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Traitement à base de gouttes ou de comprimés

Vaincre l'allergie à la cacahuète grâce à l'immunothérapie

Par Afsané Sabouhi

L’immunothérapie par voie orale, déjà très utilisée contre les allergènes respiratoires comme les pollens, montre des résultats très prometteurs dans les allergies alimentaires.

RICHARD B. LEVINE/NEWSCOM/SIPA

Manger 5 cacahuètes, ce qui représentait un danger potentiellement mortel pour une centaine d’enfants allergiques est devenu possible grâce à 6 mois de traitement par immunothérapie orale. Une équipe de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni publie aujourd’hui dans la revue médicale The Lancet des résultats très positifs d’un essai de désensibilisation à l’une des allergies alimentaires les plus fréquentes : l’allergie à l’arachide.  

 

La désensibilisation par immunothérapie vise à rééduquer le système immunitaire allergique en lui administrant très régulièrement de petites doses de l’allergène sous forme de comprimés ou de gouttes à déposer sous la langue. Cette technique est déjà utilisée avec succès contre les allergies aux piqûres de guêpe, aux acariens et à certains pollens. Et des protocoles de recherche sont en cours dans les allergies alimentaires comme l’œuf, les protéines du lait de vache ou l’arachide.


Un seuil de tolérance à l’arachide multiplié par 25

C’est le cas de cette équipe de chercheurs britanniques qui a traité 99 enfants, âgés de 7 à 16 ans, allergiques à l’arachide. Pendant les 26 premières semaines de l’étude, une moitié du groupe mangeait tous les jours une quantité croissante de farine de cacahuète, tandis que les autres continuaient à éviter cet aliment source de leur allergie. A l’issue de cette 1re phase, 84% des enfants traités toléraient l’ingestion d’une dose de 800 mg de farine, équivalente à 5 cacahuètes. En moyenne, le seuil de tolérance à l’arachide de chaque enfant traité avait été multiplié par 25 grâce au traitement.

La 2e phase de l’étude, qui a également duré 6 mois, a permis de traiter la seconde moitié des enfants et de poursuivre la désensibilisation pour les premiers. Résultat final : 91% des enfants pouvaient ingérer 5 cacahuètes sans danger et 54% d’entre eux toléraient même la dose de 10 cacahuètes, ce qui les met à l’abri d’une ingestion accidentelle.

 

Ecoutez le Dr Nhân Pham Thi, allergologue et pneumo-pédiatre à Paris : « La désensibilisation est la voie la plus prometteuse dans l’allergie à l’arachide. Le risque de réaction sévère est très fortement diminué. Donc, les précautions alimentaires peuvent être assouplies. »

 

 

L’aliment auquel vous étiez allergique devient votre médicament

« Ce n’est pas anodin quand tout d’un coup, l’aliment auquel vous étiez allergique devient votre médicament », souligne le spécialiste. Les risques d’accidents ne sont pas négligeables. La désensibilisation par voie orale n’est donc pratiquée dans les allergies alimentaires que dans le cadre de protocoles de recherche, qui doivent absolument être encadrés par une équipe médicale. « A l’hôpital Necker à Paris, nous nous sommes rendus compte qu’il faut du personnel joignable tout le temps car beaucoup de cofacteurs, un rhume, une prise médicamenteuse, un coup de stress ou un effort physique, peuvent modifier totalement l’intolérance habituelle de l’enfant et provoquer des accidents », poursuit le Dr Pham Thi.

 

 

Une désensibilisation durable ?

La question de la durabilité de ces résultats prometteurs reste également posée. Lorsqu’un enfant est désensibilisé contre un pollen, il est ensuite régulièrement en contact avec ce pollen, ce qui entretient en quelque sorte la tolérance acquise. Dans le cas d’un allergène alimentaire, il semble que les mécanismes soient différents et que la désensibilisation ne soit pas toujours durable.

 

Ecoutez le Dr Nhân Pham Thi : « L’énorme inconnue, c’est le recul. Dans certains cas, la greffe va prendre et la tolérance sera durable. Mais pour les autres, on « condamne » ces enfants à manger des cacahuètes tous les jours au risque de voir leur allergie redoubler. »

 

Si les allergologues considèrent l’immunothérapie par voie orale comme LA voie d’avenir, ils ne veulent toutefois pas susciter de faux espoirs chez les millions d’allergiques alimentaires (17 millions rien qu’en Europe). La désensibilisation ne sera pas le traitement miracle efficace chez tous les malades. « Certains répondront très bien et d’autres moins, prédit le spécialiste. Et certains patients ont une allergie tellement sévère qu’on ne pourra pas leur proposer ce type de traitement sans prendre de risque démesuré. »