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Prix Lasker

Parkinson: le Pr Alim-Louis Benabid dans l'antichambre du prix Nobel

Par Marion Guérin

Le neurochirurgien français Alim-Louis Benabid a reçu le prix Lasker pour ses travaux novateurs sur la maladie de Parkinson. Rencontre avec un pionnier de la médecine.

T.F.1-CHOGNARD

Il a le succès modeste. Pourtant, Alim-Louis Benabid, neurochirurgien au CHU de Grenoble, a mis au point une technique révolutionnaire pour opérer des patients atteints de la maladie de Parkinson. A ce titre, il a été distingué ce lundi par la prestigieuse Fondation Lasker, dont les prix sont considérés comme les « Nobels américains ». « Ses travaux ont permis d’améliorer la vie de plus de 100 000 patients à travers le monde », explique la Fondation sur son site Internet. Entretien avec un chirurgien visionnaire, peut-être le futur Nobel de la médecine.

Comment réagissez-vous à cette distinction ?
Je ressens une joie immense. Je ne m’y attendais pas du tout… En France, ce prix reste assez méconnu, mais aux Etats-Unis, c’est l’une des récompenses les plus importantes dans notre domaine. Parmi les personnes qui ont reçu ce prix, près de la moitié sont des Nobel ! C’est très important de voir que notre travail est considéré comme utile, qu’il a apporté du nouveau dans le domaine scientifique et thérapeutique.

En quoi consiste  la technique de la stimulation cérébrale profonde ?
Cela consiste à implanter des électrodes chez des patients éveillés, sans leur ouvrir le cerveau. On perce des petits trous dans lesquels on descend des électrodes très fines, d’1mm de diamètre. Puis, on place l’électrode dans la cible qu’on a choisie, et on fait passer un courant avec des fréquences variables.
Ce que j’ai découvert, c’est que quand ces courants sont suffisamment élevés, (aux alentours de 100 hertz), cela bloque l’activité de la cellule qu’on stimule et diminue considérablement les symptômes de la maladie de Parkinson.
En fait, ma technique permet d’obtenir les mêmes résultats qu’avec la méthode de la destruction, que l’on utilisait avant. On faisait passer un courant à très haute fréquence pour annuler l'activité de la cellule, mais cela chauffait le tissu et le faisait cuire de manière irréversible. Alors que ma méthode, elle, est réversible : dès qu’on retire le courant, tout revient comme avant.


Comment avez-vous fait cette découverte ?
Au cours d’une intervention. Nous étions partis pour faire une destruction. Au moment de faire les tests préalables, notamment les tests de stimulation à basse fréquence, j’ai eu l’idée d’augmenter la fréquence du courant, pour voir si mes observations étaient justes. Et ça a marché ! Ce jour-là, je me suis dit que j’avais peut-être trouvé la solution pour remplacer les vieilles méthodes… Au bout de quelques opérations, on a décidé de proposer aux malades de leur placer cette électrode au lieu de faire des destructions. Nous avons eu l’idée de connecter cette électrode à un stimulateur, comme un pacemaker cardiaque, pour maintenir la fréquence à 100 hertz.

Aujourd’hui, cette méthode est utilisée pour d’autres maladies…
On s’est en effet aperçu que d’autres applications étaient possibles. Pour le Parkinson, on ciblait le thalamus, puis le pallidum. Du coup, on s’est dit qu’il serait possible de répéter l’opération pour d’autres structures. Aujourd’hui, on a une dizaine de cibles, et une vingtaine de maladies dans laquelle la stimulation peut apporter des améliorations : l’épilepsie, l’algie vasculaire de la face, les troubles de la marche. L’autre avancée importante consiste à traiter des pathologies mentales, comme les TOC (troubles obsessionnels compulsifs) ou encore les dépressions sévères.


Avez-vous d’autres projets ?
Oui ! La stimulation améliore considérablement les symptômes de Parkinson, mais elle ne change rien à l’évolution de la maladie. Il s’agit d’un traitement symptomatique, mais pas curatif. Depuis 2-3 ans, avec des collègues de Sydney, nous avons abordé une nouvelle piste dont les résultats seront publiés avant la fin de l’année. Nous utilisons non plus de la stimulation mais de l’illumination intracrânienne avec de la lumière infrarouge. Nous avons injecté un produit toxique à des souris pour les rendre parkinsoniennes. Or, quand on illumine les tissus abîmés de ces souris avec des lumières infrarouges, l’effet toxique du produit s’annule. Les résultats sont très encourageants.





Reportage diffusé dans le cadre des "Victoires de la médecine" 2008, qui 
ont mis à l'honneur les travaux du Pr Benabid et de son équipe