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Entretien avec le Pr Bruno Lina

Grippe : la vaccination évite 3000 morts par an chez les séniors

Par Cécile Coumau

Les Français se font peu vacciner contre la grippe, y compris les personnes à risque. Ce geste est pourtant vital, comme l’explique le virologue Bruno Lina.

Mark Bugnaski/AP/SIPA
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La campagne de vaccination contre la grippe a démarré ce 16 octobre, et comme tous les ans, la faible couverture est déplorée par les autorités. Au cours de la saison grippale 2013-2014, 800 personnes ont été hospitalisées en réanimation. Et chaque année, le virus tue 400 personnes, des personnes de plus de 65 ans dans l’immense majorité des cas.
Les personnes à risque sont justement au coeur des stratégies de prévention, martèle l'Assurance Maladie. Contacté par pourquoidocteur, le Pr Bruno Lina, responsable du Centre national de référence sur la grippe à Lyon (Rhône), explique pourquoi il est important de se faire vacciner.

 

Quel est l'impact de la faible couverture vaccinale ?

Pr Bruno Lina : On a depuis plusieurs années une baisse assez sensible, qui n’est pas très importante d’une année sur l’autre, mais qui va toujours dans le sens de la réduction, ce qui est dommage et difficilement compréhensible. Lors de la conférence de presse (NDLR: de Marisol Touraine), la mortalité induite par la grippe a été abordée, c’est-à-dire l'analyse de la surmortalité liée au fait que les personnes à risque ont une pathologie chronique qui peut être décompensée à l’occasion de la vaccination contre la grippe. On voit que les non vaccinés ont une mortalité nettement supérieure à celle des vaccinés et que la vaccination contre la grippe permet d’éviter 3 000 décès dans la tranche d’âge des plus de 65 ans.

 

 

Pourquoi les personnes à risque ne se font-elles pas plus vacciner ?

Pr Bruno Lina : Dans les groupes à risque, on différencie le groupe à risque lié à l’âge, les plus de 65 ans, et les autres groupes à risque. Concernant le groupe lié à l’âge, certains, qui se considèrent en pleine forme, pensent qu’il est trop eux pour eux de faire partie de ce groupe et donc de se faire vacciner. C’est une appréciation erronée. Il n’est jamais trop tôt pour se faire vacciner. C’est important de commencer tôt parce qu’on sait que lorsqu’on revaccine les gens, ils sont de mieux en mieux protégés par cette vaccination itérative.

 

La deuxième chose concerne les autres groupes à risque. Quand vous regardez les asthmatiques ou les asthmatiques graves, seuls 40 % d’entre eux sont vaccinés. Cela veut dire que plus de la moitié d’entre eux considère que ça n’est pas grave d’avoir la grippe, même si cela doit décompenser leur asthme, même si cela doit les amener en réanimation… ce qu’on observe chaque hiver ! 

 

Mais on se rend compte que chez les insuffisants cardiaques et les patients qui ont un angor instable, c’est extrêmement important parce qu’on a des décompensations cardiaques très fréquentes au cours d’une infection grippale. Une étude américaine montre que la mortalité liée à la grippe chez les angor insstables est très importante.
De la même manière, les diabétiques sont mal équilibrés et font des complications à la suite de la grippe, avec des surinfections bactériennes fréquentes… 
Finalement, ces groupes à risque sont tous vaccinés quelque part entre 15 et 40 % alors qu'ills doivent être dans ceux qui font le fond de la vaccination.

 

 

Justement, la vaccination protège-t-elle vraiment bien les personnes âgées ?

Pr Bruno Lina : La protection vaccinale est très difficile à mesurer en temps réel. On a des outils, dont deux études réalisées régulièrement qui nous permettent de faire une estimation. En pratique, les résultats sont très proches de ce qui a déjà été publié : la vaccination est plus efficace chez les jeunes que chez les personnes âgées. Plus on avance en âge, moins cette vaccination induit une protection, tout en maintenant un certain niveau. Les personnes très âgées, de plus de 90 ans, ont souvent une protection vaccinale mesurable de l’ordre de 40 à 45 % au mieux. En revanche, sur des adultes jeunes, on est sur des niveaux de protection au-delà de 85 %.

 

 

Quel est le bilan de la campagne de vaccination contre la grippe qui s’est tenue l’an dernier ?

Pr Bruno Lina : Les données de l’an dernier nous donnent une efficacité vaccinale de l’ordre de 60 à 65 % de façon extrêmement classique. Il faut savoir que nous n’avons pas pu la mesurer contre le virus de grippe B, parce qu’il n’y en avait pratiquement pas en circulation. L’autre bémol, qui complique les choses, c’est que les personnes âgées ont une immunité de fond contre le virus H1N1. Le virus, qui est sorti lors de la pandémie en 2009, ressemblait beaucoup au virus qui circulait dans les années 40 et 50. Les personnes infectées à ce moment là ont des anticorps protecteurs, donc la vaccination ne rajoute pas en protection.