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Rapport remis au gouvernement

Comment doper l'activité physique des seniors

Par Melanie Gomez

Créer une consultation d’évaluation de la condition physique après 50 ans, prescrire du sport sur ordonnance, ce sont quelques unes des recommandations du rapport remis aujourd'hui au gouvernement.  

GILE MICHEL/SIPA

Lutter contre la sédentarité tout en encourageant la pratique des activités physiques représente plus que jamais un enjeu majeur de santé publique. D’après l’office statistique de l’Union européenne, la part des plus de 65 ans devrait passer de 17% en 2010 à 30% en 2060. Et pour maintenir cette large population âgée en bonne santé, les experts sont unanimes, cela passera par un développement croissant de la prévention par l’activité physique et sportive. C’est justement la mission à laquelle un rapport, remis ce matin aux ministres en charge des Personnes âgées et des Sports, vient de tenter de répondre. Ce groupe de travail interministériel présidé par le Pr Daniel Rivière, chef du service de médecine du sport au CHU de Toulouse vient donc d’émettre plusieurs recommandations pour faire passer la France du « tout curatif » dans l’ère de la Prévention. « La prise en charge des personnes âgées dépendantes va devoir franchir une étape supplémentaire dans son intensité. On va devoir changer de paradigme. Grâce à la prévention par l’activité physique, on peut prévenir certains troubles de la marche et même faire disparaître certaines complications liées à des maladies chroniques » explique le Dr Roger Rua, Président du Syndicat des médecins libéraux (SML) et expert dans ce groupe de travail interministériel.

 

Promouvoir le sport en fonction des 3 catégories de seniors

Parmi les propositions présentées ce matin aux ministres Michèle Delaunay et Valérie Fourneyron, ces experts préconisent tout d’abord de définir 3 catégories de publics chez les seniors de plus 50 ans. Ainsi, ils identifient les seniors sans problèmes de santé, les seniors à risques (fragiles ou fragilisés) et enfin les seniors dépendants. En fonction de chaque profil, ces experts proposent donc un cahier des charges pour la mise en œuvre d’une offre sportive adaptée. « L’introduction de la prévention par l’activité physique, on l’a vraiment appréhendée comme un changement de mentalité, à la fois dans l’attitude du médecin et de la société » précise Roger Rua.

 

Ecoutez le Dr Roger Rua, généraliste spécialisé en médecine du sport et président du SML : « Chez les personnes âgées qui ont des bonnes capacités physiologiques, la prévention primaire ralentit l’apparition d’autres maladies. Pour les plus dépendants, l’activité physique est donnée comme un traitement. »

 

Une visite médicale pour évaluer sa forme dès 55 ans

Alors que de nombreuses études montrent les bienfaits sur la santé d’une activité physique régulière chez les seniors, ce rapport rappelle que chez les personnes fragiles ou dépendantes, elle peut aussi devenir un risque. Par conséquent, le rapport préconise notamment d’améliorer la formation de tous les intervenants (professionnels de santé, animateurs sportifs, éducateurs…) avec la nécessité d’un socle commun de connaissances, Enfin, l’une des recommandations de ces experts, valable pour tous les seniors, serait de mettre en place une consultation préventive d’évaluation de la condition physique pour les plus de 55 ans, prise en charge par l’Assurance maladie ou les complémentaires santé. En particulier dans le cadre des consultations de préretraite, cela permettrait que des personnes en bonne santé et qui n’auraient pas consulté un médecin spontanément, puissent faire un bilan physique et se voir délivrer un message et des conseils individualisés de prévention pour les années suivantes.


Du sport sur ordonnance
Par ailleurs, ce groupe interministériel recommande aussi le développement du sport sur ordonnance. Pris en charge par l’Assurance Maladie ou les mutuelles, l’idée serait donc de généraliser des expériences comme celle mise en place récemment par la ville de Strasbourg. Elle a permis à des généralistes de prescrire à certains patients une activité physique modérée et régulière, ainsi que de les orienter vers un éducateur sportif. Ces patients ont ainsi bénéficié gratuitement d’abonnements à des vélos, d’entrées à la piscine ou encore de cours dispensés par des associations.

 

Ecoutez le Dr Roger Rua : « Cette consultation prévention va permettre de faire des économies. Par exemple, arrêter l’évolution du diabète avec de l’activité physique, ça veut dire moins de cécité et moins d’amputation. »  

 

Des propositions pour les personnes fragiles ou en établissement

Pour établir leurs recommandations, les experts de ce groupe de travail ont commencé par dresser l’état des lieux des actions existantes favorisant la pratique du sport des seniors. Résultat : l’offre sur le territoire est déjà abondante bien que très hétérogène. Par exemple, dans les structures d’accueil des personnes âgées dépendantes ou non, les activités physiques et sportives (APS) dépendent du projet d’établissement. Selon ces spécialistes, il est primordial de généraliser dans ces établissements, l’accueil d’éducateurs sportifs travaillant en lien avec les équipes soignantes. Cela nécessitera évidemment un investissement financier, mais qui reviendrait finalement à réinvestir dans l’emploi, les bénéfices engendrés par les APS en termes de santé publique. Par ailleurs pour les plus dépendants, ils proposent d’intégrer les APS dans les soins de suite et réadaptation en complémentarité avec les professionnels de la rééducation. Enfin, plus original, ce rapport recommande le développement d’outils modernes de prise en charge physique à distance des personnes peu mobiles. Grâce aux aidants ou aux auxiliaires de vie, ils envisagent par exemple la création d’outils de télécoaching adaptés à cette population.

 

Retrouver l’envie, une nécessité

Mais au delà du développement de nouveaux outils, il faudra avant tout que les seniors intègrent l’intérêt de l'activité physique comme une forme de traitement préventif de certaines maladies. Le rapport propose de mettre en place « en urgence » une campagne d’information pour les seniors sur les bienfaits de la lutte contre la sédentarité, tout en proposant des solutions incitatives comme des chèques-activités. « Chez les seniors, le principal frein est le manque d’envie pour 42%, le manque de temps pour 17% et l’état de santé pour 13%, explique le Pr Jean François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche bio-médicale et d’épidémiologie du sport (IRMES). Pour leur donner cette envie, il faut communiquer et leur montrer des exemples positifs. En Bretagne par exemple une initiative du Pr Tregaro propose des Olympiades dans les EHPAD, on a vu des masters organisés pour des nonagénaires… Même à 80 ans le sport peut être ludique ». Il termine en rappelant que plusieurs études ont montré que même à 75 ans, en étant actifs, les seniors gagnent 2 à 3 années de vie supplémentaire. « Et ce n’est pas de la vie en plus pour rien, grâce à l’activité physique, les seniors y gagnent en qualité de vie tant sur le plan physique que psychique, » conclut le Pr Toussaint.