- Des chercheurs ont découvert qu’un déficit naturel en lithium dans le cerveau pourrait être l’un des premiers déclencheurs de la maladie d’Alzheimer.
- Chez la souris, ce manque favorise les lésions cérébrales et la perte de mémoire, mais un composé, le lithium orotate, permettrait de restaurer les fonctions cognitives.
- Cette avancée ouvre la voie à une nouvelle stratégie de prévention et de traitement, à confirmer chez l’humain.
Et si la maladie d'Alzheimer débutait bien avant les premiers trous de mémoire ? Et si un élément aussi discret que le lithium, naturellement présent dans notre cerveau, jouait un rôle crucial dans la prévention de la dégénérescence cognitive ? Une étude révolutionnaire menée par l'équipe du professeur Bruce Yankner, à la Harvard Medical School, vient de révéler un lien inédit entre déficit en lithium et développement d’Alzheimer.
Un nutriment du cerveau méconnu mais essentiel
D’après les résultats publiés dans la revue Nature, le lithium n’est pas qu’un médicament pour les troubles bipolaires : c’est aussi un oligo-élément naturellement présent dans le cerveau, indispensable au bon fonctionnement des cellules nerveuses. "C'est la première fois que l'on montre que le lithium existe à un niveau naturel biologiquement significatif, sans qu'on l'administre comme un médicament", souligne Bruce Yankner dans un communiqué.
Les chercheurs ont analysé des tissus cérébraux post-mortem issus de donneurs à différents stades cognitifs grâce à une technologie avancée de spectrométrie de masse. Résultat : les niveaux de lithium étaient élevés chez les personnes saines, mais fortement diminués chez celles atteintes de troubles liés à l’Alzheimer. Ce déficit apparaît donc très tôt dans le processus de la maladie, bien avant que les lésions ne deviennent irréversibles.
"Du jamais vu en 30 ans de recherche"
Chez la souris, la privation de lithium entraîne des effets spectaculaires : inflammation, perte de connexions neuronales, déclin cognitif et apparition de plaques amyloïdes, ces agrégats de protéines caractéristiques de la maladie. Le lithium semble également réguler l’activité de plusieurs gènes associés au risque d’Alzheimer, notamment le célèbre gène APOE. "Le plus impressionnant, c'est l'effet généralisé du lithium sur toutes les manifestations de l'Alzheimer, affirme Yankner. Je n'ai jamais vu ça en trente ans de recherche."
Mais l’étude ne s’arrête pas à la constatation. L’équipe a testé un nouveau composé, le lithium orotate, capable d'éviter les pièges des plaques amyloïdes. Administré à des souris même âgées, ce traitement a permis de réparer les dégâts neuronaux, de restaurer la mémoire et de stopper la progression de la maladie. Mieux encore : chez des animaux traités dès le début de leur vie adulte, la maladie ne s’est tout simplement pas développée.
Vers une nouvelle approche thérapeutique
Bien que ces résultats doivent être confirmés chez l’humain, ils ouvrent la voie à une approche thérapeutique inédite. Un simple dosage sanguin du lithium pourrait, un jour, permettre de dépister précocement les personnes à risque. "Mon espoir, c’est que le lithium fasse bien plus que ralentir la maladie : qu’il en inverse le cours et améliore la vie des patients", conclut Yankner.



