fumeurs étant trois fois plus susceptibles d’en faire l’expérience que les non-fumeurs », précise sur le site Le Temps le principal auteur de l'étude, Jan Dumanski, généticien à l’Université d’Uppsala.


Une perte directement à l'origine de tumeurs ?

Toutefois, le lien entre l’apparition de cette mutation chez les fumeurs et le développement de cancers comporte encore des mystères. La perte du chromosome Y est-elle directement à l’origine de tumeurs, ou alors n’est-elle que le reflet d’une détérioration globale du génome à cause de la cigarette ?
A cette question, les auteurs de l’étude privilégient la première hypothèse. « Des analyses ont montré que des cellules privées de chromosome Y étaient fréquemment retrouvées au sein de tissus cancéreux, souligne Jan Dumanski. De plus, des gènes suppresseurs de tumeurs ont été identifiés sur le chromosome Y ; si ce dernier disparaît, la protection associée disparaît probablement aussi… »
Enfin, l'association entre le tabagisme et la perte du chromosome Y était dépendante de la dose, c'est-à-dire que la perte du chromosome Y était plus fréquente chez les gros fumeurs par rapport aux fumeurs modérés.

Un risque qui disparait à l'arrêt du tabac
Dans des propos toujours rapportés par le site suisse Le Temps, Carole Clair, de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne, tempère toutefois ses résultats. Selon elle, la perte des chromosomes Y pourrait être à l’origine du développement de certains cancers, mais sans doute pas de tous : « J’en veux pour preuve le fait que les fumeuses – qui en tant que femmes ne possèdent pas de chromosome Y – ont un risque beaucoup plus élevé que les hommes de mourir d’un cancer du poumon. » Ce dernier reste par ailleurs le cancer le plus fréquent chez les fumeurs.

Enfin, dernière nouvelle positive de cette étude, les effets du tabac sur les chromosomes Y seraient réversibles : « Dans nos cohortes, les hommes qui avaient fumé durant leur jeunesse – même pendant plusieurs années – et qui avaient ensuite arrêté avaient un risque de subir des pertes de chromosomes Y presque identique à celui des hommes n’ayant jamais fumé. » Sand doute un bon argument pour convaincre les hommes d'arrêter de fumer.