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Consommation de viande et cancer colorectal : des causes génétiques ?

Par Stanislas Deve

En examinant l’ADN de quelque 70.000 personnes, des chercheurs ont mis en évidence les possibles fondements génétiques du lien entre la consommation de viande rouge ou transformée et le risque de cancer colorectal.

Natali_Mis / istock
On sait que la consommation excessive de viande rouge ou de viande transformée est un facteur de risque de cancer colorectal, l’un des plus fréquents en France avec plus de 47.000 cas par an. Mais pourquoi ? Une nouvelle étude suggère que cela pourrait être lié à des causes génétiques.
En étudiant les interactions gène-environnement à partir d’échantillons d’ADN de quelque 70.000 personnes, les chercheurs ont constaté que, parmi celles qui consommaient beaucoup de viande, certaines étaient, de par leur ADN, confrontées à un risque encore plus élevé de cancer colorectal par rapport à d’autres qui en mangeaient autant.
C’est le cas pour les personnes ayant des variations du gène SMAD7, qui régule l'hepcidine, une protéine liée au métabolisme du fer. Comme les viandes rouges et transformées contiennent des niveaux élevés de fer, les chercheurs ont émis l'hypothèse que différentes variantes de SMAD7 peuvent augmenter le risque de cancer en changeant la façon dont l’organisme traite le fer.

On sait, grâce à divers travaux, que la consommation excessive de viande rouge ou transformée est un facteur de risque de cancer colorectal, l’un des plus fréquents en France avec plus de 47.000 cas par an. Si les mécanismes biologiques sous-jacents étaient jusqu’à présent mal compris, une nouvelle étude, publiée dans la revue Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention, suggère que cela pourrait être lié à des causes génétiques.

La consommation de viande associée à un risque accru de cancer colorectal

Dans le cadre de leurs travaux, les chercheurs de la Keck School of Medecine de l’Université de Californie du Sud, aux Etats-Unis, ont analysé les données issues de 27 études incluant près de 30.000 personnes atteintes d’un cancer du côlon et du rectum, et près de 40.000 autres sans cancer. Après avoir examiné leur consommation de viande rouge (bœuf, porc et agneau) et de viande transformée (bacon, saucisses, charcuterie...), ils ont constaté que les participants qui mangeaient le plus de viande rouge ou transformée étaient confrontés, respectivement, à un risque accru de 30 ou 40 % de cancer colorectal. Jusqu’ici, rien de bien nouveau.

Pour aller plus loin, les chercheurs ont ensuite analysé, grâce à une méthode statistique, les interactions gène-environnement à partir d’échantillons d’ADN des volontaires. Ils ont notamment examiné le type de variation génétique le plus courant – les polymorphismes nucléotidiques simples – afin de déterminer si une variante génétique pouvait modifier le risque de cancer colorectal chez les personnes qui mangeaient davantage de viande. Autrement dit : certains individus sont-ils, de par leur ADN, confrontés à un risque encore plus élevé s’ils en consomment ?

Cancer colorectal et viande : un possible lien avec le métabolisme du fer

L’équipe de scientifiques a identifié deux gènes, HAS2 et SMAD7, qui ont modifié les niveaux de risque de cancer colorectal en fonction des niveaux de consommation de viande rouge ou transformée. Ainsi, les participants présentant une variante commune du gène HAS2 (qu’on trouve chez 66 % de la population) avaient 38 % de chances de plus de développer ce type de cancer s’ils mangeaient beaucoup de viande, alors que ceux ayant une autre variante plus rare du même gène n’avaient pas de risque accru, quand bien même ils consommaient autant de viande.

De leur côté, les personnes montrant des variations du gène SMAD7 étaient exposées à un risque accru (de 18 à 46 % selon la variante) de cancer colorectal si elles étaient très carnivores. Ce gène est connu pour réguler l'hepcidine, une protéine liée au métabolisme du fer. Comme les viandes rouges et transformées contiennent des niveaux élevés de fer héminique (c’est-à-dire bien absorbé par l’organisme), les chercheurs ont émis l'hypothèse que différentes variantes de SMAD7 peuvent augmenter le risque de cancer en changeant la façon dont le corps traite le fer. "Lorsque l'hepcidine est dérégulée, cela peut entraîner une augmentation de l'absorption du fer et même une surcharge de fer à l'intérieur des cellules", avance la professeure Mariana C. Stern, autrice principale de l’étude, dans un communiqué.

L’équipe de chercheurs prévoit de mener d’autres études expérimentales pour examiner plus précisément le potentiel rôle d’une dérégulation du métabolisme du fer dans le développement du cancer colorectal.