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Tiers payant, médecin traitant, hôpital

Loi de santé : pourquoi les médecins grognent

Par La rédaction

Tiers payant généralisé, médecin traitant, réorganisation de l'hôpital... Pour les médecins, les grandes lignes de la loi de santé de Marisol Touraine sont eux mieux floues, au pire inacceptables.

REVELLI-BEAUMONT/SIPA
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L’intention de Marisol Touraine est claire : elle veut élaborer une réforme structurante. Ainsi lors de la présentation des grandes lignes de sa nouvelle loi de santé, la ministre de la Santé a clairement affirmé ne pas avoir l’intention de faire un simple toilettage de notre système de santé. Pourtant, il semble que les principaux acteurs du système de santé soient restés sur leur faim. Personne ne trouve à redire quand la ministre dit qu’elle veut inscrire la prévention dans le socle de notre politique de santé, garantir l’accès aux soins de tous, rénover le service public hospitalier ou encore rendre le parcours de soins plus lisible. En revanche, médecins libéraux, hospitaliers et même représentant des patients dénoncent le flou des mesures. « Les têtes de chapitres sont intéressantes, mais pour les médecins des hôpitaux les éléments restent trop flous », explique Rachel Bocher, présidente de l'intersyndicale des praticiens hospitaliers (INPH). « Pour l’instant on est sur des concepts généraux, par contre quelle est l’enveloppe nous n’en avons aucune idée », précise Jean-Paul Ortiz de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF).

 

Le tiers payant généralisé va déresponsabiliser les patients

La mesure qui suscite le plus de débat parmi les professionnels de santé est la généralisation du tiers payant. Sur ce point, la ministre a pourtant été claire, cette mesure s’appliquera en 2017 et elle a même dit clairement aux médecins qu’elle ne changerait pas de cap. « Je refuse l’idée qu’il y ait des Français irresponsables, je ne crois pas qu’il y ait de touristes de la santé, ni de malades imaginaires au 21ème siècle, a déclaré hier Marisol Touraine. Le tiers payant n’aura pas d’impact sur votre exercice, donc il n’est pas raisonnable de faire passer le message dans le public que cette mesure va déresponsabiliser les patients ». Autrement dit, les médecins seraient irresponsables de tenir de tels propos. Pourtant la plupart des médecins campent sur leur position concernant ce dispositif.

 

Ecoutez le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF : « Je continue à penser qu’indiscutablement c’est une incitation au consumérisme. »

 

Un numéro d’appel qui ne doit pas léser les libéraux

Mais pour faciliter l’accès aux soins, Marisol Touraine ne parie pas que sur le tiers payant généralisé, elle a aussi rappelé que son projet de loi garantirait aux personnes modestes des prix accessibles pour les lunettes notamment, ou encore qu’elle renforcerait la lutte contre les refus de soins. Par ailleurs les barrières dans l’accès aux soins étant également territoriales, la Ministre compte renforcer la proximité et réorganiser la permanence des soins. Avec notamment la création d’un numéro d’appel unique à 3 chiffres pour faciliter l’accès à un médecin dans chaque département en dehors des heures d’ouverture des cabinets.

 

Ecoutez Jean-Paul Ortiz : « Il est pas question que la régulation libérale soit mis sous la coupe des SAMU ou des centres 15 hospitaliers publics, sinon on aura un désengagement des professionnels libéraux. »

 

Un parcours de soins réorganisé pas au goût de tous

Un autre grand chapitre de cette loi de santé est le parcours de soins. En effet, Marisol Touraine a insisté ce jeudi sur l’importance des soins de proximité. Ainsi les acteurs de santé devront proposer aux ARS de nouvelles organisations, sur la base des expérimentations en cours. « Le parcours, c’est la coordination » a-t-elle affirmé. Une lettre de liaison devra être par exemple être remise à tous les patients en sortie d’hôpital. Reste à savoir si le manque de personnel à l’hôpital permettra de faire ces courriers qui devraient déjà exister depuis plusieurs années.


Par ailleurs, la Ministre a annoncé la mise en place du médecin traitant pour les enfants de 0 à 16 ans. Une mesure à laquelle s’opposent farouchement les pédiatres. Pour eux les parents doivent garder le libre choix de consulter un pédiatre ou un médecin généraliste, en fonction des besoins de leur enfant et des disponibilités des professionnels de proximité. Ils appellent d’ailleurs les Français à venir témoigner de leur soutien sur le site Jaimemonpediatre.com. En revanche le syndicat MG France qui soutenait ce projet semble satisfait.

 

Ecoutez le Dr Claude Leicher, président de MG France : « Ca clarifie les responsabilités, et nous proposons également qu’il n’y ait pas de pénalité de parcours quand les parents vont voir un autre médecin. »

 

A l’hôpital, on ne s’attaquerait pas aux racines du mal

D’après les annonces de Marisol Touraine, il semble que l’hôpital-entreprise de Nicolas Sarkozy soit bel et bien enterré. En effet la Ministre a déclaré que la nouvelle loi définirait le service public hospitalier par “un bloc d’obligations”. C’est à dire une permanence d’accueil, le respect d’un délai de prise en charge raisonnable et une égalité d’accès aux soins. Enfin, elle a également annoncé sa volonté d’encore de mieux encadrer l’activité libérale à l’hôpital et d’y plafonner le recours à l’intérim. Mais pour certains spécialistes elle ne s’attaquerait pas aux racines du mal. « Si on ne veut pas se retrouver dans des situations excessives qui ont poussé à des demandes intérimaires aussi importantes, il faut rendre les carrières plus attractives, précise Rachel Bocher, président de l’INPH. Ainsi les postes ne seront pas vacants, car la plupart des enquêtes montrent que les jeunes médecins préfèrent un exercice salarié. Actuellement les carrières hospitalières ne sont pas suffisamment attractives ni sur le plan financier, ni au niveau de la place du médecin à l’hôpital» conclut-elle.