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Épistémologie

Psychologie : les résultats des études sont-ils biaisés par le profil des participants ?

Par Rafaël Andraud

Les personnes souffrant de troubles de la santé mentale ont davantage tendance à participer aux études de psychologie, selon une équipe de chercheurs polonais.

Pict Rider/iStock
Les études de psychologie ont besoin de personnes qui peuvent donner de leur temps pour participer aux expériences ou répondre aux questionnaires.
Ce volontariat pourrait être vu par certaines personnes à la recherche d'une assistance, voire du diagnostic d'un trouble de la santé mentale, comme une alternative moins chère à une aide professionnelle.
Les participants qui ont déjà pris part à des études de psychologie présentent des symptômes d'un trouble de la personnalité, de dépression ou d'anxiété, selon une récente étude polonaise.

Sur Pourquoidocteur, nous relayons régulièrement des études de psychologie. Mais dans quelle mesure peut-on réellement se fier aux résultats de ces dernières ? Dans un récent article de The Conversation, Nigel Holt, professeur de psychologie à l'université Aberystwyth (Pays de Galle), montre en quoi beaucoup d'entre elles seraient potentiellement faussées.

Certains participants voient la recherche comme une aide professionnelle discount

La plupart du temps, les études de psychologie ont besoin de personnes qui peuvent donner de leur temps pour participer aux expériences ou répondre aux questionnaires. Certains le font pour la rémunération à la clé, mais d'autres n'ont pas forcément les mêmes intentions. Quelle est leur motivation dans ce cas ? Une équipe de chercheurs polonais a récemment formulé une hypothèse : ce volontariat pourrait être vu comme une alternative moins chère à une aide professionnelle. Certaines personnes seraient ainsi à la recherche d'une assistance, voire du diagnostic d'un trouble de la santé mentale.

Pour le vérifier, l'équipe a cherché à savoir si les volontaires des études de psychologie étaient plus susceptibles de souffrir d'un trouble de la personnalité, de dépression ou d'anxiété. À cette fin, la psychologue Izabela Kaźmierczak et ses collègues de l'université Maria Grzegorzewska de Varsovie ont mené plusieurs études, impliquant 947 participants, dont 62 % de femmes. Certains avaient déjà participé à des études de psychologie, d'autres n'y avaient jamais pris part. Les résultats de leurs travaux ont été publiés le 8 mars dernier dans la revue en libre accès PLOS ONE.

"Ces enquêtes sont un lieu où ils peuvent exprimer leurs traumatismes"

Les participants se sont évalués eux-mêmes grâce à un questionnaire basé sur les critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), pour chacun des douze troubles proposés. Le test consistait à répondre par oui ou par non à 119 questions. Les chercheurs ont ensuite évalué chaque trouble sur la base du nombre de réponses affirmatives, qui ont ensuite été dichotomisées en fonction des protocoles de découpage du DSM.

Résultat : les participants qui avaient déjà pris part à des études présentaient des symptômes d'un trouble de la personnalité, de dépression ou d'anxiété. "Ces enquêtes sont un lieu où ils peuvent exprimer leurs traumatismes, donc ils sont tentés de postuler", expliquent les chercheurs.

Ces travaux ont ainsi permis de dévoiler un problème d'auto-sélection alarmant. Puisque les répondants à un questionnaire sélectionnent ceux auxquels ils souhaitent prendre part, les résultats peuvent être clairement biaisés à cause d’un profil particulier de participants. Ainsi, la conclusion de l'étude se retrouve faussée.

Trop d'étudiants seraient utilisés dans les échantillons des études

“Nous ne pouvons toutefois pas contrôler les personnes qui donnent de leur temps pour participer à nos enquêtes. Fournir des instructions sur les affiches de recrutement spécifiant 'Les individus présentant des symptômes de troubles de la personnalité ne doivent pas postuler' fausserait également les résultats. C'est à nous d'être plus prudent lors de notre sélection, et de mener des recherches avec un panel suffisamment conséquent”, soulignent les auteurs de l'étude.

Second écueil pointé par l'étude polonaise : la recherche en psychologie est avant tout portée par des universitaires, qui se servent souvent d’échantillons avec des étudiants. Comment des observations menées sur un panel dont l'âge varie presque exclusivement entre 18 et 24 ans peuvent conduire à des résultats généralisables à une population entière ? Ce sera la prochaine question à éclaircir pour les chercheurs.