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Recommandations britanniques

Patients obèses : les médecins incités à cesser toute stigmatisation

Par Afsané Sabouhi

La Haute autorité de santé britannique, le NICE, prépare des recommandations pour faire cesser la culpabilisation des patients obèses et améliorer leur prise en charge.

DESRUS BENEDICTE/SIPA

« Vous avez mal au dos ? Commencez par maigrir ! » « D’accord vous avez un problème cardiaque mais non, je ne peux pas vous opérer. Revenez me voir quand vous aurez perdu 20 kilos » Ce type de réponse abrupte est loin d’être exceptionnel lorsqu’un professionnel de santé s’adresse à une personne obèse. Quel que soit le motif de consultation, même un rhume ou une grippe, la question du poids surgit dans le dialogue, souvent de façon stigmatisante et culpabilisante pour la personne obèse.

Le NICE, l’équivalent britannique de la Haute autorité de Santé prend le problème en considération et prépare pour mai 2014 des recommandations incitant le corps médical à témoigner plus de respect à leurs patients obèses. Dans un document de travail qu’il vient de mettre en ligne, le NICE enjoint les soignants à adopter « un ton respectueux, non culpabilisant et non moralisant » et à « prendre conscience des efforts nécessaires pour perdre du poids et éviter de le reprendre et de la stigmatisation que ressentent et subissent les adultes en surpoids ou obèses ». En débarrassant la relation médecin-patient de cette chape culpabilisante, les autorités sanitaires britanniques espèrent améliorer la prise en charge de l’obésité, qui touche désormais plus d’un quart des adultes.


La société toute entière stigmatise les obèses

Le Dr Bernard Waysfeld, psychiatre et nutritionniste à Paris, dirige le GROS, le groupement de réflexion sur l’obésité et le surpoids. S’il salue l’intention louable des autorités britanniques, il reste sceptique sur l’efficacité de ce type de recommandations. « La stigmatisation des personnes obèses est un problème de société, une forme de racisme et d’intolérance à la différence, qui ne concerne pas que les médecins. On peut leur demander de cesser d’être culpabilisants mais que fait-on lorsque la compagnie Ryanair veut faire payer deux places dans l’avion aux personnes obèses ? Le problème éthique est le même », souligne ce spécialiste de l’obésité.


Pour espérer porter leurs fruits, ce type de recommandations pour le corps médical doivent s’accompagner d’une meilleure connaissance de l’obésité enseignée aux médecins. « Lorsqu’on restreint drastiquement la prise alimentaire, on maigrit, c’est un fait. Donc historiquement, le corps médical a pris cette vérité à court terme comme une preuve sur le long terme et comme la démonstration de la culpabilité des obèses dans leur surpoids », raconte le Dr Waisfeld. Faute de mise à jour des enseignements, les idées reçues sur « le gros qui se laisse aller » continuent d’avoir cours parmi les soignants, comme dans le grand public. Toutes les découvertes récentes sur la part de la génétique, du psychisme ou encore du microbiote (la flore intestinale) dans l’obésité manquent pour le moment de recul pour être enseignées dans les facultés de médecine.


Ecoutez le Dr Bernard Waysfeld, psychiatre et nutritionniste à Paris, président du groupement de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS) : « Même dans la formation des nutritionnistes et des diététiciennes, les clichés demeurent. Il faut qu’on arrête d’enseigner que les obèses sont des gens qui mangent trop ! »


« Lorsqu’on suit pendant des dizaines d’années des patients obèses, les idées reçues se heurtent à la réalité. Les généralistes sont donc nombreux à avoir, au cours de leur carrière, changé de regard sur ces patients. Mais chez les spécialistes, c’est dramatique », souligne le Dr Waysfeld. Et de citer des exemples de chirurgiens, de cardiologues ou encore d’ophtalmos attribuant sèchement un symptôme à l’obésité du patient sans avoir fait les examens complémentaires qu’ils auraient mené systématiquement pour un patient moins gros. « C’est une perte de chance pour le malade, la stigmatisation de son surpoids retarde les diagnostics, ce qui peut être très dangereux lorsqu’il s’agit d’un diagnostic de tumeur par exemple », souligne Bernard Waysfeld.


Ecoutez le Dr Bernard Waysfeld
, psychiatre et nutritionniste à Paris, président du groupement de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS) : « Cette stigmatisation et cette culpabilisation sont aussi le reflet de l’impuissance du corps médical à faire maigrir durablement les patients obèses ».