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L'interview du week-end

Pollution atmosphérique : “Il ne faut pas penser que l’air à la campagne est moins pollué”

Par Alexandra Wargny Drieghe

En octobre dernier, l’État a été condamné à une amende record de 20 millions d’euros à cause de son manque d’action pour lutter contre la pollution de l’air. Mais concrètement, quels sont les effets indésirables sur la santé de ces concentrations de polluants dans l’atmosphère ? Réponses avec le pneumologue Dr Frédéric Le Guillou, président de l'association Santé respiratoire France.

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Pourquoi Docteur : Quel est le niveau de la pollution de l'air en France ?

La qualité de l’air en France s’est améliorée ces 20 dernières années, en partie grâce à certaines directives prises au niveau européen et par l’Etat français.
Mais aujourd’hui, la pollution de l’air serait tout de même responsable d’environ 48.000 décès prématurés chaque année dans l’Hexagone. Or dans ces chiffres officiels, seuls les niveaux de particules fines et de dioxyde d’azote sont pris en compte. On ne peut quantifier que ce qu’on mesure, mais si on rajoutait les pesticides, les produits phytosanitaires, les sprays ménagers (etc), qui sont aussi responsables d’une grosse pollution, on serait plus proche des 70.000 morts par an.

Yeux qui piquent, gorge qui gratte… la faute aux particules irritantes

L’air est-il plus sain à la campagne que dans les villes ?

Il ne faut pas penser que l’air à la campagne est moins pollué. Certes il y a moins de pollution liée aux automobiles, mais celle aux pesticides et produits phytosanitaires est plus importante. Il y a eu une enquête intéressante du côté de Bordeaux sur les conséquences des traitements de la vigne par pesticides. On s’est aperçu qu’à chaque épandage, il y avait une augmentation du nombre de rhinites chez les enfants, alors qu’ils vivaient à plusieurs kilomètres de la zone traitée. On peut aussi évoquer le nombre de cas inquiétants de cancers du sang chez des enfants en Charente-Maritime…

“Sur le long terme cette pollution atmosphérique peut entraîner ou aggraver de nombreuses pathologies”

Quels sont les effets de la pollution à court et long terme sur l’organisme ?

En termes cliniques, les effets immédiats sont provoqués par des irritants tels que le dioxyde de soufre ou d’azote. Cela provoque des symptômes comme les yeux qui piquent, la gorge qui gratte, une toux, etc. Ces manifestations sont d’autant plus fortes pendant les pics de pollution.
Sur le long terme, cette pollution atmosphérique peut entraîner ou aggraver de nombreuses pathologies : asthme, maladies cardiovasculaires, neurologiques, troubles du développement fœtal, cancers, etc.
Il y a également une hausse des allergies respiratoires qui sont notamment dues à nos modes de vie et à l'aménagement des villes qui n’a pas été réfléchi avec des professionnels de santé. Par exemple, on a mis des graminés partout sur les ronds-points. C’est pareil dans le sud de la France où on a planté beaucoup trop de cyprès… Or, on sait que pour diminuer les risques d’allergie, il faut diversifier au maximum les plantations !

Le masque, une “bonne solution” pour se protéger des allergènes et de la pollution

Comment se protéger de la pollution ? Le masque est-il utile ?

Oui, le masque est une bonne solution quand on est exposé aux allergènes et pour se protéger de la pollution, notamment pour sortir lors des pics. Un masque classique filtre en moyenne 70 % des particules et un masque FFP2 en filtre 85 %. À noter que les personnes les plus à risque sont l’embryon, le bébé, les enfants, les personnes âgées et tous les gens qui ont des pathologies chroniques respiratoires (asthme, BPCO, mucoviscidose, etc), les insuffisants cardiaques et ceux souffrant de maladies neurologiques.

“La plus grande source de pollution est à l’intérieur des domiciles et des bureaux”

Peut-on, nous citoyen lambda, faire en sorte d’améliorer la qualité de l’air ?

Bien-sûr ! Effectivement il faut des actions de l'État, mais il faut aussi que le citoyen change son mode de vie, ce qui est beaucoup plus difficile. On parle beaucoup de la qualité de l’air extérieur, mais la plus grande source de pollution est à l’intérieur des domiciles et des bureaux ! Bougies parfumées, encens, nettoyants ménagers… sont des irritants pour les voies respiratoires qu’il faut réduire, voire bannir. C’est également le cas des peintures, ou des colles pour les meubles. Pour vous protéger, l’idéal serait de déballer ces produits, de les laisser dehors pour qu’ils s'aèrent avant de les monter deux ou trois jours plus tard. Mais on ne peut pas toujours mettre cela en application, donc il faut aussi améliorer les normes. Et puis, on ne le répète jamais assez, il faut aérer au moins 30 minutes tous les jours son logement et avoir des ventilations adaptées.
Il faut que chacun essaye aussi de réduire l’utilisation de la voiture, notamment pour les trajets courts. C’est possible car 50 % des déplacements font moins de 5 km et pourraient donc être faits à vélo par exemple (quand la situation le permet). Pour les personnes qui ont le budget, il faut également arrêter les chaudières à fioul et à charbon.